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11/07/2012 | FRANCE | N°345365

France | France, Conseil d'État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 11 juillet 2012, 345365


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2010 et 28 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02593 du 28 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0701438 du 1er octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Angoulême à lui verser une indemn

ité de 2 052 851,64 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 28 décembre 2010 et 28 mars 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Hervé A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09BX02593 du 28 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 0701438 du 1er octobre 2009 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Angoulême à lui verser une indemnité de 2 052 851,64 euros en réparation des préjudices qu'il a subis du fait des soins reçus dans cet établissement le 9 octobre 1994 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa requête d'appel ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier d'Angoulême une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Leïla Derouich, Auditeur,

- les observations de la SCP Boré et Salve de Bruneton avocat de M. A et de Me Le Prado avocat du centre hospitalier d'Angoulême-Girac ;

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Boré et Salve de Bruneton avocat de M. A et à Me Le Prado avocat du centre hospitalier d'Angoulême-Girac ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics, alors applicable aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis./ Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public " ; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) / Tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance. / (...) " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, le 9 octobre 1994, alors qu'il participait à une compétition de vélo tout terrain, M. A a été victime d'un accident consécutif à la rupture du guidon de son vélo ; qu'au centre hospitalier d'Angoulême où il a été transporté, un traumatisme facial et un traumatisme crânien ont été diagnostiqués ; qu'il a été alors transféré dans le service de neurochirurgie du centre hospitalier universitaire de Poitiers où, le 10 octobre 1994, a été constatée une paraplégie ; qu'à la suite de ce constat, M. A a engagé une action devant le tribunal de grande instance de Niort à l'encontre de la société lui ayant vendu le vélo défectueux et de l'assureur de celle-ci aux fins de les voir condamnés à réparer les conséquences dommageables de l'accident ; que, par un arrêt du 3 mai 2006 devenu définitif, la cour d'appel de Poitiers a fixé le montant de la créance de M. A à l'encontre de cette société, placée en liquidation judiciaire, et condamné l'assureur de celle-ci au paiement de dommages et intérêts dans les limites de la garantie contractuelle ; que, le 25 avril 2007, M. A, dont l'état était consolidé depuis le 9 octobre 1997, a adressé une demande d'indemnisation de son préjudice au centre hospitalier d'Angoulême, lui reprochant d'avoir commis une faute médicale ayant concouru à la réalisation du dommage ; que, cette demande étant demeurée sans réponse, il a saisi le tribunal administratif de Poitiers aux mêmes fins ; que le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif que sa créance était prescrite ; que M. A se pourvoit contre l'arrêt du 28 octobre 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté son appel ;

3. Considérant que, pour fonder ses prétentions, M. A s'est prévalu devant les juges du fond d'une créance sur le centre hospitalier d'Angoulême, dont le fait générateur aurait été constitué par une faute médicale imputable à cet établissement ; que l'action engagée devant le juge civil par laquelle le requérant a demandé à la société qui lui avait vendu le vélo défectueux et à l'assureur de celle-ci l'indemnisation des préjudices résultant pour lui de l'accident dont il avait été victime n'était pas relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont il a ensuite demandé réparation au centre hospitalier ; que, dès lors, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, au regard des dispositions du troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968, en jugeant que la prescription quadriennale de la créance dont M. A se prévalait sur le centre hospitalier d'Angoulême n'avait pas été interrompue par l'action qu'il avait exercée devant le juge civil ; que M. A n'est par suite pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 28 octobre 2010 de la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

4. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Angoulême, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. A est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Hervé A et au centre hospitalier d'Angoulême.

Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Deux-Sèvres et à la caisse mutuelle régionale.


Synthèse
Formation : 5ème et 4ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 345365
Date de la décision : 11/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COMPTABILITÉ PUBLIQUE ET BUDGET - DETTES DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - RÉGIME DE LA LOI DU 31 DÉCEMBRE 1968 - INTERRUPTION DU COURS DU DÉLAI - ABSENCE - VICTIME D'UN ACCIDENT DE VÉLO DONT L'ÉTAT A ÉTÉ AGGRAVÉ PAR UNE FAUTE MÉDICALE DU PREMIER ÉTABLISSEMENT DANS LEQUEL ELLE A ÉTÉ TRANSFÉRÉE ET SE PRÉVALANT D'UNE CRÉANCE SUR CET ÉTABLISSEMENT - ACTION EXERCÉE DEVANT LE JUGE CIVIL CONTRE LA SOCIÉTÉ AYANT VENDU LE VÉLO DÉFECTUEUX - QUI N'ÉTAIT PAS RELATIVE AU FAIT GÉNÉRATEUR - À L'EXISTENCE - AU MONTANT OU AU PAIEMENT DE LA CRÉANCE ENSUITE REVENDIQUÉE SUR LA COLLECTIVITÉ PUBLIQUE [RJ1].

