Vu la requête, enregistrée le 8 février 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, présentée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, dont le siège est au 34-36, rue du Louvre à Paris (75042) ; la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques demande au Conseil d'Etat d'annuler le jugement n° 1102424 du 18 janvier 2012 du tribunal administratif de Poitiers en tant qu'il a rejeté sa saisine déférant au tribunal sa décision du 17 octobre 2011 constatant le non dépôt du compte de campagne de M. Patrick A, candidat non élu à l'élection cantonale organisée les 20 et 27 mars 2011 dans le canton de Jarnac (Charente) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
1. Considérant que par une décision du 17 octobre 2011, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a constaté l'absence de dépôt du compte de campagne de M. Patrick A, candidat aux élections cantonales des 20 et 27 mars 2011 dans la circonscription de Jarnac (Charente) ; qu'en application des dispositions combinées des articles L. 52-15 et L. 118-3 du code électoral, la Commission a saisi le tribunal administratif de Poitiers, en qualité de juge de l'élection ; que par un jugement du 18 janvier 2012, le tribunal administratif de Poitiers, estimant qu'il ne convenait pas de déclarer M. A inéligible, a rejeté la saisine de la Commission ; que celle-ci interjette appel de ce jugement devant le Conseil d'Etat ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-15 du code électoral : " La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. Elle arrête le montant du remboursement forfaitaire prévu à l'article L. 52-11-1. (...) / Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) " ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du même code, dans sa rédaction issue de la loi du 14 avril 2011 portant simplification des dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, le juge de l'élection, saisi par cette commission, " peut déclarer inéligible le candidat qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits à l'article L. 52-12. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est tenue, lorsqu'elle constate que le compte de campagne d'un candidat n'a pas été déposé dans le délai prescrit, de saisir le juge de l'élection ; que si ce dernier, régulièrement saisi, estime que le constat de l'absence de dépôt du compte de campagne a été fait à bon droit mais que ce manquement, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, ne justifie pas que le candidat soit déclaré inéligible, il lui appartient seulement de décider qu'il n'y a pas lieu de prononcer l'inéligibilité de ce candidat ; que le juge de l'élection ne peut, dans ce cas, rejeter la saisine de la commission ;
4. Considérant que, par le jugement attaqué du 18 janvier 2012, le tribunal administratif de Poitiers, saisi par la Commission sur le fondement de l'article L. 52-15 du code électoral, a estimé dans ses motifs non contestés que l'absence de dépôt du compte de campagne de M. A avait été constatée à bon droit, mais que le cas de l'intéressé ne justifiait pas qu'il soit déclaré inéligible ; que, dans ces conditions, il résulte de ce qui précède que la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa saisine, alors qu'il aurait dû se borner à décider qu'il n'y avait pas lieu de prononcer l'inéligibilité de M. A en application des dispositions du troisième alinéa de l'article L. 118-3 du code électoral ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 janvier 2012 est annulé en tant qu'il rejette la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de déclarer M. A inéligible en application de l'article L. 118-3 du code électoral.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et à M. Patrick A.
Copie en sera adressée au ministre de l'intérieur.