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21/09/2012 | FRANCE | N°361632

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 21 septembre 2012, 361632


Vu l'ordonnance n° 1201041 du 2 août 2012, enregistrée le 3 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant qu'il soit statué sur la demande de la commune de Couvrot, tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel le préfet de la Marne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale de la Marne, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Consei

l constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de l...

Vu l'ordonnance n° 1201041 du 2 août 2012, enregistrée le 3 août 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, avant qu'il soit statué sur la demande de la commune de Couvrot, tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel le préfet de la Marne a arrêté le schéma départemental de coopération intercommunale de la Marne, a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d'une part de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'article 35 de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, d'autre part, de l'article L. 5211-42 du même code ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 juin 2012 au greffe du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, présenté par la commune de Couvrot, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment ses articles 1er, 34, 61-1 et 72 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Sur l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales :

2. Considérant qu'en vertu du I de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi du 16 décembre 2010, un schéma départemental de coopération intercommunale est établi dans chaque département, qui prévoit une couverture intégrale du territoire départemental par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ; qu'en vertu du II de cet article, ce schéma peut notamment proposer la création, la transformation ou la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, ainsi que la suppression, la transformation ou la fusion de syndicats de communes ou de syndicats mixtes ; qu'il résulte du III de cet article que le schéma est établi en tenant compte, notamment, d'orientations visant à constituer des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre regroupant, sauf exception, au moins cinq mille habitants, à améliorer la cohérence des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre au regard des unités urbaines définies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, des bassins de vie et des schémas de cohérence territoriale, à accroître la solidarité financière, à réduire le nombre de syndicats de communes et de syndicats mixtes et à transférer les compétences de ces syndicats à des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ; qu'en vertu du IV du même article, le projet de schéma est élaboré par le représentant de l'Etat dans le département, présenté à la commission départementale de la coopération intercommunale et adressé pour avis aux communes et établissements publics de coopération intercommunale concernés par les propositions de modifications ainsi que, le cas échéant, aux représentants de l'Etat dans les autres départements concernés ; que le projet et les avis sont ensuite transmis à la commission départementale de la coopération intercommunale, qui donne un avis et peut, à la majorité des deux tiers de ses membres, adopter des modifications du projet de schéma qui sont intégrées à ce projet à condition qu'elles soient conformes aux dispositions des I à III ; que le schéma est arrêté par décision du représentant de l'Etat dans le département, et révisé au moins tous les six ans suivant sa publication ; qu'enfin, en vertu du V du même article, sur le territoire des départements de Paris, des Hauts-de-Seine, de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, les schémas ne sont pas tenus de prévoir la couverture intégrale du territoire par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre ;

3. Considérant que la commune de Couvrot soutient que ces dispositions méconnaissent les dispositions des cinquième et sixième alinéas de l'article 72 de la Constitution, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé au même article et sont entachées d'incompétence négative ;

4. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction issue de la loi du 16 décembre 2010, n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet, ni pour effet d'assujettir les collectivités territoriales ou leurs groupements à des obligations ou à des charges ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions que la décision arrêtant le schéma de coopération intercommunale implique, par elle-même, la création, la modification ou la dissolution d'établissements intercommunaux, auxquels certaines communes seraient tenues d'adhérer, ni la définition des compétences obligatoirement transférées par les communes à ces établissements ; que, dès lors, ces dispositions ne peuvent être regardées comme affectant la libre administration des collectivités territoriales ; que par suite, le législateur ne saurait être regardé comme ayant insuffisamment précisé les conditions dans lesquelles il pourrait être porté atteinte à la libre administration de ces collectivités ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du sixième et dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution : " Dans les collectivités territoriales de la République, le représentant de l'État, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois. " ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Couvrot, en confiant à la commission départementale de la coopération intercommunale le pouvoir de modifier le projet de schéma départemental de coopération intercommunale, le législateur n'a pas restreint ou privé d'effet les prérogatives de l'Etat énoncées par les dispositions précitées du dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution ; qu'au demeurant, le représentant de l'Etat dans le département n'est tenu d'intégrer dans le schéma départemental de coopération intercommunale que celles des modifications adoptées par la commission qui sont conformes aux dispositions des I à III de l'article L. 5210-1-1 ; qu'ainsi, cet article ne saurait, en tout état de cause, être regardé comme méconnaissant les dispositions du dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du cinquième alinéa de l'article 72 de la Constitution : " Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre. (...) " ; que la commission départementale de la coopération intercommunale ne peut être regardée comme une collectivité territoriale au sens de cet article ; qu'au demeurant, contrairement à ce que soutient la commune de Couvrot, en confiant à la commission départementale de la coopération intercommunale le pouvoir de modifier le projet de schéma départemental de coopération intercommunale, le législateur ne lui a pas donné le pouvoir de substituer ses décisions à celles des communes, de s'opposer aux décisions des communes ou de contrôler l'exercice de leurs compétences par les communes ; que l'article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa version issue de la loi du 16 décembre 2010, ne saurait donc, en tout état de cause, être regardé comme méconnaissant l'interdiction de tutelle énoncée par l'article 72 de la Constitution ;

Sur l'article L. 5211-42 du code général des collectivités territoriales :

7. Considérant qu'en vertu de l'article L. 5211-42 du code général des collectivités territoriales, la commission départementale de la coopération intercommunale est présidée par le représentant de l'Etat dans le département, qui est assisté d'un rapporteur général et d'assesseurs élus parmi les maires ;

8. Considérant que la commune de Couvrot soutient que ces dispositions méconnaissent le principe, énoncé à l'article 1er de la Constitution, selon lequel l'organisation de la République est décentralisée ;

9. Considérant, toutefois, que ce principe n'est pas au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution, au sens de son article 61-1 ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité invoquées ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Couvrot et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 361632
Date de la décision : 21/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2012, n° 361632
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:361632.20120921
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