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26/11/2012 | FRANCE | N°344378

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 26 novembre 2012, 344378


Vu le pourvoi, enregistré le 17 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont le siège est 20 avenue du Grésillé BP 90406 à Angers Cedex 01 (49004) ; l'ADEME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00186 du 17 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...a formé contre le jugement n° 0602768 du 9 décembre 2008 du tribunal administratif de Dijon,

a annulé ce jugement et la décision implicite par laquelle son délégué r...

Vu le pourvoi, enregistré le 17 novembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), dont le siège est 20 avenue du Grésillé BP 90406 à Angers Cedex 01 (49004) ; l'ADEME demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09LY00186 du 17 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à l'appel que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...a formé contre le jugement n° 0602768 du 9 décembre 2008 du tribunal administratif de Dijon, a annulé ce jugement et la décision implicite par laquelle son délégué régional a rejeté la demande de subvention présentée par cette communauté pour la réalisation d'une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...;

3°) de mettre à la charge de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 novembre 2012, présentée pour l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les observations de Me Ricard, avocat de l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie, et de la SCP Ortscheidt, avocat de la société communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Ricard, avocat de l'Agence de l'environnement et de la maitrise de l'énergie, et à la SCP Ortscheidt, avocat de la société communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B... ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...a demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) de lui octroyer une subvention afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que le silence gardé pendant plus de deux mois par le délégué régional de l'agence a fait naître une décision implicite de rejet de cette demande ; que, par un jugement du 9 décembre 2008, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de la communauté tendant à l'annulation de cette décision ; que l'ADEME se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 septembre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a annulé ce jugement et la décision implicite du délégué régional de l'ADEME rejetant la demande de subvention de la communauté ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat : " La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l'intérêt de l'ordre public " ; que l'article 2 de cette loi dispose : " La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. En conséquence, à partir du 1er janvier qui suivra la promulgation de la présente loi, seront supprimées des budgets de l'Etat, des départements et des communes, toutes dépenses relatives à l'exercice des cultes " ; qu'enfin, aux termes du dernier alinéa de l'article 19 de cette même loi, les associations formées pour subvenir aux frais, à l'entretien et à l'exercice d'un culte en vertu du titre IV de cette loi " ne pourront, sous quelque forme que ce soit, recevoir des subventions de l'Etat, des départements et des communes. Ne sont pas considérées comme subventions les sommes allouées pour réparations aux édifices affectés au culte public, qu'ils soient ou non classés monuments historiques " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 131-3 du code de l'environnement : " I. L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie est un établissement public de l'Etat à caractère industriel et commercial. / II. Cet établissement public exerce des actions, notamment d'orientation et d'animation de la recherche, de prestation de services, d'information et d'incitation dans chacun des domaines suivants : / 1° La prévention et la lutte contre la pollution de l'air ; / (...) / 4° La réalisation d'économies d'énergie et de matières premières et le développement des énergies renouvelables, notamment d'origine végétale (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " L'agence peut attribuer des subventions et consentir des avances remboursables. (...) " ;

4. Considérant que les dispositions précitées du code de l'environnement n'ont ni pour objet, ni pour effet, de déroger aux dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ; que, dès lors, en jugeant que, par ces dispositions, le législateur avait autorisé l'ADEME à accorder des subventions à toute personne physique ou morale, y compris à une personne ayant des activités cultuelles, sans qu'y fassent obstacle les dispositions des articles 2 et 19 de la loi du 9 décembre 1905, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, pour ce motif, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, être annulé ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'ADEME :

6. Considérant que la fin de non-recevoir tirée de ce que la communauté requérante n'aurait pas produit la copie de la demande préalable qu'elle avait adressée à l'ADEME manque en fait ; qu'elle ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

7. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 que l'ADEME, établissement public de l'Etat, ne peut, dans le cadre de ses missions, accorder aucune subvention, à l'exception des concours pour des travaux de réparation d'édifices cultuels, aux associations cultuelles au sens du titre IV de cette loi ; qu'il lui est également interdit d'apporter une aide quelconque à une manifestation qui participe de l'exercice d'un culte ; qu'elle ne peut accorder une subvention à une association qui, sans constituer une association cultuelle au sens du titre IV de la même loi, a des activités cultuelles, qu'en vue de la réalisation d'un projet, d'une manifestation ou d'une activité qui ne présente pas un caractère cultuel et n'est pas destiné au culte et à la condition, en premier lieu, que le soutien de ce projet, cette manifestation ou cette activité s'inscrive dans le cadre des missions d'intérêt général qui lui ont été confiées par le législateur et, en second lieu, que soit garanti, notamment par voie contractuelle, que la subvention est exclusivement affectée au financement de ce projet, de cette manifestation ou de cette activité et n'est pas utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre du " plan bois-énergie 2000-2006 ", destiné à développer la production et l'utilisation d'énergie renouvelable, l'ADEME, associée à treize régions et départements, menait notamment des actions d'aide à la décision d'installation de chaudières collectives et de versement de subventions incitant à l'acquisition de chaudières à bois ; que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...qui, sans être une association cultuelle au sens de la loi du 9 décembre 1905, a des activités cultuelles, a demandé à bénéficier d'une aide à ce titre afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que ce projet ne présentait pas un caractère cultuel et n'était pas destiné au culte ; que le soutien de ce projet, qui s'inscrivait dans la conduite du programme " bois-énergie " mené notamment par l'ADEME, entrait dans le cadre des missions d'intérêt général confiées à l'agence par le législateur ; que le versement des subventions accordées dans le cadre du programme s'accompagnait de la conclusion de conventions permettant de garantir que les subventions étaient exclusivement affectées au financement du projet ; que, par suite, la subvention n'aurait pu être utilisée pour financer les activités cultuelles de l'association ;

9. Considérant, dès lors, que les dispositions précitées de la loi du 9 décembre 1905 ne faisaient pas obstacle à ce que l'ADEME attribuât une subvention à la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...afin de réaliser une étude de faisabilité en vue de l'installation d'une chaufferie-bois ; que, par suite, en refusant d'attribuer une telle subvention à cette communauté au seul motif que la loi du 9 décembre 1905 y faisait obstacle, le délégué régional de l'ADEME a entaché sa décision d'erreur de droit ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le délégué régional de l'ADEME a rejeté sa demande de subvention ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ADEME la somme de 1 000 euros à verser à la communauté au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 17 septembre 2010 et le jugement du tribunal administratif de Dijon du 9 décembre 2008 sont annulés.

Article 2 : La décision implicite née du silence gardé par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie sur la demande de subvention présentée par la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...est annulée.

Article 3 : L'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie versera à la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Dijon, la cour administrative d'appel et le Conseil d'Etat par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et à la communauté des bénédictins de l'abbaye Saint A...B....


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 344378
Date de la décision : 26/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 nov. 2012, n° 344378
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: Mme Emmanuelle Cortot-Boucher
Avocat(s) : SCP ORTSCHEIDT ; RICARD

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:344378.20121126
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