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10/12/2012 | FRANCE | N°317074

France | France, Conseil d'État, 8ème - 3ème ssr, 10 décembre 2012, 317074


Vu la décision n° 317074 du 3 juillet 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annulé l'arrêt n° 07VE00529 du 20 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0404552 du 21 décembre 2006 du tribunal administratif de Versailles faisant partiellement droit à la demande de la société Rhodia en lui accordant la restitution d'une somme de 13 759 427 euros correspondant au versement effectu

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Vu la décision n° 317074 du 3 juillet 2009 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux sur le pourvoi présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, a annulé l'arrêt n° 07VE00529 du 20 mai 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son recours tendant à l'annulation du jugement n° 0404552 du 21 décembre 2006 du tribunal administratif de Versailles faisant partiellement droit à la demande de la société Rhodia en lui accordant la restitution d'une somme de 13 759 427 euros correspondant au versement effectué au titre du précompte mobilier dû pour l'année 2001 et a sursis à statuer sur ce recours jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles dont elle a été saisie par la décision du Conseil d'Etat statuant au contentieux en date du 3 juillet 2009, relative au pourvoi du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique enregistré sous le n° 317075 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée par le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 21 novembre 2012, présentée pour la société Rhodia ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le traité instituant la Communauté économique européenne, devenue la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu l'arrêt C-446/04 du 12 décembre 2006 de la Cour de justice des Communautés européennes et les arrêts C-310/09 du 15 septembre 2011 et C-35/11 du 13 novembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Marc Anton, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Rhodia et de la Société Générale,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société Rhodia et de la Société Générale ;

1. Considérant qu'après l'annulation par la décision du 3 juillet 2009 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles, il appartient au Conseil d'Etat dans le cadre du règlement au fond du litige de statuer sur les conclusions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique tendant, à titre principal, à l'annulation et, à titre subsidiaire, à la réformation du jugement du 21 décembre 2006 en tant que le tribunal administratif de Versailles a accordé à la société Rhodia la restitution de la somme de 13 759 427 euros correspondant au versement effectué au titre du précompte mobilier dû pour l'année 2001 sur le fondement des dispositions combinées du 2 de l'article 146 et des articles 158 bis et 223 sexies du code général des impôts lors de la redistribution des dividendes versés par ses filiales établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ;

I - Sur l'intervention de la Société Générale :

2. Considérant que, par un mémoire enregistré le 16 mars 2012, la Société Générale est intervenue au soutien des conclusions et des moyens présentés par la société Rhodia dans le présent litige ; que, dans un litige de plein contentieux, l'intervention doit être admise si l'intervenant justifie d'un droit propre auquel la décision du juge est susceptible de préjudicier ; que la société Rhodia a, au cours de la procédure suivie devant le tribunal administratif, cédé à la Société Générale la créance fiscale sur le Trésor public, relative à la restitution du précompte en litige ; qu'eu égard aux effets de cette cession de créance, la Société Générale justifie d'un droit auquel la présente décision est susceptible de préjudicier ; que, par suite, son intervention est recevable ;

II - Sur la recevabilité de la demande soumise au tribunal administratif :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article 158 bis du code général des impôts, en vigueur pendant l'année d'imposition en litige : " Les personnes qui perçoivent des dividendes distribués par des sociétés françaises disposent à ce titre d'un revenu constitué:/ a) par les sommes qu'elles reçoivent de la société ;/ b) par un avoir fiscal représenté par un crédit ouvert sur le Trésor (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 216 du même code : " Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères (...), touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 223 sexies du même code, dans sa rédaction en vigueur pendant cette année d'imposition : " (...) lorsque les produits distribués par une société sont prélevés sur des sommes à raison desquelles elle n'a pas été soumise à l'impôt sur les sociétés au taux normal (...), cette société est tenue d'acquitter un précompte égal au montant du crédit d'impôt calculé dans les conditions prévues au I de l'article 158 bis. Le précompte est dû au titre des distributions ouvrant droit au crédit d'impôt prévu à l'article 158 bis quels qu'en soient les bénéficiaires " ; qu'aux termes du 2 de l'article 146 du même code dans sa rédaction en vigueur pendant cette année d'imposition : " Lorsque les distributions auxquelles procède une société mère donnent lieu à l'application du précompte prévu à l'article 223 sexies, ce précompte est diminué, le cas échéant, du montant des crédits d'impôts qui sont attachés aux produits des participations (...) encaissés au cours des exercices clos depuis cinq ans au plus (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 216 du code général des impôts que, sous réserve d'une quote-part de frais et charges, une société mère française n'est pas soumise à l'impôt sur les sociétés à raison des dividendes qu'elle reçoit de ses filiales, quelle qu'en soit la provenance ; qu'en application des dispositions de l'article 223 sexies du même code, lorsqu'elle redistribue ces dividendes à ses propres actionnaires, elle est tenue d'acquitter à ce titre un précompte, quelle que soit la provenance des dividendes qui lui ont été distribués et qu'elle a ainsi redistribués ; que le montant de l'avoir fiscal dont la société mère bénéficie au titre de dividendes distribués par une filiale établie en France en vertu des dispositions de l'article 158 bis du même code s'impute sur le montant de ce précompte en application du 2 de l'article 146 du même code alors que les dispositions de l'article 158 bis font obstacle à l'attribution à cette société mère d'un avoir fiscal au titre de dividendes en provenance de filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et, par suite, à toute imputation sur le montant du précompte exigible lorsque cette société mère redistribue ces dividendes ;

