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16/10/2012 | FRANCE | N°338354

France | France, Conseil d'État, 2ème sous-section jugeant seule, 16 octobre 2012, 338354


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril 2010 et 30 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abdelkader B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° S 08/00010 du 24 septembre 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a, sur appel du ministre de la défense, infirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 19 décembre 2007 constatant l'illégalité de la cristallisation de la pension militaire qui lui a été accordée à compter du 9 m

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 avril 2010 et 30 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Abdelkader B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° S 08/00010 du 24 septembre 2009 par lequel la cour régionale des pensions de Paris a, sur appel du ministre de la défense, infirmé le jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 19 décembre 2007 constatant l'illégalité de la cristallisation de la pension militaire qui lui a été accordée à compter du 9 mai 1979 par une décision du ministre de la défense du 22 janvier 1985 et rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à la revalorisation de sa pension au taux de droit commun, au paiement des arrérages depuis le 9 mai 1979 ainsi que des intérêts capitalisés ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel formé par le ministre de la défense devant la cour régionale des pensions de Paris ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de son avocat, la SCP Claire Le Bret Desaché, sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 62 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

Vu le code civil ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959) ;

Vu la loi de finances rectificative pour 1981 (n° 81-735 du 3 août 1981) ;

Vu la loi de finances rectificative pour 2002 (n° 2002-1576 du 30 décembre 2002) ;

Vu la loi n° 2006-1666 du 21 décembre 2006 de finances pour 2007 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011, notamment son article 211 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu la décision n° 2010-108 QPC du 25 mars 2011 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Camille Pascal, Conseiller d'Etat,

- les observations de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. B,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Rapporteur public,

La parole ayant à nouveau été donnée à la SCP Le Bret-Desaché, avocat de M. B ;

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B, de nationalité algérienne, a été admis au bénéfice d'une pension militaire d'invalidité portant jouissance au 9 mai 1979 au taux cristallisé servi aux nationaux algériens ; qu'il a demandé au tribunal départemental des pensions de Paris l'annulation de la décision implicite du ministre de la défense rejetant sa demande, reçue le 6 octobre 2004, tendant à obtenir la décristallisation, à compter du 9 mai 1979, de la pension et le versement des arrérages correspondants ; que, par un jugement du 19 décembre 2007, le tribunal départemental des pensions de Paris a fait droit à cette demande ; que M. B s'est pourvu en cassation contre l'arrêt du 24 septembre 2009 de la cour régionale des pensions de Paris qui, faisant droit aux conclusions d'appel du ministre de la défense, a infirmé ce jugement et rejeté la demande de M. B ;

Sur l'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 61-1 de la Constitution : " Lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation " ; qu'aux termes du deuxième alinéa de son article 62 : " Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause " ; qu'enfin, aux termes du troisième alinéa du même article : " Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucun recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités administratives et juridictionnelles " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 62 de la Constitution qu'une disposition législative déclarée contraire à la Constitution sur le fondement de l'article 61-1 n'est pas annulée rétroactivement mais abrogée pour l'avenir à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision ; que, par sa décision n° 2010-108 QPC en date du 25 mars 2011, le Conseil constitutionnel a jugé que " si, en principe, la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité et la disposition déclarée contraire à la Constitution ne peut être appliquée dans les instances en cours à la date de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, les dispositions de l'article 62 de la Constitution réservent à ce dernier le pouvoir tant de fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets que de prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration " ;

4. Considérant que lorsque le Conseil constitutionnel, après avoir abrogé une disposition déclarée inconstitutionnelle, use du pouvoir que lui confèrent les dispositions précitées, soit de déterminer lui-même les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause, soit de décider que le législateur aura à prévoir une application aux instances en cours des dispositions qu'il aura prises pour remédier à l'inconstitutionnalité constatée, il appartient au juge, saisi d'un litige relatif aux effets produits par la disposition déclarée inconstitutionnelle, de les remettre en cause en écartant, pour la solution de ce litige, le cas échéant d'office, cette disposition, dans les conditions et limites fixées par le Conseil constitutionnel ou le législateur ;

5. Considérant que, par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil constitutionnel a notamment déclaré contraires à la Constitution les dispositions de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 et de l'article 68 de la loi de finances pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; qu'il a jugé que : " afin de permettre au législateur de remédier à l'inconstitutionnalité constatée, l'abrogation des dispositions précitées prendra effet à compter du 1er janvier 2011 ; afin de préserver l'effet utile de la présente décision à la solution des instances actuellement en cours, il appartient, d'une part, aux juridictions de surseoir à statuer jusqu'au 1er janvier 2011 dans les instances dont l'issue dépend de l'application des dispositions déclarées inconstitutionnelles et, d'autre part, au législateur de prévoir une application des nouvelles dispositions à ces instances en cours à la date de la présente décision. " ;

6. Considérant que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 ; que, par ailleurs, son VI prévoit que : " le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances " ; qu'enfin, son XI précise que : " Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 " ;

