Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 juin et 7 septembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LES JARDINS DE SORMIOU, dont le siège est 42 boulevard Canlong à Marseille (13009), représentée par son gérant ; la SARL LES JARDINS DE SORMIOU demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 07MA01952 du 6 avril 2010 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel qu'elle a interjeté du jugement n° 030270098 du 15 mars 2007 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution de 10 % à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 1998 et 1999 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Agnès Martinel, Maître des Requêtes en service extraordinaire,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE LES JARDINS DE SORMIOU,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE LES JARDINS DE SORMIOU ;
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la remise en cause de l'imputation sur les exercices clos en 1998 et 1999 de déficits antérieurs et des amortissements réputés différés :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 209 du code général des impôts relatif à la détermination de la base de l'impôt sur les sociétés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition concernées : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice. Si ce bénéfice n'est pas suffisant pour que la déduction puisse être intégralement opérée, l'excédent du déficit est reporté successivement sur les exercices suivants jusqu'au cinquième exercice qui suit l'exercice déficitaire (...) " ; qu'aux termes de l'article 221 du même code : " (...) 5. Le changement de l'objet social ou de l'activité réelle d'une société emporte cessation d'entreprise (...) " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la mise en oeuvre du droit au report déficitaire est subordonnée notamment à la condition qu'une société n'ait pas subi, dans son activité, des transformations telles qu'elle n'est plus, en réalité, la même ;
Considérant que la cour administrative d'appel de Marseille a relevé que la SARL LES JARDINS DE SORMIOU avait cessé en 1993, après qu'une décision de fermeture administrative eut été prise par le préfet des Alpes-Maritimes, toute exploitation de la maison de retraite dénommée " Résidence Clémentine " située à Grasse, qu'elle exploitait depuis 1970 et qu'elle avait donnée en location-gérance à partir de 1991; que si la SARL LES JARDINS DE SORMIOU avait tenté sans succès de reprendre l'exploitation de la même maison de retraite, en effectuant divers travaux de mise en conformité, puis, faute d'avoir obtenu l'autorisation administrative nécessaire, de reprendre l'exploitation d'un autre établissement, elle avait fini par mettre au rebut l'ensemble de ses moyens d'exploitation à la clôture de l'exercice 1996 ; que la SARL LES JARDINS DE SORMIOU avait ensuite acquis en 1998 des participations dans les SCI Mimosa et Bel Air, propriétaires de locaux à usage social et que la gestion de ses participations financières avait constitué son unique activité et sa seule source de bénéfices au cours des exercices clos en 1998 et 1999 ; qu'en déduisant de ces constatations que l'activité de la SARL LES JARDINS DE SORMIOU avait subi des transformations telles qu'elle n'était plus la même et que ce changement devait être regardé comme emportant cessation d'entreprise au sens des dispositions du 5 de l'article 221 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Marseille a exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis ; que la cour, qui n'était pas tenue de répondre à tous les détails de l'argumentation de la SARL LES JARDINS DE SORMIOU, a suffisamment motivé son arrêt sur ce point ;
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la taxation d'un profit résultant d'un abandon de créance :
Considérant qu'aux termes des 1 et 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable est le bénéfice net, lui-même " constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...). L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que la société Médifrance détenait sur la SCI Bel Air une créance d'un montant de 3 046 165 francs, inscrite au crédit de son compte courant ouvert dans cette société, et que le vérificateur a constaté que cette créance avait été soldée et que, parallèlement, le compte courant de la SARL LES JARDINS DE SORMIOU dans les écritures de la SCI Bel Air avait été crédité d'une somme de 3 046 165 francs ;
Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'en l'absence de toute preuve d'une cession de créance intervenue entre la société Médifrance et la SARL LES JARDINS DE SORMIOU, l'opération avait été à juste titre analysée comme un abandon de créance consenti par la société Medifrance à la SCI Bel Air, la cour, qui a entaché son arrêt d'une erreur de plume mais non de contradiction de motifs, n'a commis ni erreur de droit ni erreur de qualification juridique ;
Considérant, en deuxième lieu, que la cour, qui n'a pas jugé que la preuve d'une cession de créance ne pouvait être apportée que par la justification de l'accomplissement des formalités prévues à l'article 1690 du code civil, n'a pas commis d'erreur de droit sur ce point ;
Considérant, en troisième lieu, qu'en jugeant que les extraits des documents comptables des trois sociétés présentés devant elle ne suffisaient pas à apporter la preuve d'une cession de créance, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de la SARL LES JARDINS DE SORMIOU doit être rejeté ;
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL LES JARDINS DE SORMIOU est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL LES JARDINS DE SORMIOU et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.