5. Considérant que, par des mémoires enregistrés les 20 janvier et 16 octobre 2012, soit postérieurement à la décision avant-dire droit du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 3 juillet 2009, le ministre soutient, d'une part, que le litige n'ayant jamais porté sur l'exigibilité du précompte mais uniquement sur l'attribution d'avoirs fiscaux pouvant servir au paiement du précompte et la société Rhodia n'ayant pas présenté de réclamation préalable relative à l'octroi de ces avoirs fiscaux, contrairement à ce qu'exige l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, la demande présentée par cette société devant le tribunal administratif était irrecevable ; qu'il soutient, d'autre part, que la demande de la société Rhodia est, en tout état de cause, devenue irrecevable à la suite de la cession, au cours de la procédure suivie devant le tribunal, de sa créance fiscale en restitution du précompte, laquelle a eu pour effet de lui faire perdre sa qualité pour agir ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision du 3 juillet 2009 par laquelle le Conseil d'Etat a sursis à statuer sur le recours du ministre jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige, dont elle avait été saisie par la décision n° 317075 qu'il a rendue le même jour, a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées par la société Rhodia ; que l'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la société Rhodia a demandé la restitution du précompte qu'elle a spontanément versé, au motif que les dispositions législatives régissant l'avoir fiscal et le précompte ne l'autorisaient pas à imputer, sur le précompte dont elle était redevable, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement supporté par les bénéfices réalisés par ses filiales établies dans les autres Etats de l'Union européenne ; que la société était recevable à solliciter, à l'appui de sa réclamation préalable, formée dans les délais, tendant à cette restitution et fondée sur l'incompatibilité de ces dispositions avec le droit communautaire, l'octroi d'un crédit d'impôt venant s'imputer sur le précompte dont elle était redevable ; qu'elle n'était dès lors pas tenue de présenter, à peine d'irrecevabilité, une réclamation préalable tendant à l'attribution par l'administration de l'avoir fiscal prévu par l'article 158 bis du code général des impôts alors en vigueur et qu'elle ne pouvait espérer obtenir sur le terrain de la loi compte tenu de l'exclusion prévue par la réglementation alors applicable ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du livre des procédures fiscales, notamment des articles L. 190 et L. 199 ainsi que des dispositions réglementaires prises pour leur application, toute personne qui a été assujettie à une imposition tient de sa qualité de contribuable le droit de contester par la voie contentieuse cette imposition devant la juridiction compétente ; que cette qualité subsiste pour le règlement du litige fiscal alors même que ce contribuable aurait cédé la créance qu'il prétend détenir sur l'Etat ; qu'en effet, si une telle cession, effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, fait obligation au comptable public, en application des dispositions de l'article L. 313-28 de ce code, de tenir compte de la cession de cette créance en cas de restitution de tout ou partie de l'imposition, elle reste sans incidence sur la qualité de contribuable de cette personne et, par suite, sur sa qualité pour agir devant la juridiction ; qu'il en va ainsi lorsque cette cession intervient au cours de la procédure devant les juges du fond ; qu'au jour de l'introduction de sa demande au tribunal administratif, la société Rhodia justifiait en sa qualité de contribuable d'un intérêt lui donnant qualité pour agir ; qu'au cours de l'instance devant le tribunal administratif, la société a cédé le 1er février 2006 à la Société Générale sa créance de 13 759 427 euros ; que cette cession a été notifiée à l'administration le 2 février 2006 ; que cette circonstance n'a eu ni pour objet ni pour effet de faire perdre au cours de la procédure contentieuse à la société Rhodia sa qualité de contribuable et par suite sa qualité pour agir ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que l'intérêt pour agir s'appréciant à la date d'introduction de la demande, la cession de créance en cause, intervenue postérieurement à cette date, ne saurait avoir d'effet sur l'intérêt pour agir de la société Rhodia ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait dû opposer d'office une irrecevabilité à la demande de la société Rhodia ;

III - Sur la demande tendant à la restitution du précompte :

11. Considérant que le ministre soutient que l'article 1er du jugement attaqué doit être réformé en tant que, d'une part, il méconnaît l'étendue du quantum en litige et, d'autre part, il accorde à la société Rhodia une restitution de précompte en l'absence de justifications relatives, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les Etats membres de la Communauté européenne autres que la France ;

12. Considérant que le règlement du litige conduit à examiner, successivement, si la société peut se prévaloir, sur le principe, d'un droit à la restitution du précompte, lequel est subordonné à l'incompatibilité du dispositif de l'avoir fiscal et du précompte avec le droit communautaire, puis, en cas de réponse positive, les principes applicables pour la détermination de ce droit et enfin le montant de son droit à restitution ;

A) Sur la compatibilité du dispositif de l'avoir fiscal et du précompte avec le droit communautaire :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un Etat membre dans le territoire d'un autre Etat membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un Etat membre établis sur le territoire d'un Etat membre(...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres (...) sont interdites " ; qu'ainsi qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, une législation nationale ayant vocation à s'appliquer aux seules participations permettant d'exercer une influence déterminante certaine sur les décisions d'une société et de déterminer les activités de celle-ci relève des stipulations du traité relatives à la liberté d'établissement ; qu'en revanche, des dispositions nationales qui trouvent à s'appliquer à des participations effectuées dans la seule intention de réaliser un placement financier sans intention d'influer sur la gestion et le contrôle de l'entreprise doivent être examinées exclusivement au regard de la liberté de circulation des capitaux ; que, pour apprécier si une législation relève de l'une ou l'autre de ces libertés, il y a lieu de prendre en compte l'objet de la législation en cause ;

14. Considérant qu'ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans son arrêt C-310/09 du 15 septembre 2011 statuant sur la question préjudicielle qui lui avait été soumise par la décision n° 317075 du Conseil d'Etat statuant au contentieux du 3 juillet 2009, la législation française sur l'avoir fiscal et le précompte était susceptible de s'appliquer non seulement aux sociétés percevant des dividendes sur la base d'une participation conférant une influence certaine sur les décisions de la filiale distributrice et permettant d'en déterminer les activités mais également à celles percevant des dividendes sur la base d'une participation minoritaire ne conférant pas une telle influence ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'examiner la liberté invocable dans le litige au vu de la participation détenue par la société Rhodia dans le capital de ses filiales distributrices de dividendes ;

15. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents produits devant le Conseil d'Etat que, compte tenu de la participation détenue par la société Rhodia dans le capital de ses filiales distributrices établies en Allemagne, en Italie et en Espagne, qui lui confère une influence certaine sur les décisions de ces filiales distributrices et lui permet d'en déterminer les activités, la compatibilité de la législation sur l'avoir fiscal et le précompte doit, dans le présent litige, être examinée au seul regard de la liberté d'établissement ;

16. Considérant que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne relatif à la liberté d'établissement s'opposait à la législation d'un Etat membre, telle que la législation française, ayant pour objet d'éliminer la double imposition économique des dividendes et qui permet à une société mère d'imputer sur le précompte, dont elle est redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales, l'avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes s'ils proviennent d'une filiale établie dans cet Etat membre, mais n'offre pas cette faculté si ces dividendes proviennent d'une filiale établie dans un autre Etat membre, dès lors que cette législation n'ouvre pas droit, dans cette dernière hypothèse, à l'octroi d'un avoir fiscal attaché à la distribution de ces dividendes par cette filiale ;

17. Considérant que, par suite, les dispositions régissant l'avoir fiscal et le précompte alors en vigueur, en tant qu'elles n'avaient pas autorisé une société mère française à imputer, sur le précompte dont elle était redevable lors de la redistribution à ses actionnaires des dividendes versés par ses filiales établies dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement acquitté par les filiales au titre des bénéfices réalisés et qu'elles ont distribués, méconnaissaient la liberté d'établissement garantie par le traité ; que, dès lors, une telle société est, sur le principe, fondée à se prévaloir d'un droit à la restitution du précompte calculée de telle sorte que ces dispositions soient neutres au regard de cette liberté ; qu'une atteinte à cette liberté existe lorsque les sommes versées par la société au titre du précompte sont supérieures à celles qu'elle aurait dû verser si un tel crédit d'impôt lui avait été octroyé ; qu'il y est remédié par la restitution des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de la société mère établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, lorsque ces dividendes ont donné lieu à redistribution par cette société mère ;

