La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/11/2012 | FRANCE | N°344778

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 novembre 2012, 344778


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2010 et 7 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant à..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY011656-08LY01192 du 10 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, premièrement, annulé le jugement n° 061875 du 11 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné solidairement la commune de Domaize et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Puy-d

e-Dôme à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjud...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 2010 et 7 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. A... B..., demeurant à..., ; M. B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 08LY011656-08LY01192 du 10 juin 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a, premièrement, annulé le jugement n° 061875 du 11 mars 2008 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné solidairement la commune de Domaize et le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Puy-de-Dôme à lui verser la somme de 40 000 euros en réparation des préjudices consécutifs à l'incendie de sa maison le 3 mars 2003, deuxièmement, rejeté sa demande d'indemnisation ainsi que son appel incident et, troisièmement, mis à sa charge les frais d'expertise ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter les appels de la commune de Domaize et du SDIS du Puy-de-Dôme et de faire droit à son appel incident ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Domaize et du SDIS du Puy-de-Dôme la somme de 5 000 euros à verser à la SCP Ortscheidt, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Pourreau, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Ortscheidt, avocat de M.B..., de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du service départemental d'incendie et de secours de Puy-de-Dôme, de la SCP Boullez, avocat de la commune de Tours-sur-Meymont, et de la SCP Monod, Colin, avocat de la commune de Domaize ;

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Ortscheidt, avocat de M. B..., à la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat du service départemental d'incendie et de secours de Puy-de-Dôme, à la SCP Boullez, avocat de la commune de Tours-sur-Meymont, et à la SCP Monod, Colin, avocat de la commune de Domaize ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.B..., dont la maison, située sur le territoire de la commune de Domaize (Puy-de-Dôme), a été partiellement détruite par un incendie survenu le 3 mars 2003, a mis en cause la responsabilité du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Puy-de-Dôme, de la commune de Domaize et de la commune de Tours-sur-Meymont dans la réalisation du sinistre ; que, par un jugement du 11 mars 2008, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand, faisant partiellement droit à sa demande, a déclaré le SDIS du Puy-de-Dôme et la commune de Domaize partiellement responsables des dommages causés à sa maison et condamné solidairement ces défendeurs à lui verser une indemnité de 40 000 euros, correspondant à 50% du préjudice subi, et à prendre en charge les frais d'expertise ; que, par un arrêt du 10 juin 2010 contre lequel M. B...se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé le jugement du tribunal administratif et rejeté sa demande ainsi que son appel incident ;

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la responsabilité du SDIS du Puy-de-Dôme :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 13 du règlement opérationnel des services d'incendie et de secours du Puy-de-Dôme, pris par arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 7 novembre 2001 sur le fondement des dispositions de l'article L. 1424-4 du code général des collectivités territoriales : " En l'absence d'information précise sur la nature, l'importance ou les conséquences du sinistre, les moyens minima qui devront être engagés a priori sont fixés dans l'annexe II " ; que l'annexe II au règlement opérationnel distingue six familles de sinistres, dont la famille des incendies, qui inclut la catégorie des feux dans un immeuble d'habitation, et la famille des interventions diverses, qui comporte quatre catégories : interventions diverses hors voirie publique, interventions sur voirie publique, récupération d'objets et autres interventions diverses ; qu'en vertu de cette annexe II, un feu dans un immeuble d'habitation appelle normalement l'engagement de deux fourgons pompe tonne léger, d'une voiture de secours aux asphyxiés et aux blessés et d'une échelle pivotante semi-automatique, sous la conduite d'un chef de garde, tandis qu'une intervention diverse, quelle que soit la catégorie dont elle relève, n'appelle l'engagement que d'une camionnette d'interventions diverses ; que, toutefois, aux termes de cette même annexe II au règlement opérationnel : " Le départ type peut être adapté (complété ou allégé) en fonction des informations recueillies à la demande de secours " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'annexe II au règlement opérationnel des services d'incendie et de secours du Puy-de-Dôme qu'un feu de cheminée dans une habitation ne relève pas de la famille des interventions diverses, mais de celle des feux dans un immeuble d'habitation, quelles que soient les informations recueillies lors de la demande de secours ; que le " départ type a priori ", qui, en cas de feu dans un immeuble d'habitation est constitué, lorsque les moyens à engager sont disponibles au moment où le SDIS est alerté, de deux fourgons pompe tonne léger, d'une voiture de secours aux asphyxiés et aux blessés et d'une échelle pivotante semi-automatique, sous la conduite d'un chef de garde, ne peut être allégé que sur la base des informations éventuellement recueillies à cette occasion ;

