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21/09/2012 | FRANCE | N°360602

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 21 septembre 2012, 360602


Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la commune de Vitry-sur-Seine, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la commune de Vitry-sur-Seine demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2012-717 du 7 mai 2012 relatif aux dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et à la péréquation des ressources fiscales, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés gara

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Vu le mémoire, enregistré le 29 juin 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par la commune de Vitry-sur-Seine, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; la commune de Vitry-sur-Seine demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2012-717 du 7 mai 2012 relatif aux dotations de l'Etat aux collectivités territoriales et à la péréquation des ressources fiscales, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 2336-1, L. 2336-2 et L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 72, 72-2 et 61-1 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la décision n° 2012-255/265 QPC du 29 juin 2012 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Guillaume Odinet, Auditeur,

- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

2. Considérant que l'article L. 2336-1 du code général des collectivités territoriales, issu de la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, crée un fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, dont les ressources en 2012, 2013, 2014 et 2015 sont respectivement fixées à 150, 360, 570 et 780 millions d'euros, et dont les ressources à compter de 2016 sont fixées à 2 % des recettes fiscales des communes et de leurs groupements dotés d'une fiscalité propre ;

3. Considérant qu'en vertu de l'article L. 2336-3 du même code, est contributeur au fonds, d'une part, tout ensemble intercommunal, défini comme un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre et ses communes membres, dont le potentiel financier agrégé par habitant est supérieur à 90 % du potentiel financier agrégé moyen par habitant, et toute commune n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre dont le potentiel financier par habitant est supérieur à 90 % du potentiel financier agrégé moyen par habitant ; que le prélèvement est réparti entre les ensembles intercommunaux et les communes n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre en fonction de l'écart entre le potentiel financier agrégé par habitant ou le potentiel financier par habitant et 90 % du potentiel financier agrégé moyen par habitant, pondéré par la population de l'ensemble intercommunal ou de la commune ; que la somme des prélèvements ainsi opérés et de ceux qui sont supportés le cas échéant au titre du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, en vertu des articles L. 2531-12 et suivants du code, ne peut excéder 10 % du produit perçu au titre des ressources prises en compte dans le calcul du potentiel fiscal agrégé d'un ensemble intercommunal ; que les modalités de répartition du prélèvement entre l'établissement public de coopération intercommunale et ses communes membres sont définies aux 4° et 5° du I du même article ;

4. Considérant qu'en vertu du III de l'article L. 2336-2 du code, le potentiel financier agrégé par habitant d'un ensemble intercommunal ou le potentiel financier par habitant d'une commune n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est défini par le rapport entre le potentiel financier agrégé ou le potentiel financier et le nombre d'habitants, corrigé par un coefficient logarithmique dont la valeur varie de 1 à 2 en fonction de la population de l'ensemble intercommunal ou de la commune ; qu'en vertu des I et II de l'article L. 2336-2 du code, le potentiel financier agrégé d'un ensemble intercommunal est égal au potentiel fiscal agrégé majoré de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement, dont sont exclus les montants visés au 3° de l'article L. 2334-7 du code, minoré, le cas échéant, des montants de deux prélèvements, et majoré ou minoré, pour les ensembles intercommunaux d'Ile-de-France, du montant prélevé ou perçu au titre du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France ; que le potentiel fiscal agrégé d'un ensemble intercommunal correspond à la somme des bases de la taxe d'habitation, de la taxe foncière sur les propriétés bâties, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et de la cotisation foncière des entreprises, respectivement multipliées par le taux moyen national d'imposition à chaque taxe, à laquelle sont ajoutés, d'une part, les produits de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, des impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux, de la taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, de la taxe sur les surfaces commerciales, du prélèvement sur le produit des jeux, de la surtaxe sur les eaux minérales et de la redevance communale des mines, d'autre part, les montants perçus au titre de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle, du fonds national de garantie individuelle des ressources communales et intercommunales, de la part de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement des communes correspondant à la compensation de la suppression de la part " salaire " de la taxe professionnelle et de la dotation de compensation versée aux établissements publics de coopération intercommunale au titre de la suppression de la part " salaire " de la taxe professionnelle ; qu'enfin, le potentiel financier d'une commune n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre est calculé selon les modalités définies à l'article L. 2334-4 du même code et majoré ou minoré, pour les communes d'Ile-de-France, du montant prélevé ou perçu au titre du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France ;