18. Considérant que, par suite, et alors même que le tribunal administratif, qui ne disposait pas des éléments d'appréciation utiles, s'est fondé sur la liberté de circulation des capitaux, la société Rhodia pouvait prétendre à la restitution du précompte en raison de l'incompatibilité de la législation française avec le droit communautaire ;

B) Sur les règles applicables :

En ce qui concerne les conditions d'attribution d'un crédit d'impôt :

19. Considérant que, pour la détermination du montant du précompte effectivement supporté, la société Rhodia ne peut bénéficier d'un crédit d'impôt au titre de dividendes provenant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne qu'autant que ces distributions rempliraient les conditions posées par le droit interne à l'attribution d'un avoir fiscal ;

20. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 158 bis et 158 ter du code général des impôts, alors en vigueur et relatives à l'avoir fiscal, que celui-ci était exclusivement attaché aux produits distribués par une société à ses associés à titre de dividendes, en vertu d'une décision prise par l'assemblée générale de ses actionnaires ou porteurs de parts, dans les conditions prévues par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales ; que l'octroi d'un crédit d'impôt est ainsi subordonné à la condition que les produits distribués par la filiale établie dans un autre Etat membre de la Communauté européenne aient le caractère de dividendes alloués en vertu d'une décision régulière des organes compétents de cette société ;

21. Considérant que le ministre ne conteste pas que les dividendes versés à la société Rhodia par ses filiales implantées en Allemagne, en Italie et en Espagne satisfont aux conditions auxquelles l'attribution de l'avoir fiscal était subordonnée en droit interne ; que la société peut donc prétendre à l'octroi d'un crédit d'impôt ;

En ce qui concerne les effets de la déclaration de précompte :

22. Considérant que la société Rhodia, qui demande une restitution du précompte spontanément versé, soutient que, conformément au principe d'équivalence retenu par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, elle doit pouvoir utiliser les avoirs fiscaux attachés aux revenus de participation perçus au cours des cinq derniers exercices précédant l'exigibilité du précompte dès lors que l'imputation fiscale de ces postes de résultats aurait permis l'utilisation des avoirs fiscaux pour acquitter le précompte exigible quelle que soit l'origine comptable des sommes qu'elle a redistribuées ; qu'elle soutient également que la ventilation et l'imputation qu'elle a effectuées en application d'un régime fiscal français incompatible avec le droit communautaire ne peuvent lui être opposées dès lors qu'elle aurait nécessairement procédé à des imputations différentes si les revenus issus de filiales établies dans un Etat membre de la Communauté européenne autre que la France avaient été assortis d'un avoir fiscal ; qu'elle fait, en outre, valoir que les indications portées sur la déclaration de précompte ne sauraient être constitutives d'une décision de gestion qui puisse lui être opposable et que de même elle ne peut se voir opposer le millésime des dividendes déclarés distribués dès lors que seraient alors méconnus le principe d'égalité, le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi que les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention ; que le ministre expose que cette demande de nouvelle liquidation du précompte ne peut être accueillie, qu'elle correspond à des conclusions de nature indemnitaire qui sont irrecevables et qu'il y a lieu d'opposer à la société la déclaration de précompte qu'elle a souscrite en sa qualité de redevable ;

23. Considérant, d'une part, que les dispositions régissant l'avoir fiscal et le précompte ont pour objet, compte tenu de l'objectif de neutralité fiscale du régime des sociétés mères, de permettre à de telles sociétés d'imputer les avoirs fiscaux attachés aux dividendes reçus de leurs filiales sur le précompte dont elles sont redevables lorsqu'elles redistribuent ces derniers dans un délai de cinq ans ; que ces dispositions ne sauraient, en revanche, être regardées, compte tenu de l'objectif mentionné ci-dessus, comme ayant pour objet ou pour effet d'autoriser les sociétés mères à imputer tout autre crédit d'impôt attaché aux produits de participation qu'elles ont perçus depuis cinq ans, mais qu'elles n'ont pas redistribués, sur le précompte dû ; qu'ainsi, la société Rhodia ne saurait obtenir de restitution excédant le montant du précompte mobilier qu'elle a versé au titre de l'exercice 2001 à l'occasion de la redistribution effective des dividendes perçus de ses filiales implantées dans un autre Etat membre de la Communauté européenne, ni se prévaloir de ce qu'elle disposerait d'une créance sur le Trésor public à raison de dividendes qu'elle aurait perçu de source étrangère, indépendamment de cette redistribution ;

24. Considérant, d'autre part, que la déclaration de précompte souscrite par une société en sa qualité de redevable précise, pour la redistribution des dividendes, les montants des distributions reçues notamment de ses filiales établies hors de France au titre de l'un ou de plusieurs des cinq exercices précédant cette déclaration ; que, si elle mentionne des sommes globales pour chacun de ces exercices, une telle déclaration révèle nécessairement le rattachement effectif de cette redistribution à des distributions par filiale, effectuées et perçues au titre de ces exercices ; que par suite, eu égard aux principes rappelés par la Cour de justice de l'Union européenne et mentionnés aux points 16 et 17 de la présente décision, et sans que la société puisse soutenir qu'il est ainsi porté atteinte au principe d'égalité, au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ainsi qu'aux stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article premier du premier protocole additionnel à cette convention, la société ne peut demander le bénéfice d'un crédit d'impôt qu'à raison de ces distributions ;

25. Considérant que, dès lors et sans qu'il soit besoin, en tout état de cause, d'examiner la fin de non-recevoir que le ministre oppose à la demande de la société au motif qu'elle correspondrait à des conclusions de nature indemnitaire, la société n'est pas fondée à soutenir que la déclaration de précompte qu'elle a souscrite ne lui serait pas opposable ;

En ce qui concerne la prise en compte de l'impôt acquitté par les sous-filiales :

26. Considérant que la société Rhodia soutient que les principes d'équivalence et d'effectivité imposent de prendre en compte l'impôt acquitté par les sous-filiales lorsque le dividende redistribué à la société mère par la filiale établie dans un autre Etat membre de la Communauté européenne et correspondant aux dividendes que ses propres filiales lui ont versés n'a pas été imposé au niveau de cette filiale en application du régime des sociétés mères ;

