Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2010 et 15 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac, dont le siège est situé à La Fontaine de Grégoire, à ..., représentée par sa présidente ; l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 08MA00500-08MA00532 du 21 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille, d'une part, a infirmé un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 26 novembre 2007 en tant que celui-ci avait annulé deux permis de construire délivrés à la société Tencia par arrêtés du préfet de la Lozère du 4 avril 2005, en vue de l'implantation de 5 aérogénérateurs et d'un poste de livraison électrique sur le territoire de la commune de La Fage-Montivernoux et de 2 aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Fau-de-Peyre, et, d'autre part, a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de ces deux permis de construire ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985,
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Alstom Wind France Sas, et de Me Georges, avocat de l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac ;
- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la société Alstom Wind France Sas, et à Me Georges, avocat de l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac ;
1. Considérant que l'association pour la protection des gorges du Bes a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'ainsi, son intervention est recevable ;
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par deux arrêtés du 4 avril 2005, le préfet de la Lozère a délivré à la société Tencia, aux droits de laquelle est venue la société Ecotecnia France SAS, un premier permis de construire en vue de l'implantation de deux éoliennes sur le territoire de la commune de Fau de Peyre, lieudit Truc de l'Homme, numérotées 1 et 2, et un second permis de construire en vue de la réalisation de cinq éoliennes sur le territoire de la commune de la Fage Montivernoux, lieudit Truc de l'Homme, numérotées de 4 à 7 ; qu'à la demande de l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac et de riverains, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ces permis par un jugement du 26 novembre 2007 ; que, saisie en appel par la société anonyme Tencia et par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, la cour administrative d'appel de Marseille a, par un arrêt du 21 octobre 2010, annulé le jugement du tribunal administratif en tant qu'il avait annulé les permis de construire délivrés à la société Tencia ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du III de l'article L.145-3 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitation existants " ; qu'en relevant que compte tenu de la nature du projet en cause de production d'électricité à partir de l'énergie éolienne sur le territoire des communes intéressées et de l'intérêt général imposant leur implantation isolée, les arrêtés litigieux ont pu bénéficier de la dérogation prévue par ces dispositions du III de l'article L.145-3 du code de l'urbanisme pour les installations et équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, la cour administrative d'appel de Marseille a suffisamment motivé son arrêt ; que si l'arrêt cite également les dispositions du c) du III du même article, qui permettent elles aussi de déroger, dans certaines conditions et en présence d'une délibération motivée du conseil municipal, à la règle d'urbanisation en continuité pour les communes ou parties de communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, elle n'a pas fait application de ce régime de dérogation ; que par suite, le moyen tiré de ce que la cour n'aurait pas légalement justifié sa décision au regard de ces dispositions ne peut qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce qui est soutenu, le régime de dérogation prévu au premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme s'applique même dans les communes qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, les dispositions du c) du quatrième alinéa du III de l'article L 145-3 n'étant pas exclusives de celles du premier alinéa ; que par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que dans les circonstances de l'espèce, le projet pouvait bénéficier de la dérogation prévue au premier alinéa du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme alors même que la commune était dépourvue de plan d'occupation des sols ; que la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit en retenant la qualification d'équipement public pour le projet en cause, dès lors que la destination d'un projet tel que celui envisagée présente un intérêt public tiré de sa contribution à la satisfaction d'un besoin collectif par la production d'électricité vendue au public ;
5. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, applicables aux communes classées en zone de montagne, régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l'application de la règle de constructibilité limitée, qu'elles soient ou non dotées d'un plan d'urbanisme ; que, par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les dispositions de la loi Montagne excluaient que les requérants puissent utilement se prévaloir à l'encontre des permis attaqués des dispositions de l'article R.111-14-1 du code de l'urbanisme alors applicable, qui permettent de façon générale à l'administration de s'opposer à un projet qui favoriserait une urbanisation dispersée incompatible avec les espaces naturels l'environnant ;
6. Considérant qu'il résulte de tout de qui précède que l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac le versement à la société Ecotecnia France SAS de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'intervention de l'association pour la protection des gorges du Bes au soutien du pourvoi est admise.
Article 2 : Le pourvoi de l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac est rejeté.
Article 3 : L'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac versera à la société Ecotecnia France SAS la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: La présente décision sera notifiée à l'Association pour la promotion économique et le développement durable du plateau de l'Aubrac, à la société Ecotecnia France SAS, à la ministre de l'égalité des territoires et du logement et à l'association pour la protection des gorges du Bes.