5. Considérant que la commune de Vitry-sur-Seine soutient que les articles L. 2336-1, L. 2336-2 et L. 2336-3 portent atteinte au principe d'égalité garanti par les articles 1er, 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé à l'article 72 de la Constitution, au principe de péréquation énoncé à son article 72-2 et au droit énoncé à l'article 14 de la Déclaration de 1789 et dont disposent " tous les citoyens " de suivre l'emploi de la contribution publique ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution : " La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales " ; que, si cette disposition a pour but de concilier le principe de liberté avec celui d'égalité par l'instauration de mécanismes de péréquation financière, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 sont mises en oeuvre par l'article 34 de la Constitution et n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si la péréquation peut corriger non seulement les inégalités affectant les ressources mais également les inégalités relatives aux charges, le principe d'égalité entre collectivités territoriales n'impose pas au législateur de faire porter tout dispositif de péréquation entre les collectivités territoriales à la fois sur leurs ressources et sur leurs charges ; qu'au demeurant, si la définition des contributeurs au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales est fondée sur le seul critère du potentiel financier par habitant, d'une part, ce critère est pondéré, de manière plus que proportionnelle, en vertu de l'application d'un coefficient logarithmique, par le nombre d'habitants, d'autre part, la répartition des ressources du fonds est opérée, en vertu de l'article L. 2336-5 du code, sur la base d'un indice synthétique de ressources et de charges ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que le critère du potentiel financier, sur la base duquel sont fixés la liste des contributeurs au fonds et le montant de leur contribution, est en lien direct avec l'objectif poursuivi par le législateur de réduire les écarts de ressources entre collectivités territoriales ; que ce critère est objectif et rationnel ; que si le calcul du potentiel financier agrégé des ensembles intercommunaux diffère du calcul du potentiel financier des communes n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre, et n'intègre pas la dotation d'intercommunalité prévue à l'article L. 5211-28 du code dont bénéficient les établissements publics de coopération intercommunale, il n'en résulte aucune rupture caractérisée d'égalité devant les charges publiques au détriment des communes n'appartenant à aucun groupement à fiscalité propre ;

10. Considérant, en cinquième lieu, que si, en règle générale, le principe d'égalité impose de traiter de la même façon des personnes qui se trouvent dans la même situation, il n'en résulte pas pour autant qu'il oblige à traiter différemment des personnes se trouvant dans des situations différentes ; que par suite, le principe d'égalité n'imposait pas au législateur de traiter différemment des autres communes et groupements, dans la fixation des règles de contribution au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, les communes et groupements d'Ile-de-France, au motif qu'ils sont également susceptibles de contribuer au fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France, mécanisme intercommunal de redistribution des ressources propre à cette région ;

11. Considérant, en sixième lieu, que le principe d'égalité n'imposait pas davantage au législateur de traiter différemment des autres communes les communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale ;

12. Considérant, en septième lieu, que le montant prélevé pour la contribution au fonds national de péréquation des ressources intercommunales ne peut, après addition, le cas échéant, de la contribution due au titre du fonds de solidarité de la région d'Ile-de-France, excéder, pour chaque ensemble intercommunal ou chaque commune, 10 % du produit perçu au titre des ressources prises en compte dans le calcul du potentiel fiscal agrégé en vertu de l'article L. 2336-2 ; que dès lors, compte tenu de la définition précédemment rappelée du potentiel fiscal agrégé, le législateur ne peut être regardé comme ayant, dans l'immédiat ou à terme, restreint les ressources des collectivités territoriales au point de dénaturer le principe de libre administration de ces collectivités ; que par suite, l'augmentation progressive des ressources du fonds ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales du fait d'un étalement dans le temps insuffisant ;

12. Considérant, en huitième lieu, que la circonstance qu'une commune éligible à la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale puisse être contributrice au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales ne saurait être regardée comme portant atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que les articles L. 2336-1, L. 2336-2 et L. 2336-3 du code général des collectivités territoriales porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

D E C I D E :

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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Vitry-sur-Seine.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Vitry-sur-Seine et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au Premier ministre, au ministre de l'économie et des finances et au Conseil constitutionnel.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 360602
Date de la décision : 21/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 sep. 2012, n° 360602
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Alain Ménéménis
Rapporteur ?: M. Guillaume Odinet
Rapporteur public ?: M. Vincent Daumas

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:360602.20120921
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