27. Considérant que, lorsqu'une filiale établie en France perçoit un dividende que lui verse sa propre filiale à raison de résultats ayant supporté l'impôt sur les sociétés au taux normal et qui, en application du régime des sociétés mères, ne supporte pas une telle imposition, un avoir fiscal est attaché au dividende reçu par cette filiale ; que lorsque celle-ci redistribue à sa société mère française ce dividende, elle doit alors acquitter un précompte mobilier, sur lequel s'impute l'avoir fiscal d'un même montant ; que, dans un tel cas, exception faite de la quote-part de frais et charges, la société mère reçoit un dividende équivalent à celui qu'a versé la sous-filiale et auquel est attaché un avoir fiscal de même montant, de sorte que ce dividende ne fait pas l'objet d'une double imposition économique ;

28. Considérant que, lorsque la filiale établie dans un autre Etat membre bénéficie d'un crédit d'impôt équivalent à l'avoir fiscal au titre du dividende reçu de sa propre filiale et que ce crédit d'impôt est récupéré en application de conventions bilatérales par la société mère française, celle-ci reçoit un montant équivalent à celui du dividende versé par la sous-filiale et à ce crédit d'impôt ; que, dans un tel cas, elle est placée, au regard de la double imposition économique des dividendes, dans une situation équivalente à celle d'une société mère percevant des dividendes de source française ; qu'en revanche, si un tel crédit d'impôt dans l'autre Etat membre n'existe pas ou n'est pas récupérable, la société mère française ne reçoit que le montant du dividende versé par la sous-filiale ; que, dans ce cas, la méconnaissance de la liberté d'établissement dont la société Rhodia se prévaut ne provient pas de la législation française mais du fait que la législation de l'Etat membre de résidence de la filiale distributrice ne comporte pas de dispositif permettant d'éliminer cette double imposition économique ; que, dans cette dernière hypothèse, la société n'est pas fondée à demander le bénéfice d'un crédit d'impôt venant s'imputer sur le précompte qu'elle a dû acquitter ; que, si elle se prévaut de l'arrêt C-35/11 du 13 novembre 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne, selon lequel les réponses apportées par la Cour aux deuxième et quatrième questions posées dans le cadre de l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt C-446/04 du 12 décembre 2006 valent également lorsque l'impôt sur les sociétés étranger que les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués ont subi n'a pas été ou n'a pas été entièrement acquitté par la société non résidente versant ces dividendes à la société résidente, mais l'a été par une société résidant dans un Etat membre, filiale directe ou indirecte de la première société, cet arrêt est relatif au régime alors applicable au Royaume-Uni, lequel, eu égard à ses spécificités rappelées notamment par la Cour aux points 5 à 19 et 75 à 79 de son arrêt, ne saurait être comparé au régime français de l'avoir fiscal et du précompte ; que, dès lors, si, par cet arrêt, la Cour a jugé qu'il y avait lieu, pour l'application d'un régime tel que celui applicable au Royaume-Uni, de prendre en compte l'imposition des sous-filiales non résidentes en l'absence d'imposition de la filiale distributrice non résidente, une telle règle ne peut utilement être opposée pour la détermination du crédit d'impôt susceptible d'être ouvert au titre de la législation française en litige ;

29. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, dans le cas où un dividende redistribué à une société mère française par l'une de ses filiales établie dans un autre Etat membre n'a pas été imposé au niveau de cette dernière société, l'impôt acquitté par la sous-filiale n'a pas à être pris en compte pour la détermination du précompte mobilier à restituer à la société mère ;

En ce qui concerne le montant du précompte susceptible d'être restitué et l'imputation des versements faits par l'administration aux non-résidents :

30. Considérant, d'une part, qu'ainsi que le précise notamment le point 7 de la présente décision, la société Rhodia a demandé la restitution du précompte qu'elle a spontanément versé au motif que les dispositions législatives régissant l'avoir fiscal et le précompte ne l'autorisaient pas à imputer, sur le précompte dont elle était redevable, un crédit d'impôt ouvert sur le Trésor public français à raison de l'impôt effectivement supporté par les bénéfices réalisés par ses filiales établies dans les autres Etats membres de la Communauté européenne ; que, par suite et ainsi que le soutient le ministre, le montant du précompte susceptible d'être restitué ne saurait excéder celui versé par cette société au titre de la redistribution des dividendes qu'elle a perçus de filiales établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne ;

31. Considérant, d'autre part, que le ministre soutient que la société Rhodia ne peut obtenir la restitution du précompte qui a déjà été remboursé à ses actionnaires résidant dans un Etat autre que la France ; qu'il fait valoir que ce remboursement était généralement prévu par les conventions fiscales et qu'il a été généralisé par tolérance administrative à tous les pays liés à la France par une telle convention, même lorsque celle-ci ne le prévoyait pas ;

32. Considérant que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le droit de l'Union européenne s'oppose à ce que, lorsqu'un régime fiscal national tel que celui en litige ne se traduit pas en lui-même par la répercussion sur un tiers de la taxe indûment acquittée par le redevable de celle-ci, un Etat membre refuse le remboursement des sommes payées par la société mère, au motif soit que ce remboursement entraînerait pour celle-ci un enrichissement sans cause, soit que la somme acquittée par la société mère ne constitue pas pour celle-ci une charge comptable ou fiscale, mais s'impute sur la masse des sommes susceptibles d'être redistribuées à ses actionnaires ;

33. Considérant que si des actionnaires de la société mère résidant dans un Etat autre que la France ont bénéficié de restitutions au titre du précompte mobilier que celle-ci a acquitté, que ce soit en application de conventions bilatérales ou par mesure administrative de tempérament, cette circonstance est sans influence sur le droit de la société Rhodia à demander la restitution, à hauteur du crédit d'impôt dont elle a été irrégulièrement privée, du précompte dont elle était redevable lors de la redistribution des dividendes que lui ont versés ses filiales établies dans d'autres Etats membres ; que seule cette restitution permet de remédier au niveau de son patrimoine, lequel est distinct de celui de ses actionnaires, à l'impossibilité d'imputer sur ce précompte un crédit d'impôt ; que, par suite, le montant du précompte susceptible d'être restitué ne saurait être réduit à concurrence des sommes que l'administration a restituées aux actionnaires résidant dans un Etat autre que la France au titre de ce précompte ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions du ministre, qui sont sans objet, tendant à ce que le Conseil d'Etat ordonne une expertise afin que soit déterminée la proportion de ces actionnaires dans l'actionnariat de la société Rhodia ;

C) Sur le montant du droit à restitution :

En ce qui concerne le régime de preuve :

