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19/10/2012 | FRANCE | N°354220

France | France, Conseil d'État, 4ème / 5ème ssr, 19 octobre 2012, 354220


Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération des 5 et 7 juillet 2011 par laquelle le conseil d'administration de l'université de Nancy II a rejeté sa candidature au poste de professeur des universités n° 440 en psychologie sociale (16e section) et décidé de ne transmettre aucune candidature au ministre, ainsi que le rejet par le président de l'université de Nancy II de son recours gracieux

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2°) d'enjoindre au conseil d'administration de l'université de Nan...

Vu la requête, enregistrée le 22 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme A...B..., demeurant... ; Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la délibération des 5 et 7 juillet 2011 par laquelle le conseil d'administration de l'université de Nancy II a rejeté sa candidature au poste de professeur des universités n° 440 en psychologie sociale (16e section) et décidé de ne transmettre aucune candidature au ministre, ainsi que le rejet par le président de l'université de Nancy II de son recours gracieux ;

2°) d'enjoindre au conseil d'administration de l'université de Nancy II et au président de l'université de transmettre l'ensemble des délibérations au ministre chargé de l'enseignement supérieur en vue de sa nomination sur ce poste par le Président de la République ;

3°) de mettre à la charge de l'université de Nancy II la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son article 62 ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le décret n° 84-431 du 6 juin 1984 ;

Vu la décision du Conseil constitutionnel n°2010-20/21 QPC du 6 août 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Esther de Moustier, Auditeur,

- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de l'université de Lorraine venant aux droits de l'université Nancy II,

- les conclusions de M. Rémi Keller, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Defrenois, Levis, avocat de l'université de Lorraine venant aux droits de l'université Nancy II ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2010 les déclarant conformes à la Constitution que, pour le recrutement d'un enseignant-chercheur, le comité de sélection, après avoir dressé la liste des candidats qu'il souhaite entendre puis procédé à leur audition, choisit ceux des candidats présentant des mérites, notamment scientifiques, suffisants, et, le cas échéant, les classe selon l'ordre de leurs mérites respectifs ; que, par un avis motivé unique portant sur l'ensemble des candidats, il transmet au conseil d'administration la liste de ceux qu'il a retenus, le conseil d'administration ne pouvant ensuite proposer au ministre chargé de l'enseignement supérieur la nomination d'un candidat non sélectionné par le comité ; que le conseil d'administration, siégeant dans une formation restreinte aux enseignants-chercheurs et personnels assimilés de rang au moins égal à celui de l'emploi à pourvoir, prend, au vu de la délibération du comité de sélection, une délibération propre par laquelle il établit sa proposition ; qu'il découle de cette interprétation que, dans l'exercice de telles compétences, il incombe au conseil d'administration, d'apprécier l'adéquation des candidatures au profil du poste et à la stratégie de l'établissement, sous le contrôle du juge et sans remettre en cause l'appréciation des mérites scientifiques des candidats retenus par le comité de sélection, lequel a la qualité de jury ;

2. Considérant, en premier lieu, que le poste de professeur des universités en psychologie sociale n° 440 était ouvert au recrutement par l'université Nancy II au sein de son institut supérieur d'administration et du management appartenant au réseau des instituts d'administration des entreprises (ISAM-IAE) ; qu'il ressort de la description des activités de formation annexée à la fiche de poste déclaré vacant par arrêté ministériel que l'objectif de cet enseignement est de sensibiliser les étudiants aux contributions de la psychologie sociale à la compréhension des organisations et du management ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, le conseil d'administration n'a pas excédé sa compétence ni modifié la définition réglementaire du poste à pourvoir en estimant que celui-ci avait vocation à être occupé par un spécialiste en psychologie sociale et, plus particulièrement, en psychosociologie des organisations et du travail ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que le conseil d'administration de l'université de Nancy II aurait siégé les 5 et 7 juillet 2011 dans une formation irrégulière manque en fait ;

4. Considérant, en troisième lieu, que le poste de professeur des universités à pourvoir est ouvert au sein de l'ISAM-IAE ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que ce poste nécessite de justifier d'une spécialisation en psychosociologie des organisations et du travail, d'autre part, que le comité de sélection réuni le 23 mai 2011 a, dans l'avis favorable par lequel il a retenu la candidature de Mme B...pour ce poste en seconde position, souligné que le profil de la candidate était assez éloigné du poste en termes d'enseignement et de recherche ; que, pour décider de ne pas suivre l'avis du comité de sélection et de ne pas proposer le nom de Mme B...au ministre en vue d'une nomination, le conseil d'administration s'est fondé sur l'inadéquation entre la candidature de la requérante, qui ne justifiait d'aucune qualification en psychosociologie des organisations et du travail, et le profil du poste ; qu'en se fondant sur ces constatations, qui ne remettent pas en cause l'appréciation des mérites de la candidate par le jury, le conseil d'administration n'a pas fait une inexacte application des pouvoirs qu'il tient des dispositions, citées plus haut, du code de l'éducation et n'a méconnu ni la souveraineté du jury ni l'indépendance des professeurs des universités ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requérante dirigées contre cette délibération doivent être rejetées ; qu'il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions dirigées contre la décision du président de l'université du 22 septembre 2011 rejetant son recours gracieux, sans que les vices propres dont cette décision serait entachée puissent être utilement invoqués, ainsi que de ses conclusions à fin d'injonction ;

