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06/06/2012 | FRANCE | N°337663

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 06 juin 2012, 337663


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 mars et 7 juin 2010, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant Immeuble Pont d'Aquitaine, rue Cantelaudette à Lormont (33310) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 février 2010 par laquelle le comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a confirmé la décision du 21 octobre 2009 du conseil régional d'Aquitaine rejetant sa demande de réinscription au tableau

de l'ordre des experts-comptables ;

2°) de mettre à la charge du consei...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 17 mars et 7 juin 2010, présentés pour M. Jean-Paul A, demeurant Immeuble Pont d'Aquitaine, rue Cantelaudette à Lormont (33310) ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 17 février 2010 par laquelle le comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a confirmé la décision du 21 octobre 2009 du conseil régional d'Aquitaine rejetant sa demande de réinscription au tableau de l'ordre des experts-comptables ;

2°) de mettre à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ;

Vu le décret n° 45-2370 du 15 octobre 1945 ;

Vu le décret n° 70-147 du 19 février 1970 ;

Vu la décision n° 300080 du 5 juin 2009 du Conseil d'Etat ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Nadia Bergouniou-Gournay, Maître des Requêtes en service extraordinaire,

- les observations de Me de Nervo, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables,

- les conclusions de M. Xavier de Lesquen, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me de Nervo, avocat de M. A et à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable : " II. Pour être inscrit au tableau de l'ordre en qualité d'expert-comptable, il faut : (...) 5° présenter les garanties de moralité jugées nécessaires par le conseil de l'ordre " ;

Considérant que, par une décision du 17 février 2010, le comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables a rejeté le recours formé par M. A contre la décision du 21 octobre 2009 par laquelle le conseil régional d'Aquitaine a refusé de procéder à sa réinscription au tableau de l'ordre; que le comité national du tableau s'est fondé, pour refuser la réinscription demandée, sur le motif tiré de ce que l'intéressé ne présentait pas les garanties de moralité mentionnées ci-dessus dès lors qu'il avait illégalement et délibérément exercé la profession d'expert-comptable ;

Considérant, en premier lieu, que lorsque le comité national du tableau se prononce sur les décisions de refus d'inscription, il prend une décision administrative et n'a le caractère ni d'une juridiction, ni d'un tribunal au sens du 1er paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui stipule que " toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue (...) publiquement (...) et que le jugement doit être rendu publiquement (...) "; que, dès lors, M. A ne saurait utilement soutenir que la décision attaquée serait intervenue en méconnaissance de cet article faute qu'elle ait été lue en audience publique ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision attaquée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée ;

Considérant, en troisième lieu, que contrairement à ce que soutient le requérant, cette décision n'est pas fondée sur la circonstance qu'il aurait été auparavant radié du tableau en raison du non-paiement de ses cotisations ordinales ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que si l'intéressé a soutenu devant les instances ordinales qu'il estimait ne pas être dans l'illégalité, il a admis exercer habituellement une activité relevant de la profession d'expert comptable sans être régulièrement inscrit au tableau de l'ordre ; que l'exercice de la profession était, selon les dispositions en vigueur, légalement subordonné à cette inscription préalable, ce que l'intéressé ne pouvait sérieusement prétendre ignorer ; que, par suite, en relevant que M.A avait reconnu avoir exercé sciemment et de façon illégale sa profession, le comité national du tableau n'a pas entaché sa décision d'une erreur de fait ;

Considérant, en cinquième lieu, que la circonstance qu'ait été annulé par une décision du Conseil d'Etat du 5 juin 2009, en exécution d'un arrêt de la cour d'appel de Bordeaux relaxant M. A des faits d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable, un précédent refus d'inscription de M. A du 25 septembre 2006, n'impliquait pas que le comité national du tableau procède nécessairement à la réinscription de l'intéressé ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée par la décision du Conseil d'Etat précitée ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en sixième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, pour confirmer la décision du 21 octobre 2009 du conseil régional d'Aquitaine, le comité national du tableau s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'intéressé s'était délibérément livré à l'exercice illégal de la profession d'expert-comptable ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a traité, sans être régulièrement inscrit, de nombreux dossiers relevant de cette activité à partir de l'année 2006 ; que d'ailleurs, par un arrêt du 7 février 2012, la cour d'appel de Bordeaux, saisie des mêmes fait que ceux qui ont justifié le refus de réinscription au tableau de l'ordre, après avoir constaté cette activité illicite et son caractère habituel, a déclaré M. A coupable du délit d'exercice illégal de la profession d'expert-comptable et l'a condamné à une amende et au paiement de dommages et intérêts au conseil supérieur de l'ordre ; que, par suite, en opposant à l'intéressé un refus de réinscription au motif tiré de ce qu'il ne présentait pas les garanties de moralité exigées par le 5° du II de l'article 3 de l'ordonnance du 19 septembre 1945, le comité national du tableau n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 5° de l'article 3 de l'ordonnance du 19 septembre 1945 ;

Considérant, enfin, que les moyens tirés de que la décision litigieuse serait constitutive d'une atteinte grave à la liberté du commerce et de l'industrie et au principe de libre prestation de services ne sont pas assortis de précisions de nature à permettre d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 17 février 2010 du comité national du tableau auprès du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. A au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 1 500 euros au même titre ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A versera au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A et au conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 337663
Date de la décision : 06/06/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 06 jui. 2012, n° 337663
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: Mme Nadia Bergouniou-Gournay
Rapporteur public ?: M. Xavier de Lesquen
Avocat(s) : DE NERVO ; SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:337663.20120606
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