34. Considérant, en premier lieu, que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les principes d'équivalence et d'effectivité ne font pas obstacle à ce que la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres, donnant lieu à redistribution par cette société mère, soit subordonnée à la condition que le redevable apporte les éléments qu'il est le seul à détenir et relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres Etats membres, alors même que, à l'égard des filiales installées en France, ces mêmes éléments, connus de l'administration, ne sont pas exigés ; que la Cour a précisé que la production de ces éléments ne peut cependant être requise que sous réserve qu'il ne se révèle pas pratiquement impossible ou excessivement difficile d'apporter la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres, eu égard notamment aux dispositions de la législation de ces Etats se rapportant à la prévention de la double imposition et à l'enregistrement de l'impôt sur les sociétés devant être acquitté ainsi qu'à la conservation des documents administratifs ; que la Cour indique qu'il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions sont satisfaites ;

35. Considérant, d'une part, qu'il appartient à une société ayant présenté une réclamation tendant à la restitution du précompte de disposer de tous les éléments de nature à justifier le bien fondé de sa demande pendant toute la durée de la procédure ; que l'expiration du délai légal de conservation de tels documents ne peut la dispenser de cette obligation ; qu'il en va notamment ainsi pour la conservation des documents fiscaux dans les pays concernés par cette demande ;

36. Considérant, d'autre part, que le caractère pratiquement impossible ou excessivement difficile de la preuve du paiement de l'impôt par les filiales établies dans les autres Etats membres s'apprécie pour chaque dividende en litige et, le cas échéant, en fonction de circonstances exceptionnelles invoquées par le redevable, de nature à justifier l'impossibilité matérielle de produire les éléments requis ;

37. Considérant, en deuxième lieu, que lorsque le redevable produit des éléments ou se prévaut de l'impossibilité matérielle de les produire, il appartient à l'administration d'apporter des éléments en sens contraire ; qu'il revient alors au juge de l'impôt de se déterminer au vu de l'instruction et d'apprécier, compte tenu de l'argumentation des parties, si, pour le dividende en litige, le redevable justifie de sa demande en restitution ;

38. Considérant, en troisième lieu et au demeurant, qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable ou d'après le contenu d'un acte présenté par lui à la formalité de l'enregistrement " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu'il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;

39. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rhodia n'est pas fondée à soutenir que la demande de production d'éléments relatifs, pour chaque dividende en litige, notamment au taux d'imposition effectivement appliqué et au montant de l'impôt effectivement acquitté à raison des bénéfices réalisés par les filiales installées dans les autres Etats membres méconnaîtrait le principe d'effectivité et serait ainsi contraire aux règles relatives aux délais de conservation des documents prévus par la législation de ces Etats ; qu'elle n'est pas davantage fondée à prétendre, alors qu'il lui appartient, comme il a été dit, de conserver pendant toute la durée de la procédure tous les documents de nature à justifier le bien fondé de sa demande, qu'une telle exigence méconnaîtrait les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel ; qu'au demeurant, la société, qui a présenté sa réclamation le 3 juillet 2003 a produit, après la séance d'instruction du 12 avril 2012 organisée par la huitième sous-section, des documents venant au soutien de sa demande en restitution du précompte payé en 2001 à l'occasion de la redistribution des dividendes que ses filiales lui ont distribués en 2000 ;

En ce qui concerne le mode de calcul du crédit d'impôt permettant de déterminer le montant du précompte à restituer :

40. Considérant, en premier lieu, que la société Rhodia soutient, à titre principal, que le montant de la restitution à une société mère des sommes de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par les filiales de celle-ci établies en France et à ceux distribués par les filiales de cette société établies dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne est nécessairement égal à la moitié du montant d'un dividende redistribué ; qu'elle fait valoir que les dividendes reçus de ses trois filiales établies en Allemagne, en Italie et en Espagne auraient dû lui ouvrir droit à un crédit d'impôt, d'un même montant que l'avoir fiscal, lequel est égal à 50 % des sommes versées en application de l'article 158 bis du code général des impôts, et que ce crédit d'impôt aurait dû pouvoir s'imputer sur le précompte en vertu de l'article 145 du même code ;

41. Considérant, toutefois, qu'ainsi que, par l'arrêt précité du 15 septembre 2011, la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, si un Etat membre devait attribuer aux bénéficiaires de dividendes provenant d'une société établie dans un autre Etat membre un crédit d'impôt représentant invariablement la moitié du montant de ces dividendes, ainsi que le demande la société Rhodia, cela reviendrait à accorder à ces dividendes un traitement plus favorable que celui dont bénéficient les dividendes provenant du premier Etat membre, lorsque le taux d'imposition auquel la société distributrice de ces dividendes était assujettie dans son Etat d'établissement est inférieur au taux d'imposition appliqué dans le premier Etat membre ; que, dès lors, le moyen soulevé, à titre principal, par la société Rhodia ne peut qu'être écarté ;

42. Considérant, en deuxième lieu, que la société Rhodia soutient, à titre subsidiaire, que le montant du crédit d'impôt devant s'imputer sur le précompte doit être déterminé en prenant en compte les taux effectifs d'imposition et non les montants d'impôt effectivement acquittés à raison des bénéfices réalisés par les filiales distributrices ; qu'il résulte toutefois de ce qui vient d'être dit que, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne le précise dans cet arrêt, un Etat membre doit pouvoir être en mesure de déterminer le montant de l'impôt sur les sociétés acquitté dans l'Etat d'établissement de la société distributrice et devant faire l'objet du crédit d'impôt à accorder à la société mère bénéficiaire ; que, par suite, pour apprécier le droit à restitution du précompte, il n'est pas suffisant d'apporter la preuve que la société distributrice a été imposée, dans l'Etat membre où elle est établie, sur les bénéfices sous-jacents aux dividendes distribués ; que ce droit s'apprécie au regard des informations relatives à la nature et au taux de l'impôt ayant effectivement frappé ces bénéfices ;

43. Considérant que le crédit d'impôt ne saurait être supérieur au montant de l'impôt effectivement acquitté dans l'Etat d'établissement de la filiale ; qu'en effet, une restitution indépendante de l'impôt effectivement versé pourrait conduire non à la suppression d'une double imposition mais, le cas échéant, à une absence de toute imposition ; qu'ainsi, une société mère, redevable du précompte au titre d'un dividende versé par une filiale établie dans un autre Etat membre ne peut légitimement espérer le bénéfice d'un crédit d'impôt supérieur au montant de l'impôt effectif versé par cette filiale sur les résultats qui ont fait l'objet d'une distribution ; que, dès lors, la société Rhodia n'est pas fondée à demander, à titre subsidiaire, que le montant du droit à restitution du précompte ne soit pas déterminé en fonction de l'impôt effectivement versé à raison des bénéfices réalisés par la filiale dans l'Etat membre où elle est établie ;

44. Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des termes mêmes de l'arrêt précité de la Cour de justice de l'Union européenne que, lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par la filiale établie dans un autre Etat membre sont soumis, dans l'Etat de la société distributrice, à un impôt supérieur à l'impôt prélevé par l'Etat membre de la société bénéficiaire, ce dernier n'est contraint d'accorder un crédit d'impôt que dans la limite du montant de l'impôt sur les sociétés dû par la société bénéficiaire et n'est pas tenu de rembourser la différence, c'est-à-dire le montant acquitté dans l'Etat de la société distributrice qui excède le montant de l'impôt dû dans l'Etat membre de la société bénéficiaire ; que, par suite et ainsi que le soutient le ministre, lorsqu'une société distributrice a supporté dans l'Etat membre un impôt effectif à un taux supérieur au taux normal de l'impôt français, soit 33,33 %, le montant du crédit d'impôt auquel elle peut prétendre doit être limité au tiers des dividendes qu'elle a reçus et redistribués ;

45. Considérant, en quatrième lieu, que lorsque les bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par la filiale établie dans un autre Etat membre sont soumis, dans l'Etat de la société distributrice, à un impôt établi au vu d'un taux inférieur au taux normal de l'impôt sur les sociétés en France, soit 33,33 %, le crédit d'impôt venant s'imputer sur le précompte acquitté en France lors de la redistribution de ces dividendes doit être déterminé afin de rétablir une situation équivalente au regard de la double imposition économique des dividendes selon que ceux-ci ont pour origine une filiale établie en France ou une filiale établie dans un autre Etat membre de la Communauté européenne ; qu'il résulte de l'arrêt précité du 15 septembre 2011 que le droit communautaire n'impose pas à la France de favoriser les contribuables ayant investi dans des sociétés établies dans un autre Etat de la Communauté européenne par rapport à ceux ayant investi dans des sociétés établies en France ; qu'ainsi que le ministre le soutient sans être contredit, lorsque la filiale établie en France distribue des dividendes qui ne sont pas soumis au taux normal de l'impôt sur les sociétés, elle doit acquitter un précompte mobilier ; que le montant du précompte versé à raison de la distribution de ses résultats par une telle filiale, en application du 1 de l'article 223 sexies du même code dans sa rédaction en vigueur pendant l'année d'imposition en litige, correspond à l'écart entre l'impôt effectivement acquitté sur ces résultats et celui dont aurait résulté l'application de ce taux normal ;

46. Considérant que si, ainsi qu'il est précisé au point 17 de la présente décision, la société Rhodia est, sur le principe, fondée à se prévaloir d'un droit à la restitution du précompte à hauteur de l'octroi d'un crédit d'impôt de nature à garantir l'application d'un même régime fiscal aux dividendes distribués par ses filiales et qu'elle a redistribués, selon qu'elles sont établies en France ou dans d'autres Etats membres, une restitution du précompte qui ne tiendrait pas compte de cet écart conduirait à favoriser les dividendes de source étrangère par rapport aux dividendes de source française au regard de la double imposition économique des dividendes ; que, dès lors, le ministre est fondé à soutenir que le crédit d'impôt devant être pris en compte pour la restitution du précompte acquitté à raison de bénéfices sous-jacents aux dividendes versés par la filiale établie dans un Etat membre autre que la France et qui ont été soumis, dans l'Etat de la société distributrice, à un impôt à un taux inférieur au taux de 33,33% ne saurait inclure le montant correspondant à l'écart entre l'impôt effectivement acquitté sur ces résultats et celui dont aurait résulté l'application de ce taux normal ;

D) Sur le montant du précompte à restituer à la société Rhodia :

47. Considérant que, par l'article 1er du jugement du 21 décembre 2006, le tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de la société Rhodia en lui accordant la restitution, au titre de l'année 2001, de la somme de 13 759 427 euros, correspondant au versement effectué au titre du précompte mobilier ; que le ministre soutient que cette restitution est excessive à hauteur des montants correspondant à la redistribution de dividendes pour lesquels la société Rhodia ne justifie pas d'un rattachement à un impôt effectivement versé dans leur Etat membre de provenance et, en particulier, qu'elle ne peut se prévaloir d'impositions qui ne sont pas rattachables aux sommes figurant sur les procès-verbaux d'assemblée générale des filiales distributrices ;

48. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction qu'ainsi que le ministre le soutient et en justifie devant le Conseil d'Etat, la société Rhodia a bénéficié en 2004 d'une restitution de précompte d'un montant de 505 770 euros ; que, par l'article 1er du jugement attaqué en date du 21 décembre 2006, le tribunal administratif n'a pas porté ce montant en déduction du précompte versé en 2001, dont la société Rhodia demandait la restitution ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que cette somme doit, à due concurrence, être prise en compte pour la détermination du précompte à restituer ;

49. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction, notamment des documents versés au dossier à la suite de la séance d'instruction en date du 12 avril 2012, que la société Rhodia soutient que la fraction du précompte relatif aux redistributions de dividendes reçus de filiales établies dans des Etats membres de la Communauté européenne autres que la France et ayant donné lieu à imputation fiscale au titre de la déclaration de précompte en litige est de 10 251 644 euros en 2001, dont 6 561 581 euros au titre de sa filiale allemande Rhodia Deutschland, 2 289 247 euros au titre de sa filiale espagnole Rhodia Iberia et 1 400 816 euros au titre de sa filiale italienne Rhodia Italia ;

50. Considérant, d'une part, que la société Rhodia n'a produit aucune pièce de nature à établir que sa filiale Rhodia Italia aurait acquitté un impôt au titre des dividendes qu'elle lui a versés ; qu'ainsi qu'il a été dit aux points 26 à 29 de la présente décision, la circonstance que les propres filiales de cette société italienne ont acquitté un impôt effectif dans leur Etat membre d'établissement est sans influence sur le calcul de la restitution demandée ; que, par suite, elle n'est pas fondée à demander, à ce titre et à due concurrence, la restitution du précompte qu'elle a acquitté ; qu'en revanche, elle justifie, sans être utilement contredite, que les dividendes reçus de sa filiale espagnole et qu'elle a redistribués, s'élevant à 6 867 742 euros, sont issus de sommes qui ont supporté une imposition effective à un taux d'au moins 33,33 % et au moins égale à 2 289 247 euros, somme correspondant au tiers du montant des dividendes reçus de cette filiale ; que la société est ainsi fondée à demander la restitution d'un précompte à hauteur du crédit d'impôt dont la législation française ne permettait pas l'octroi et correspondant au tiers du montant de ces dividendes, soit la somme de 2 289 247 euros ;