7. Considérant que, pour rejeter la demande de M. B tendant à obtenir la décristallisation complète de sa pension militaire d'invalidité et le versement des arrérages correspondants à compter du 9 mai 1979, assortis des intérêts au taux légal capitalisés, la cour régionale des pensions de Paris s'est fondée sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte, le 30 avril 2010, par le pourvoi de M. B, en permettant au juge du litige de remettre en cause, dans les conditions et limites définies par le VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnées ci-dessus, il incombe au juge de cassation, après avoir sursis à statuer comme l'y invitait la décision du Conseil constitutionnel, d'annuler, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoi dont il est saisi, l'arrêt attaqué ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond dans cette dernière mesure ;

Sur la période postérieure au 6 octobre 2004 :

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, celles de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 et celles de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 qui définissaient, à la date de la décision attaquée, le montant des droits à pension militaire d'invalidité de M. B, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2011 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter ces dispositions législatives pour statuer sur la demande de M. B tendant à obtenir la décristallisation complète de sa pension militaire d'invalidité à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit le 6 octobre 2004 ;

10. Considérant que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 prévoit de nouvelles règles pour le calcul du montant des pensions des personnes qu'il mentionne ; que ces règles sont applicables pour le calcul de la pension militaire d'invalidité de M. B à compter du 6 octobre 2004 ; qu'il suit de là que des arrérages de pension militaire d'invalidité doivent être versés à M. B en application de ces règles à compter du 6 octobre 2004 ;

Sur la période comprise entre le 9 mai 1979 et le 5 octobre 2004 :

En ce qui concerne le rappel des arrérages :

11. Considérant que M. B soutient que les dispositions de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, celles de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 et celles de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 sont incompatibles avec les stipulations combinées de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er de son premier protocole additionnel, en ce qu'elles instaurent une discrimination fondée sur la nationalité en ne permettant pas la révision des pension militaires d'invalidité attribuées aux ressortissants algériens dans les mêmes conditions que celles attribuées aux ressortissants français ;

12. Considérant que, dans l'exercice du contrôle de conformité des lois à la Constitution qui lui incombe selon la procédure définie à l'article 61-1 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a le pouvoir d'abroger les dispositions législatives contraires à la Constitution ; que les juridictions administratives et judiciaires, à qui incombe le contrôle de la compatibilité des lois avec le droit de l'Union européenne ou les engagements internationaux de la France, peuvent déclarer que des dispositions législatives incompatibles avec le droit de l'Union ou ces engagements sont inapplicables au litige qu'elles ont à trancher ; qu'il appartient, par suite, au juge du litige, s'il n'a pas fait droit à l'ensemble des conclusions du requérant en tirant les conséquences de la déclaration d'inconstitutionnalité d'une disposition législative prononcée par le Conseil constitutionnel, d'examiner, dans l'hypothèse où un moyen en ce sens est soulevé devant lui, s'il doit, pour statuer sur les conclusions qu'il n'a pas déjà accueillies, écarter la disposition législative en cause du fait de son incompatibilité avec une stipulation conventionnelle ou, le cas échéant, une règle du droit de l'Union européenne dont la méconnaissance n'aurait pas été préalablement sanctionnée ;

13. Considérant qu'à cette fin, lorsqu'est en litige une décision refusant au requérant l'attribution d'un droit auquel il prétend et qu'est invoquée l'incompatibilité de la disposition sur le fondement de laquelle le refus lui a été opposé avec les stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention, il incombe au juge, en premier lieu, d'examiner si le requérant peut être regardé comme se prévalant d'un bien au sens des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel et, en second lieu, quand tel est le cas, si la disposition législative critiquée doit être écartée comme portant atteinte à ce bien de façon discriminatoire et, par suite, comme étant incompatible avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

14. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'aux termes de l'article 14 de cette convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation " ;

15. Considérant, d'une part, que les pensions d'invalidité accordées aux anciens combattants et victimes de la guerre, qui sont des allocations pécuniaires personnelles, constituent pour leurs bénéficiaires des créances qui doivent être regardées comme des biens au sens de l'article 1er précité du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que M. B peut demander au juge d'écarter l'application des dispositions précitées en invoquant leur incompatibilité avec les stipulations de l'article 14 de la convention ;

16. Considérant, d'autre part, qu'une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens des stipulations de l'article 14 de la convention, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique, ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi ; que les pensions d'invalidité servies aux anciens combattants pour la France en application du code des pensions militaires d'invalidité et victimes de la guerre ont pour objet de garantir à leurs bénéficiaires une réparation due à raison d'infirmités imputables aux événements ou circonstances décrits à l'article L. 2 du code et de compenser les pertes de revenus et les charges financières résultant de ces infirmités ; qu'en faisant dépendre, pour les seuls pensionnés de nationalité étrangère, le montant de la pension militaire d'invalidité d'un critère de résidence au moment de la liquidation initiale de celle-ci, les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 instaurent une différence de traitement entre les titulaires de pensions, quant à la fixation du montant de ces dernières, qui n'est pas justifiée par une différence de situation eu égard à l'objet des pensions militaires d'invalidité ; que cette différence de traitement ne peut être regardée comme reposant sur un critère en rapport avec l'objectif de cette disposition ;