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'université de Lorraine, venant aux droits de l'université de Nancy II, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme de 2 000 euros à verser à l'université de Lorraine au titre de ces dispositions ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Mme B...versera à l'université de Lorraine une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B...et à l'université de Lorraine.

Copie en sera adressée à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.


Synthèse
Formation : 4ème / 5ème ssr
Numéro d'arrêt : 354220
Date de la décision : 19/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS GÉNÉRALES - EXAMENS ET CONCOURS - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - POUVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DES APPRÉCIATIONS PORTÉES PAR LES INSTANCES DE RECRUTEMENT - PROFESSEURS D'UNIVERSITÉ - APPRÉCIATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION SUR L'ADÉQUATION D'UNE CANDIDATURE AU PROFIL DU POSTE ET À LA STRATÉGIE DE L'ÉTABLISSEMENT [RJ1] - CONTRÔLE NORMAL [RJ2].

30-01-04-04-02 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal de l'appréciation portée par le conseil d'administration d'une université, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2010 les déclarant conformes à la Constitution, sur l'adéquation d'une candidature au recrutement en qualité de professeur des universités au profil du poste et à la stratégie de l'établissement.

ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE - QUESTIONS PROPRES AUX DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ENSEIGNEMENT - ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET GRANDES ÉCOLES - UNIVERSITÉS - GESTION DES UNIVERSITÉS - GESTION DU PERSONNEL - RECRUTEMENT - PROFESSEURS D'UNIVERSITÉ - APPRÉCIATION PORTÉE PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION SUR L'ADÉQUATION D'UNE CANDIDATURE AU PROFIL DU POSTE ET À LA STRATÉGIE DE L'ÉTABLISSEMENT [RJ1] - CONTRÔLE DU JUGE - CONTRÔLE NORMAL [RJ2].

30-02-05-01-06-01-02 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal de l'appréciation portée par le conseil d'administration d'une université, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2010 les déclarant conformes à la Constitution, sur l'adéquation d'une candidature au recrutement en qualité de professeur des universités au profil du poste et à la stratégie de l'établissement.

PROCÉDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - CONTRÔLE DU JUGE DE L'EXCÈS DE POUVOIR - APPRÉCIATIONS SOUMISES À UN CONTRÔLE NORMAL - APPRÉCIATION PORTÉE PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION D'UNE UNIVERSITÉ SUR L'ADÉQUATION D'UNE CANDIDATURE AU PROFIL DU POSTE DE PROFESSEUR DES UNIVERSITÉS À POURVOIR ET À LA STRATÉGIE DE L'ÉTABLISSEMENT [RJ2].

54-07-02-03 Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'appréciation portée par le conseil d'administration d'une université, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation, telles qu'elles ont été interprétées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 6 août 2010 les déclarant conformes à la Constitution, quant à l'adéquation d'une candidature au recrutement en qualité de professeur des universités au profil du poste et à la stratégie de l'établissement.


Références :

[RJ1]

Cf., s'agissant de l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel de l'article L. 952-6-1 du code de l'éducation, Cons. const., 6 août 2010, décision n° 2010-20/21 QPC., ,

[RJ2]

Comp., s'agissant du contrôle restreint exercé sur l'appréciation du comité de sélection, CE, 29 avril 1998, Parvez, n° 190108, inédit (sous l'empire de l'ancienne législation) et CE, 9 février 2011, Piazza, n° 317314, à mentionner aux Tables (sous l'empire des dispositions actuelles) ;

s'agissant, sous l'empire de l'ancienne législation, du contrôle restreint de l'appréciation du conseil d'administration sur l'adéquation de la candidature au profil du poste, CE, 4 novembre 1996, Capdeville, n° 162117, T. p. 1123.

Rappr., s'agissant du contrôle normal de l'appréciation portée par le directeur de l'université sur la délibération du conseil d'administration, CE, 5 décembre 2011, El Kamel, n° 333809, p. 606.


Publications
Proposition de citation : CE, 19 oct. 2012, n° 354220
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Esther de Moustier
Rapporteur public ?: M. Rémi Keller
Avocat(s) : SCP DEFRENOIS, LEVIS

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:354220.20121019
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