51. Considérant, d'autre part, que la société Rhodia justifie avoir reçu de sa filiale allemande Rhodia Deutschland un dividende de 19 684 742 euros, dont la redistribution a donné lieu au versement du précompte mobilier à raison du tiers de cette somme, soit 6 561 581 euros ; que le ministre soutient sans être utilement contredit que ce dividende est exclusivement issu des résultats de cette filiale au titre de l'exercice clos au 31 décembre 1999 ; que, pour cet exercice, l'impôt effectivement acquitté est de 8 227 874 euros, correspondant à 28,77% du résultat avant impôt de 28 596 079 euros, soit un résultat net de 20 368 205 euros ; qu'ainsi, ce dividende doit être regardé comme provenant exclusivement de la distribution de 97% du résultat de l'exercice clos en 1999, correspondant au rapport de 19 684 742 euros et de 20 368 205 euros ; que, pour cet exercice, l'impôt effectivement acquitté a été déterminé par l'application d'un taux de 28,77%, soit un écart de 4,56% avec le taux normal de l'impôt sur les sociétés en France de 33,33% ; que le produit du résultat avant impôt de 28 596 079 euros et de cet écart de taux d'imposition de 4,56% est de 1 304 152 euros ; que, compte tenu du taux de distribution de 97% mentionné plus haut et ainsi qu'il a été dit au point 46 de la présente décision, dès lors qu'une filiale établie en France en situation équivalente au regard de la double imposition économique des dividendes aurait acquitté, lors de la distribution de ces sommes, un précompte d'un montant de 1 260 391 euros, correspondant à 97% de la somme de 1 304 152 euros, le crédit d'impôt ouvrant droit à la restitution du précompte ne saurait inclure la somme de 1 260 391 euros ; que, par suite, la restitution du précompte mobilier versé à raison du dividende en litige, soit 6 561 581 euros ainsi qu'il a été dit plus haut, ne saurait excéder 5 301 190 euros, correspondant à l'écart entre la somme de 6 561 581 euros et celle de 1 260 391 euros ;

52. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Rhodia est fondée à demander dans le présent litige l'attribution d'un crédit d'impôt dont la législation française ne permettait pas l'octroi dans la seule mesure de la somme globale de 7 590 437 euros, correspondant au total des montants mentionnés aux points 50 et 51 de la présente décision ; que, par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a ordonné la restitution de la somme de 13 759 427 euros et demander, dans cette mesure, la réformation du jugement attaqué ; que, pour déterminer le montant du précompte à remettre à la charge de la société, il y a lieu de déduire de la somme de 7 590 437 euros la somme de 505 770 euros mentionnée au point 48 de la présente décision et déjà restituée ; qu'il en résulte que le montant du crédit d'impôt, auquel la société a droit après la prise en compte de cette restitution, s'élève à 7 084 667 euros ; que, dès lors, il y a lieu de remettre à la charge de la société Rhodia au titre de l'année 2001 la somme de 6 674 760 euros, résultant de la différence entre 13 759 427 euros et 7 084 667 euros ; qu'il appartiendra à l'administration, pour l'exécution de la présente décision, de tenir compte de ce que la société Rhodia a cédé sa créance à la Société Générale par un acte en date du 1er février 2006, notifié à l'administration le 2 février 2006 ;

IV - Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

53. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il résulte de ces dispositions que, si une personne publique qui n'a pas eu recours au ministère d'avocat peut néanmoins demander au juge l'application de cet article au titre des frais spécifiques exposés par elle à l'occasion de l'instance, elle ne saurait se borner à faire état d'un surcroît de travail de ses services ; qu'en l'espèce, le ministre se borne à demander le versement à l'Etat par la société d'une somme à ce titre sans avoir assorti sa demande, avant la clôture de l'instruction, de la moindre justification des frais que l'Etat aurait exposés dans la présente instance ; que, dès lors, ses conclusions tendant à l'application de ces dispositions doivent être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'intervention de la Société Générale est admise.

Article 2 : Le montant du précompte dont la société Rhodia est redevable au titre de l'année 2001 est fixé, compte tenu de la restitution déjà ordonnée, à la somme de 6 674 760 euros.

Article 3 : La somme de 6 674 760 euros est remise à la charge de la société Rhodia au titre de l'année 2001.

Article 4 : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Versailles du 21 décembre 2006 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : Pour l'exécution de la présente décision, il sera tenu compte de ce que la société Rhodia a cédé sa créance fiscale sur le Trésor public, relative à la restitution du précompte dû pour l'année 2001 à la Société Générale par un acte en date du 1er février 2006, notifié à l'administration le 2 février 2006.

Article 6 : Le surplus des conclusions du recours du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique présentées devant la cour administrative d'appel de Versailles et ses conclusions présentées devant le Conseil d'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 7 : Les conclusions présentées par la société Rhodia au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie et des finances, à la société Rhodia et à la Société Générale.


Synthèse
Formation : 8ème - 3ème ssr
Numéro d'arrêt : 317074
Date de la décision : 10/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L'UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - RENVOI PRÉJUDICIEL À LA COUR DE JUSTICE - RENVOI PAR LE CONSEIL D'ETAT DE QUESTIONS PRÉJUDICIELLES RELATIVES AU FOND DU LITIGE - SURSIS À STATUER SUR LE RECOURS JUSQU'À CE QUE LA CJUE SE SOIT PRONONCÉE SUR CES QUESTIONS - DÉCISION AYANT IMPLICITEMENT MAIS NÉCESSAIREMENT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS PRÉSENTÉES AU FOND - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE STATUER À NOUVEAU SUR LA RECEVABILITÉ DE CES CONCLUSIONS [RJ2].

15-03-02 Une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision par laquelle le Conseil d'Etat sursoit à statuer sur un recours jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées au fond. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - DEMANDES ET OPPOSITIONS DEVANT LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF - FORMES ET CONTENU DE LA DEMANDE - QUALITÉ DE CONTRIBUABLE - EFFETS - DROIT DE CETTE PERSONNE DE CONTESTER PAR LA VOIE CONTENTIEUSE DEVANT LA JURIDICTION COMPÉTENTE L'IMPOSITION À LAQUELLE ELLE A ÉTÉ ASSUJETTIE - SUBSISTANCE DE CETTE QUALITÉ POUR LE RÈGLEMENT DU LITIGE FISCAL - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE LE CONTRIBUABLE AURAIT CÉDÉ LA CRÉANCE QU'IL PRÉTEND DÉTENIR SUR L'ETAT - CONSÉQUENCE - CESSION PAR LE CONTRIBUABLE DE SA CRÉANCE AU COURS DE LA PROCÉDURE DEVANT LES JUGES DU FOND - INCIDENCE SUR SA QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LA JURIDICTION - ABSENCE.

