Vu la requête et le nouveau mémoire, enregistrés le 28 juin 2011 et le 14 novembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SCP B, D, A ET C dont le siège est ... représentée par son gérant, M. Vincent B, demeurant ..., M. Jacques D, demeurant ..., Mme Laurence A, demeurant ... et M. Philippe C, demeurant ... ; la SCP B, D, A ET C et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 27 avril 2011 par laquelle le président de la commission nationale d'indemnisation des avoués a accordé à la SCP B, D, A ET C, une somme de 550 744 euros au titre de l'acompte prévu par l'article 17 de la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel et a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de condamner le fonds d'indemnisation prévu à l'article 19 de la loi du 25 janvier 2011 à payer la somme de 550 744 euros respectivement à Mme A et à MM. B, D, C au titre de l'acompte prévu par l'article 17 de la même loi ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, du fonds d'indemnisation mentionné précédemment et de la caisse des dépôts et consignations la somme de 5 000 euros chacun, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011;
Vu le décret n° 2011-361 du 1er avril 2011 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Samuel Gillis, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de Me Foussard, avocat de la SCP B, D, A ET C et autres,
- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à Me Foussard, avocat de la SCP B, D, A ET C et autres ;
Considérant que la loi du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a fusionné la profession d'avoué et celle d'avocat et supprimé le statut d'avoué ; qu'aux termes de son article 17 : " Tout avoué près les cours d'appel peut demander dès la publication de la présente loi et au plus tard dans les douze mois suivant cette publication : / - un acompte égal à 50 % du montant de la recette nette réalisée telle qu'elle résulte de la dernière déclaration fiscale connue à la date de la publication de la présente loi ; / - le remboursement au prêteur, dans un délai de trois mois, du capital restant dû au titre des prêts d'acquisition de l'office ou des parts de la société d'exercice à la date à laquelle ce remboursement prendra effet. / Lorsque l'avoué demande ce remboursement anticipé, le montant de l'acompte est fixé après déduction du montant du capital restant dû. / La décision accordant l'acompte et fixant son montant est prise par le président de la commission prévue à l'article 16. / L'acompte est versé dans les trois mois suivant le dépôt de la demande. / Les demandes de remboursement anticipé sont transmises au fonds institué par l'article 19. / Lorsque l'avoué a bénéficié du remboursement anticipé du capital restant dû au titre des prêts d'acquisition de l'office ou de parts de la société d'exercice, le montant de ce capital est déduit du montant de l'indemnité due en application de l'article 13. / Lorsque l'avoué a bénéficié d'un acompte, celui-ci est imputé sur le montant de cette indemnité " ; qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 16 de cette loi : " Les décisions prises par la commission, ou par son président statuant seul, peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat " ;
Considérant que, par une décision du 27 avril 2011, le président de la commission nationale d'indemnisation des avoués a accordé à la SCP B, D, A ET C la somme de 550 744 euros au titre de l'acompte prévu par les dispositions de l'article 17 cité ci-dessus ; que MM. B, D et C et Mme A demandent l'annulation de cette décision et le versement à chacun d'entre eux de la somme mentionnée précédemment ;
Sur la régularité de la décision attaquée :
Considérant qu'aux termes des stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales: " Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil (...) " ; qu'eu égard à la nature de la décision prise par le président de la commission nationale d'indemnisation des avoué lorsqu'il statue sur la demande d'acompte en application des dispositions de l'article 17 de la loi du 25 janvier 2011, celui-ci ne tranche pas une contestation sur des droits et obligations de caractère civil au sens de ces stipulations ; que dès lors le requérant ne saurait utilement invoquer la méconnaissance de ces stipulations à l'encontre de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de l'article 3 du décret du 1er avril 2011 relatif aux modalités de l'indemnisation prévue par la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant la cour d'appel que les décisions de la commission nationale d'indemnisation des avoués et de son président sont motivées ; que le président de la commission d'indemnisation des avoués a relevé dans la décision attaquée que, lorsque le titulaire d'un office d'avoué était une société civile professionnelle, seule cette dernière pouvait prétendre au versement de l'acompte mentionné précédemment et non chacun de ses associés; qu'il a ainsi suffisamment motivé sa décision ;
Sur le bien-fondé de la décision attaquée :
Considérant que l'acompte pouvant être sollicité par tout avoué en vertu des dispositions de l'article 17 cité ci-dessus s'impute sur le montant de l'indemnité due au titulaire de l'office au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation ; que, ainsi que le Conseil constitutionnel l'a indiqué dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, cette indemnité ne peut excéder la valeur de l'office ; qu'aux termes de l'article 18 de la loi du 25 janvier 2011 : " Lorsque l'avoué exerce à titre individuel, les demandes formées au titre des articles 14 et 17 sont présentées par celui-ci ou par ses ayants droit. / Lorsque l'avoué exerce au sein d'une société : (...) / 2° Les demandes formées au titre de l'article 17 sont présentées par la société lorsque celle-ci est titulaire de l'office ou, dans le cas contraire, conjointement par chaque associé " ; qu'il suit de là que le président de la commission nationale d'indemnisation des avoués n'a pas méconnu les dispositions précitées en jugeant que l'acompte sollicité par la SCP B, D, A ET C était dû à cette seule société, dès lors qu'elle était titulaire de l'office d'avoué, et non à chacun de ses associés ;
Considérant que l'acompte prévu par l'article 17 cité ci-dessus constitue une avance sur l'indemnité due au titulaire de l'office au titre de la perte du droit de présentation ; que, dès lors, la circonstance que l'article 17 ait prévu que cet acompte devait être directement versé au titulaire de l'office et non, lorsque celui-ci est une société, à chacun des avoués associés, ne méconnait pas le droit à la protection des biens garanti par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que les requérants, qui n'ont pas sollicité le remboursement au prêteur du capital restant dû au titre des prêts d'acquisition de l'office ou des parts de la société d'exercice, ne sauraient utilement soutenir qu'ils subissent, du fait de la décision attaquée et des dispositions de l'article 17 en vertu desquelles le montant de l'acompte versé à un avoué ayant déjà obtenu le remboursement au prêteur du capital restant dû au titre des prêts d'acquisition de l'office ou des parts de la société d'exercice est fixé après déduction du montant du capital ainsi remboursé, une discrimination contraire aux stipulations combinées de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 14 de cette même convention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SCP B, D, A ET C, MM. B, D et C et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de la décision attaquée ; que leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la SCP B, D, A ET C, de MM. B, D et C et de Mme A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SCP B, D, A ET C, à M. Vincent B, à M. Jacques D, à Mme Laurence A, à M. Philippe C, à la garde des sceaux, ministre de la justice et à la commission nationale d'indemnisation des avoués.