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17/10/2012 | FRANCE | N°357539

France | France, Conseil d'État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 17 octobre 2012, 357539


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Ligue des droits de l'homme, dont le siège est au 138 rue Marcadet, à Paris (75018), et le Groupe d'information et de soutien des immigrés, dont le siège est au 3 villa Marcès, à Paris (75011) ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 1.3 de la circulaire n° NOR IOCL1201043C du 12 janvier 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration relative aux taxes l

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Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la Ligue des droits de l'homme, dont le siège est au 138 rue Marcadet, à Paris (75018), et le Groupe d'information et de soutien des immigrés, dont le siège est au 3 villa Marcès, à Paris (75011) ; les requérants demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir le paragraphe 1.3 de la circulaire n° NOR IOCL1201043C du 12 janvier 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration relative aux taxes liées à l'immigration et à l'acquisition de la nationalité mettant en oeuvre les dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 2012 ainsi que la fiche n° 6 annexée à cette circulaire ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 3 octobre 2012, présentée par la Ligue des droits de l'homme et le Groupe d'information et de soutien des immigrés ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et notamment son article 161 ;

Vu la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 et notamment son article 62 ;

Vu le décret n° 81-778 du 31 août 1981 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Airelle Niepce, Maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public ;

1. Considérant que l'article 161 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a initialement introduit, au D de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un droit de visa de régularisation qui doit être acquitté, avant la délivrance d'un premier titre de séjour, par l'étranger qui n'est pas entré en France muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, ce droit étant initialement fixé à 220 euros ; que l'article 62 de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, qui a modifié la rédaction de ces dispositions en portant ce montant à 340 euros, dispose que : " D. - Sans préjudice des dispositions de l'article L. 311-7, préalablement à la délivrance d'un premier titre de séjour, l'étranger qui n'est pas entré en France muni des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ou qui, âgé de plus de dix-huit ans, n'a pas, après l'expiration depuis son entrée en France d'un délai de trois mois ou d'un délai supérieur fixé par décret en Conseil d'Etat, été muni d'une carte de séjour, acquitte un droit de visa de régularisation d'un montant égal à 340 €, dont 110 €, non remboursables, sont perçus lors de la demande de titre./ Cette disposition n'est pas applicable aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers mentionnés au 2° bis de l'article L. 313-11, aux 4° à 7° de l'article L. 314-11 et à l'article L. 314-12./ Le visa mentionné au premier alinéa du présent D tient lieu du visa de long séjour prévu à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 211-2-1 si les conditions pour le demander sont réunies " ;

2. Considérant que la Ligue des droits de l'homme et le Groupe d'information et de soutien des immigrés demandent l'annulation pour excès de pouvoir de la circulaire du 12 janvier 2012 du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration relative aux taxes liées à l'immigration et à l'acquisition de la nationalité dans le cadre de la mise en oeuvre des dispositions de l'article 62 de la loi de finances pour 2012 ; que leur requête est dirigée contre le point 1.3 de la circulaire et la fiche 6 annexée à cette dernière, tous deux relatifs au droit de visa de régularisation prévu par le D. de l'article L. 311-13 ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la circulaire :

3. Considérant, en premier lieu, que si le F de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que les modalités d'application du présent article sont précisées, en tant que de besoin, par décret, l'auteur de la circulaire attaquée se borne, dans le cadre de son pouvoir d'instruction aux préfets, à expliciter les dispositions législatives issues de l'article 66 de la loi de finances pour 2012 et n'en détermine pas des modalités d'application ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que le décret du 13 août 1981 fixant les droits à percevoir dans les chancelleries diplomatiques et consulaires et en territoire français, par le ministère des relations extérieures prévoit, à la deuxième partie de son annexe, que le trésorier-payeur général pour l'étranger perçoit d'office tous les droits qui, par suite d'erreur ou par toute autre cause, n'ont pas été perçus dans les chancelleries diplomatiques et consulaires et, notamment, selon le 1° de la deuxième partie de l'annexe, que " L'étranger qui aurait dû demander le visa de son passeport dans un poste diplomatique ou consulaire et qui, n'ayant pas acquitté cette formalité, sollicite un visa à la frontière ou sur le territoire français devra acquitter le double du droit qui lui aurait été appliqué normalement (...) " ; qu'eu égard à leur objet, les dispositions de l'article 161 de la loi de finances pour 2011 instituant le droit de visa de régularisation doivent être regardées comme ayant implicitement abrogé les dispositions du décret du 13 août 1981 prévoyant qu'un double droit de chancellerie serait acquitté par les étrangers ayant omis de solliciter un visa et souhaitant régulariser cette omission sur le territoire français ; que, par voie de conséquence, les dispositions de la circulaire indiquant que le droit de visa de régularisation se substitue, dans les situations mentionnées au D de l'article L. 311-13, au double droit de chancellerie régi par le décret n° 81-778 du 13 août 1981 ne sont pas entachées d'incompétence ;

5. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, il ne résulte nullement des termes de la circulaire que celle-ci aurait prévu que la somme de 110 euros, due lors du dépôt de la demande de titre de séjour, serait exigible avant l'entrée en vigueur de la loi de finances pour 2012 ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations combinées des articles 6 § 1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

6. Considérant que les dispositions du D de l'article L. 311-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoyant les conditions dans lesquelles l'étranger doit acquitter le droit de visa de régularisation lorsqu'il sollicite la délivrance d'un premier titre de séjour et qu'il n'est pas entré en France muni des documents et visas exigés par la réglementation en vigueur ou qu'il n'a pas été muni d'une carte de séjour après l'expiration de la validité de son visa, ont pour objet d'inciter les étrangers qui sollicitent un titre de séjour à respecter l'ensemble des conditions posées par les lois et conventions internationales, et à améliorer le traitement d'ensemble du flux des demandes de titres de séjour ; que le droit de visa de régularisation prévu par ces dispositions n'a pas le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'il vise et ne peut être regardé comme relevant d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en tout état de cause, les dispositions législatives relatives au droit de visa de régularisation ne privent pas, par elles-mêmes, les étrangers qui y sont soumis de leur droit à un recours effectif contre les décisions leur refusant l'attribution d'un titre de séjour ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que ces dispositions, réitérées par la circulaire contestée, auraient méconnu les stipulations des articles 6 § 1 et 13 de cette convention ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

7. Considérant que la circonstance que les dispositions du D. de l'article L. 311-13 ne prévoient pas de clause générale d'exonération du droit de visa de régularisation au profit des étrangers indigents sollicitant un titre de séjour sur le fondement de leur vie privée et familiale n'est pas de nature à rendre ces dispositions législatives incompatibles avec l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les requérants ne sauraient, en tout état de cause, utilement invoquer à l'encontre de ces dispositions législatives, réitérées par la circulaire contestée, le principe général du droit à mener une vie familiale normale ;

Sur le moyen tiré de la violation du principe de l'effet rétroactif d'un jugement d'annulation :

8. Considérant que les termes du troisième paragraphe du 1.3 de la circulaire attaquée, selon lesquels " Dans l'hypothèse où le juge vous adresserait une injonction de délivrance d'un titre de séjour (...), l'étranger devra, s'il ne l'a pas déjà fait, acquitter dès sa présentation en préfecture la somme de 110 euros, puis, au moment de la remise du titre, la somme de 230 euros ", n'impliquent pas que l'étranger ayant déposé sa demande de titre de séjour avant l'entrée en vigueur du 2° du D de l'article 62 de la loi de finances pour 2012 soit contraint d'acquitter la somme de 110 euros, dès lors notamment que le même paragraphe de la circulaire précise que " les nouvelles dispositions relatives au droit de visa de régularisation s'appliqueront aux demandes de titres de séjour qui vous seront présentées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi de finances " ; que les dispositions contestées de la circulaire ne pourront donc s'appliquer qu'aux demandes de titre de séjour formées après l'entrée en vigueur de la loi ;

Sur le moyen de détournement de pouvoir :

9. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir invoquée par le ministre de l'intérieur, que la Ligue des droits de l'homme et le Groupe d'information et de soutien des immigrés ne sont pas fondés à demander l'annulation de la circulaire du 12 janvier 2012 du ministre de l'intérieur ; que leurs conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Ligue des droits de l'homme et du Groupe d'information et de soutien des immigrés est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Ligue des droits de l'homme, au Groupe d'information et de soutien des immigrés et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 2ème et 7ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 357539
Date de la décision : 17/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 17 oct. 2012, n° 357539
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Airelle Niepce
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:357539.20121017
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