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16/05/2012 | FRANCE | N°354670

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 16 mai 2012, 354670


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2011 et 5 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100189 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2010 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande de révision de sa pension portant sur le bénéfice de la campagne double au titre de services

militaires effectués en Afrique du Nord ;

2°) réglant l'affaire au ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 décembre 2011 et 5 mars 2012 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Bernard A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 1100189 du 4 octobre 2011 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2010 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie rejetant sa demande de révision de sa pension portant sur le bénéfice de la campagne double au titre de services militaires effectués en Afrique du Nord ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de la mutualité ;

Vu la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999 ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

- les observations de Me Spinosi, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à Me Spinosi, avocat de M. A ;

Considérant que la loi du 18 octobre 1999 a modifié les articles L. 1er bis, L. 243, L. 253 bis et L. 401 bis du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, ainsi que l'article L. 321-9 du code de la mutualité afin de substituer à l'expression " aux opérations effectuées en Afrique du Nord " celle de " à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc " ; que, pour tirer les conséquences de ces dispositions, un décret du 29 juillet 2010 a prévu l'attribution du bénéfice de la campagne double aux militaires ayant participé à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc et accompli à ce titre des services militaires en temps de guerre ; que l'article 3 de ce texte a autorisé, à titre transitoire et sur demande des intéressés, la révision des pensions de retraite liquidées à compter du 19 octobre 1999, date d'entrée en vigueur de cette loi ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A, ancien fonctionnaire dont la pension de retraite a été liquidée à compter du 1er octobre 1994, a demandé le 29 novembre 2010, sur le fondement de cette loi, la révision de sa pension afin que lui soit accordé le bénéfice de la campagne double au titre de services militaires accomplis en Algérie de 1955 à 1957 ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 décembre 2010 du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qui a refusé de procéder à cette révision en raison de la date de liquidation de sa pension ; que, par un mémoire distinct, M. A demande au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de la loi du 18 octobre 1999 ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

Considérant que M. A soutient que l'application des dispositions de la loi du 18 octobre 1999 telles qu'interprétées par les décisions du Conseil d'Etat, statuant au contentieux, n° 343460 du 9 mai 2011 et n° 343617 du 2 août 2011, aux seuls fonctionnaires dont la pension de retraite a été liquidée à compter de la date d'application de ce texte méconnaît le principe d'égalité dès lors qu'elle place dans des situations différentes des personnes ayant accompli les mêmes services de guerre ; que, toutefois, la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ; que s'agissant du régime applicable au calcul d'une pension de retraite, celui-ci est nécessairement déterminé par la date à laquelle les droits sont liquidés ; que, dans ces conditions, le respect du principe d'égalité n'imposait pas au législateur de donner un caractère rétroactif à l'avantage de retraite qu'il instituait ;

Considérant que, si M. A se prévaut également des dispositions du douzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 selon lequel " La Nation proclame la solidarité et l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent d'une calamité nationale " pour contester la rupture d'égalité résultant, selon lui, de la loi contestée, il résulte de ce qui vient d'être dit que ce moyen, qui ne soulève pas de question nouvelle dès lors que la disposition constitutionnelle invoquée a déjà été interprétée par le Conseil constitutionnel, ne peut être regardé, en tout état de cause, comme sérieux ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la loi du 18 octobre 1999 méconnaît les droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté ;

Sur le pourvoi en cassation :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

Considérant que, pour demander l'annulation du jugement qu'il attaque, M. A soutient que celui-ci a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le tribunal administratif de Lille n'a, dans ses motifs, examiné la question prioritaire de constitutionnalité qui avait été soulevée devant lui qu'après avoir énoncé les autres motifs de rejet de sa demande ; que c'est par erreur de droit, eu égard aux travaux préparatoires, qu'il a jugé que la loi du 18 octobre 1999 n'avait pas entendu donner une portée rétroactive aux dispositions qu'elle édictait ;

Considérant qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de la loi n° 99-882 du 18 octobre 1999.

Article 2 : Le pourvoi de M. A n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bernard A et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 354670
Date de la décision : 16/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 16 mai. 2012, n° 354670
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Jacques Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Francis Girault
Rapporteur public ?: M. Nicolas Boulouis
Avocat(s) : SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:354670.20120516
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