18-04-02-05 Personne victime d'un accident consécutif à la rupture du guidon de son vélo transportée dans un premier établissement hospitalier où des traumatismes crânien et facial ont été diagnostiqués, puis transférée le lendemain dans un autre centre hospitalier où a été constatée une paraplégie, et se prévalant devant le juge administratif d'une créance sur le premier centre hospitalier, dont le fait générateur aurait été constitué par une faute médicale imputable à cet établissement. L'action engagée devant le juge civil par laquelle l'intéressée a demandé à la société qui lui avait vendu le vélo défectueux et à l'assureur de celle-ci l'indemnisation des préjudices résultant pour elle de l'accident dont elle avait été victime n'était pas relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont elle a ensuite demandé réparation au centre hospitalier. Par suite, cette action exercée devant le juge civil n'a pas interrompu, au regard des dispositions du troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics (alors applicables aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale), la prescription quadriennale de la créance dont le requérant se prévalait sur le centre hospitalier.

RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ - ÉTABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - VICTIME D'UN ACCIDENT DE VÉLO DONT L'ÉTAT A ÉTÉ AGGRAVÉ PAR UNE FAUTE MÉDICALE DU PREMIER ÉTABLISSEMENT DANS LEQUEL ELLE A ÉTÉ TRANSFÉRÉE ET SE PRÉVALANT D'UNE CRÉANCE SUR CET ÉTABLISSEMENT - ACTION EXERCÉE DEVANT LE JUGE CIVIL CONTRE LA SOCIÉTÉ AYANT VENDU LE VÉLO DÉFECTUEUX - ABSENCE D'INTERRUPTION DU DÉLAI DE PRESCRIPTION - DÈS LORS QUE CETTE ACTION N'ÉTAIT PAS RELATIVE AU FAIT GÉNÉRATEUR - À L'EXISTENCE - AU MONTANT OU AU PAIEMENT DE LA CRÉANCE ENSUITE REVENDIQUÉE SUR LA COLLECTIVITÉ PUBLIQUE [RJ1].

60-02-01-01 Personne victime d'un accident consécutif à la rupture du guidon de son vélo transportée dans un premier établissement hospitalier où des traumatismes crânien et facial ont été diagnostiqués, puis transférée le lendemain dans un autre centre hospitalier où a été constatée une paraplégie, et se prévalant devant le juge administratif d'une créance sur le premier centre hospitalier, dont le fait générateur aurait été constitué par une faute médicale imputable à cet établissement. L'action engagée devant le juge civil par laquelle l'intéressée a demandé à la société qui lui avait vendu le vélo défectueux et à l'assureur de celle-ci l'indemnisation des préjudices résultant pour elle de l'accident dont elle avait été victime n'était pas relative au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance dont elle a ensuite demandé réparation au centre hospitalier. Par suite, cette action exercée devant le juge civil n'a pas interrompu, au regard des dispositions du troisième alinéa de l'article 2 de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics (alors applicables aux créances détenues sur les établissements publics hospitaliers en matière de responsabilité médicale), la prescription quadriennale de la créance dont le requérant se prévalait sur le centre hospitalier.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, 27 avril 2009, Mme Dessignet, n° 300345, T. p. 682. Comp., pour la possibilité pour la victime, en cas de dommage trouvant sa cause dans plusieurs fautes commises par des personnes différentes ayant agi indépendamment et qui portent chacune en elle normalement le dommage, de demander la condamnation d'une de ces personnes, ou de celles-ci conjointement, CE, 2 juillet 2010, Madranges, n° 323890, p. 236 ;

CE, 24 avril 2012, M. et Mme Massioui, n° 342104, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2012, n° 345365
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: Mme Leïla Derouich
Rapporteur public ?: Mme Sophie-Justine Lieber
Avocat(s) : SCP BORE ET SALVE DE BRUNETON ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:345365.20120711
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