19-02-03-01 En vertu des dispositions du livre des procédures fiscales, notamment des articles L. 190 et L. 199 ainsi que des dispositions réglementaires prises pour leur application, toute personne qui a été assujettie à une imposition tient de sa qualité de contribuable le droit de contester par la voie contentieuse cette imposition devant la juridiction compétente. Cette qualité subsiste pour le règlement du litige fiscal alors même que ce contribuable aurait cédé la créance qu'il prétend détenir sur l'Etat. En effet, si une telle cession, effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, fait obligation au comptable public, en application des dispositions de l'article L. 313-28 de ce code, de tenir compte de la cession de cette créance en cas de restitution de tout ou partie de l'imposition, elle reste sans incidence sur la qualité de contribuable de cette personne et, par suite, sur sa qualité pour agir devant la juridiction. Il en va ainsi lorsque cette cession intervient au cours de la procédure devant les juges du fond.

PROCÉDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - QUALITÉ POUR AGIR - QUALITÉ DE CONTRIBUABLE - EFFETS - DROIT DE CETTE PERSONNE DE CONTESTER PAR LA VOIE CONTENTIEUSE DEVANT LA JURIDICTION COMPÉTENTE L'IMPOSITION À LAQUELLE ELLE A ÉTÉ ASSUJETTIE - SUBSISTANCE DE CETTE QUALITÉ POUR LE RÈGLEMENT DU LITIGE FISCAL - EXISTENCE - ALORS MÊME QUE LE CONTRIBUABLE AURAIT CÉDÉ LA CRÉANCE QU'IL PRÉTEND DÉTENIR SUR L'ETAT - CONSÉQUENCE - CESSION PAR LE CONTRIBUABLE DE SA CRÉANCE AU COURS DE LA PROCÉDURE DEVANT LES JUGES DU FOND - INCIDENCE SUR SA QUALITÉ POUR AGIR DEVANT LA JURIDICTION - ABSENCE.

54-01-05 En vertu des dispositions du livre des procédures fiscales, notamment des articles L. 190 et L. 199 ainsi que des dispositions réglementaires prises pour leur application, toute personne qui a été assujettie à une imposition tient de sa qualité de contribuable le droit de contester par la voie contentieuse cette imposition devant la juridiction compétente. Cette qualité subsiste pour le règlement du litige fiscal alors même que ce contribuable aurait cédé la créance qu'il prétend détenir sur l'Etat. En effet, si une telle cession, effectuée dans les conditions prévues aux articles L. 313-23 à L. 313-34 du code monétaire et financier, fait obligation au comptable public, en application des dispositions de l'article L. 313-28 de ce code, de tenir compte de la cession de cette créance en cas de restitution de tout ou partie de l'imposition, elle reste sans incidence sur la qualité de contribuable de cette personne et, par suite, sur sa qualité pour agir devant la juridiction. Il en va ainsi lorsque cette cession intervient au cours de la procédure devant les juges du fond.

PROCÉDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGÉE - CHOSE JUGÉE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - EFFETS - DÉCISION DE SURSIS À STATUER SUR UN RECOURS JUSQU'À CE QUE LA CJUE SE SOIT PRONONCÉE SUR DES QUESTIONS PRÉJUDICIELLES RELATIVES AU FOND DU LITIGE - DÉCISION AYANT IMPLICITEMENT MAIS NÉCESSAIREMENT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS PRÉSENTÉES AU FOND - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE STATUER À NOUVEAU SUR LA RECEVABILITÉ DE CES CONCLUSIONS [RJ2].

54-06-06-01-03 Une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision par laquelle le Conseil d'Etat sursoit à statuer sur un recours jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées au fond. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - SURSIS À STATUER - DÉCISION DE SURSIS À STATUER SUR UN RECOURS JUSQU'À CE QUE LA CJUE SE SOIT PRONONCÉE SUR DES QUESTIONS PRÉJUDICIELLES RELATIVES AU FOND DU LITIGE - DÉCISION AYANT IMPLICITEMENT MAIS NÉCESSAIREMENT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS PRÉSENTÉES AU FOND - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE STATUER À NOUVEAU SUR LA RECEVABILITÉ DE CES CONCLUSIONS [RJ2].

54-07-01-02 Une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision par laquelle le Conseil d'Etat sursoit à statuer sur un recours jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées au fond. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - CONCLUSIONS - RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS - HYPOTHÈSE DANS LAQUELLE LE CONSEIL D'ETAT A SURSIS À STATUER SUR UN RECOURS JUSQU'À CE QUE LA CJUE SE SOIT PRONONCÉE SUR DES QUESTIONS PRÉJUDICIELLES RELATIVES AU FOND DU LITIGE - DÉCISION AYANT IMPLICITEMENT MAIS NÉCESSAIREMENT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS PRÉSENTÉES AU FOND - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE STATUER À NOUVEAU SUR LA RECEVABILITÉ DE CES CONCLUSIONS [RJ2].

54-07-01-03 Une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision par laquelle le Conseil d'Etat sursoit à statuer sur un recours jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées au fond. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GÉNÉRALES - QUESTION PRÉJUDICIELLE POSÉE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF - RENVOI - PAR LE CONSEIL D'ETAT - À LA CJUE DE QUESTIONS PRÉJUDICIELLES RELATIVES AU FOND DU LITIGE - SURSIS À STATUER SUR LE RECOURS JUSQU'À CE QUE LA CJUE SE SOIT PRONONCÉE SUR CES QUESTIONS - DÉCISION AYANT IMPLICITEMENT MAIS NÉCESSAIREMENT STATUÉ SUR LA RECEVABILITÉ DES CONCLUSIONS PRÉSENTÉES AU FOND - AUTORITÉ DE LA CHOSE JUGÉE [RJ1] - CONSÉQUENCE - IMPOSSIBILITÉ DE STATUER À NOUVEAU SUR LA RECEVABILITÉ DE CES CONCLUSIONS [RJ2].

54-07-01-09 Une question préjudicielle ne pouvant être posée que si elle est déterminante pour la solution du litige, la décision par laquelle le Conseil d'Etat sursoit à statuer sur un recours jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) se soit prononcée sur les questions préjudicielles relatives au fond du litige a implicitement mais nécessairement statué sur la recevabilité des conclusions présentées au fond. L'autorité de chose jugée qui s'attache à cette décision s'oppose, même d'office, à ce qu'il soit statué à nouveau sur leur recevabilité.


Références :

[RJ1]

Rappr., pour la chose jugée qui s'attache à un jugement avant dire droit en ce qu'il statue implicitement mais nécessairement sur la compétence de la juridiction administrative, CE, 11 octobre 1972, Ministre de l'équipement et du logement c/ Judeaux, n° 84122, p. 630.,,

[RJ2]

Cf., pour l'obligation d'opposer, au besoin d'office, la chose jugée dans la même instance par une décision avant dire droit définitive, CE, 23 janvier 1980, X., n° 11128, T. p. 661.


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2012, n° 317074
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Marc Anton
Rapporteur public ?: Mme Nathalie Escaut
Avocat(s) : SCP DELAPORTE, BRIARD, TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:317074.20121210
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