17. Considérant que, de même, les dispositions de l'article 71 de la loi de finances pour 1960 et celles de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981, créent une différence de traitement, en raison de leur seule nationalité, entre les titulaires de pensions, en interdisant toute revalorisation, à compter de la date qu'elles fixent, pour les seules pensions de militaires ou anciens militaires qui n'ont pas la nationalité française ; que la différence de situation existant entre d'anciens combattants, selon qu'ils ont la nationalité française ou sont ressortissants d'Etats devenus indépendants, quand bien même leurs économies évolueraient de façon distincte de celle de la France, ne justifie pas, eu égard à l'objet des pensions militaires d'invalidité, une différence de traitement ;

18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de Paris a jugé que les dispositions de l'article 71 de la loi de finances pour 1960, de l'article 26 de la loi de finances rectificative pour 1981 et de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 étaient, en tant qu'ils concernent les pensions militaires d'invalidité, incompatibles avec les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel et devaient être écartées au profit des règles de calcul de droit commun, pour ce qui est de la période antérieure au 6 octobre 2004 ;

En ce qui concerne la prescription :

19. Considérant qu'aux termes de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre : " Lorsque, par suite du fait personnel du pensionné, la demande de liquidation ou de révision de la pension est déposée postérieurement à l'expiration de la troisième année qui suit celle de l'entrée en jouissance normale de la pension, le titulaire ne peut prétendre qu'aux arrérages afférents à l'année au cours de laquelle la demande a été déposée et aux trois années antérieures " ;

20. Considérant que le fait que M. B n'ait demandé la décristallisation de sa pension militaire d'invalidité que le 6 octobre 2004 résulte d'un fait personnel qui lui est imputable, au sens de ces dispositions, dès lors qu'aucune circonstance ne l'empêchait de se prévaloir, dès liquidation de sa pension, des stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel ; que, dès lors que le ministre de la défense et des anciens combattants a opposé la prescription instituée par ces dispositions, M. B ne pouvait, en tout état de cause, prétendre qu'aux arrérages relatifs à l'année au cours de laquelle la demande de revalorisation de la pension a été déposée auprès de l'administration et aux trois années antérieures ; que l'intéressé ayant présenté, ainsi qu'il a été dit, cette demande le 6 octobre 2004, le ministre de la défense est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal départemental des pensions de Paris a fixé au 9 mai 1979 la date de la revalorisation de la pension accordée à M. B et à demander que cette date soit, conformément aux dispositions de l'article L. 108 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, fixée au 1er janvier 2001 ;

Sur les intérêts et leur capitalisation :

21. Considérant que M. B a demandé le versement des intérêts sur les arrérages de la pension militaire d'invalidité qui lui étaient dus ; qu'il y a lieu de faire droit à ces conclusions à compter du 6 octobre 2004, date de réception de la demande de décristallisation de sa pension militaire d'invalidité ; qu'il a demandé la capitalisation des intérêts échus le 21 décembre 2006 ; qu'à cette date, il était dû plus d'une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à sa demande à cette dernière date, ainsi qu'à chaque échéance annuelle correspondante ;

Sur les conclusions au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Considérant que M. B a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Claire Le Bret-Desaché, avocat de M. B, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier une somme de 2 000 euros à verser à cette société, sur le fondement des dispositions précitées, au titre de l'instance engagée devant le Conseil d'Etat ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Paris du 24 septembre 2009 est annulé.

Article 2 : La pension militaire d'invalidité servie à M. B sera revalorisée conformément aux dispositions de droit commun du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre pour la période comprise entre le 1er janvier 2001 et le 5 octobre 2004 et conformément aux dispositions prévues par l'article 211 de la loi de finances pour 2011 à compter du 6 octobre 2004.

Article 3 : Le rappel d'arrérages de la pension de M. B sera assorti des intérêts au taux légal à compter du 6 octobre 2004. Les intérêts échus à la date du 21 décembre 2006 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à cette date ainsi qu'à chaque échéance annuelle correspondante.

Article 4 : Le jugement du tribunal départemental des pensions de Paris du 19 décembre 2007 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera à la SCP Claire Le Bret-Desaché, avocat de M. B, une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Abdelkader B et au ministre de la défense.


Synthèse
Formation : 2ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338354
Date de la décision : 16/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 16 oct. 2012, n° 338354
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques-Henri Stahl
Rapporteur ?: M. Camille Pascal
Rapporteur public ?: Mme Béatrice Bourgeois-Machureau
Avocat(s) : SCP LE BRET-DESACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:338354.20121016
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