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26/11/2012 | FRANCE | N°351300

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 26 novembre 2012, 351300


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 28 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour La Poste, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard, à Paris Cedex 15 (75757) ; La Poste demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0803166 du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée, d'une part, à verser à M. Christophe A une indemnité correspondant au versement de la majoration de l'indemnité horaire pour travail de nuit instaurée par la décision n° 184-03 du 3 juille

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Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 juillet et 28 octobre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour La Poste, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard, à Paris Cedex 15 (75757) ; La Poste demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0803166 du 19 mai 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamnée, d'une part, à verser à M. Christophe A une indemnité correspondant au versement de la majoration de l'indemnité horaire pour travail de nuit instaurée par la décision n° 184-03 du 3 juillet 2007 pour les heures effectivement accomplies entre minuit et 6 heures depuis le mois de juillet 2007, l'indemnité étant assortie d'intérêts au taux légal à compter de la date de réception par La Poste de la réclamation préalable, d'autre part, à verser à M. A une somme de 15 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande formée par M. A devant le tribunal administratif de Rennes ;

3°) de mettre à la charge de M. A une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 novembre 2012, présentée pour La Poste ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

Vu le décret n° 61-467 du 10 juin 1961 ;

Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;

Vu le décret n° 92-1182 du 30 octobre 1992 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, Maître des requêtes en service extraordinaire,

- les observations de Me Haas, avocat de La Poste et de Me Blondel, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à Me Haas, avocat de La Poste et à Me Blondel, avocat de M. A ;

1. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision n° 095-03 du 5 avril 2007, La Poste a fixé le taux unique de l'indemnité horaire pour travail normal de nuit de ses personnels à 1,50 euro ; que le 8 juin 2007, elle a conclu avec deux organisations syndicales un accord portant renforcement des mesures en faveur du personnel courrier exerçant en nuit ; que l'article 2 de cet accord, relatif au travail de nuit au courrier, prévoyait notamment une majoration des heures effectuées la nuit d'un montant forfaitaire ; que l'article 3 de cet accord a prévu qu'une compensation complémentaire de 0,50 euro brut par heure travaillée entre minuit et 6h00 serait attribuée aux seuls " agents, fonctionnaires et salariés, exerçant au courrier, dont le régime de travail prévoit une prise de service entre 21h30 et 4h00 " en raison des " sujétions particulières " auxquelles sont soumis ces personnels, le recours à certains horaires de nuit étant rendu nécessaire par le respect des obligations de service public fixées à La Poste ; que, par décision n° 184-03 du 3 juillet 2007, La Poste a décidé que le taux de l'indemnité horaire pour travail de nuit fixé par la décision du 5 avril 2007 serait majoré de 0,50 euro brut par heure travaillée entre 0h00 et 06h00, à compter du 1er juillet 2007, pour les personnels dont le régime de travail prévoit une prise de service entre 21h30 et 04h00 ;

2. Considérant que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;

3. Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la majoration d'indemnité instaurée par la décision du 3 juillet 2007, venant s'ajouter à l'indemnité horaire pour travail de nuit perçue par l'ensemble des agents exerçant entre minuit et 6 heures, a pour objet de compenser les sujétions particulières auxquelles sont soumis les agents prenant leur service après 21 heures 30 et avant 4 heures ; qu'en effet, ce régime horaire particulier est assorti de sujétions spécifiques dans la mesure, notamment, où ils effectuent en moyenne trente-deux heures de travail hebdomadaires, contre trente heures pour les autres régimes de nuit, où ils travaillent jusqu'à quatre nuits à la suite, contre deux au maximum pour les autres régimes, et où leurs jours de repos sont espacés de façon irrégulière et parfois de quatre jours, alors que les autres régimes disposent d'au moins deux jours de repos tous les deux jours ; que les agents soumis à ce régime horaire spécifique ne sont donc pas, au regard de l'objet de la décision du 3 juillet 2007, dans la même situation que les autres agents de La Poste qui travaillent de nuit selon d'autres modalités ; qu'ainsi, La Poste a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver la majoration de l'indemnité horaire de travail de nuit instituée par la décision du 3 juillet 2007 aux seuls agents prenant leur service après 21 heures 30 et avant 4 heures ; qu'il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Rennes a commis une erreur de droit en estimant que la différence de traitement ainsi instituée par la décision du 3 juillet 2007 était constitutive d'une rupture d'égalité ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, La Poste est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

5. Considérant que le moyen tiré de ce que la décision du 3 juillet 2007 aurait été prise en méconnaissance des dispositions du décret du 10 juin 1961 relatif à l'indemnité horaire pour travail normal de nuit, de la loi du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications et du décret du 30 octobre 1992 relatif au régime indemnitaire des fonctionnaires de La Poste n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que La Poste a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, réserver le bénéfice de la majoration de l'indemnité horaire pour travail de nuit aux agents débutant leur service entre 21 heures 30 et 4 heures ; que, par suite, M. A, qui ne relevait pas de cette catégorie d'agents, n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de La Poste lui refusant le bénéfice de la majoration de l'indemnité horaire pour travail de nuit ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que La Poste soit condamnée à lui verser les indemnités correspondantes, assorties d'intérêts de retard, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées ;

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de La Poste qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'en outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par La Poste à ce titre ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 19 mai 2011 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A devant le tribunal administratif de Rennes et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de La Poste est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à La Poste et à M. Christophe A.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 351300
Date de la décision : 26/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2012, n° 351300
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : HAAS ; BLONDEL

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:351300.20121126
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