4. Considérant qu'en retenant que le chef de salle du centre de traitement des appels du SDIS du Puy-de-Dôme avait pu à bon droit retenir que l'incendie qui lui était signalé comme étant un " feu de cheminée " était au nombre des " interventions diverses ", au sens de la nomenclature de l'annexe II au règlement opérationnel des services d'incendie et de secours du Puy-de-Dôme, et n'avait commis aucune faute dans l'évaluation des moyens justifiés par le sinistre en n'engageant, en conséquence, qu'un fourgon pompe tonne léger et une camionnette d'interventions diverses, alors que, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, cet agent avait été seulement informé par un voisin qu'un feu de cheminée s'était déclaré dans la maison d'habitation de M. B..., sans autre précision, et qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier, et qu'il n'était d'ailleurs pas allégué, que les autres moyens à engager selon l'annexe II du règlement opérationnel pour lutter contre un incendie n'étaient pas disponibles, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit et inexactement qualifié les faits de l'espèce ; que son arrêt doit, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, être annulé en tant qu'il a statué sur la responsabilité du SDIS du Puy-de-Dôme à l'égard de M.B... ;

Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la responsabilité de la commune de Domaize :

5. Considérant qu'en jugeant, par une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation, qu'au moment de l'arrivée des secours sur les lieux, environ 40 minutes après le début de l'incendie, l'intérieur de la maison de M. B...était déjà détruit, la charpente embrasée et la toiture affaissée et en en déduisant que le débit insuffisant de la pompe à incendie située à proximité de la maison et l'inutilisation d'un poteau à incendie situé à 550 m de la maison étaient sans lien de causalité direct avec le dommage invoqué, la cour administrative d'appel a fait une exacte qualification des faits de l'espèce ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...est seulement fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la responsabilité du SDIS du Puy-de-Dôme ;

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Ortscheidt, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge du SDIS du Puy-de-Dôme la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Ortscheidt ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit versée par M. B...au SDIS du Puy-de-Dôme ; qu'enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par les communes de Domaize et de Tours-sur-Meymont ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 10 juin 2010 est annulé en tant qu'il a statué sur la responsabilité du SDIS du Puy-de-Dôme.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Lyon.

Article 3 : Le SDIS du Puy-de-Dôme versera à la SCP Ortscheidt, avocat de M. B..., une somme de 3 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. B...est rejeté.

Article 5 : Les conclusions du SDIS du Puy-de-Dôme et des communes de Domaize et de Tours-sur-Meymont présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à Monsieur A...B..., au service départemental d'incendie et de secours du Puy-de-Dôme et aux communes de Domaize et de Tours-sur-Meymont.

Copie en sera adressée pour information au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344778
Date de la décision : 26/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES - DISPOSITIONS GÉNÉRALES - SERVICES PUBLICS LOCAUX - DISPOSITIONS PARTICULIÈRES - SERVICES D'INCENDIE ET SECOURS - MÉCONNAISSANCE DES RÈGLES D'ENGAGEMENT DE MOYENS FIGURANT DANS LE RÈGLEMENT OPÉRATIONNEL D'UN SDIS - FAUTE DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DU SDIS - EXISTENCE.

135-01-04-02-03 La responsabilité d'un service d'incendie et de secours (SDIS) est susceptible d'être engagée pour méconnaissance des règles d'engagement résultant du règlement opérationnel.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICES PUBLICS COMMUNAUX - SERVICE PUBLIC DE LUTTE CONTRE L'INCENDIE - RESPONSABILITÉS DES SDIS - MÉCONNAISSANCE DES RÈGLES D'ENGAGEMENT DE MOYENS FIGURANT DANS LE RÈGLEMENT OPÉRATIONNEL D'UN SDIS - FAUTE DE NATURE À ENGAGER LA RESPONSABILITÉ DU SDIS.

60-02-06-01 La responsabilité d'un service d'incendie et de secours (SDIS) est susceptible d'être engagée pour méconnaissance des règles d'engagement résultant du règlement opérationnel.


Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2012, n° 344778
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Pourreau
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; SCP BOULLEZ ; SCP MONOD, COLIN ; SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:344778.20121126
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award