La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/02/2012 | FRANCE | N°352259

France | France, Conseil d'État, 6ème sous-section jugeant seule, 15 février 2012, 352259


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août 2011 et 9 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LE RICHELIEU dont le siège est au 73, route de la Plage à AYTRE (17440) ; la SOCIETE LE RICHELIEU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101540 et n° 1101541 du 10 août 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant d'une part à la suspension de la décision du 22 avril 2011 par laquelle le directeur départemental des

finances publiques de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à une ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 29 août 2011 et 9 septembre 2011 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE LE RICHELIEU dont le siège est au 73, route de la Plage à AYTRE (17440) ; la SOCIETE LE RICHELIEU demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1101540 et n° 1101541 du 10 août 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant d'une part à la suspension de la décision du 22 avril 2011 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à une demande formée le 10 mars 2011 d'acquisition amiable ou par voie d'expropriation portant sur un fonds de commerce de camping et son assiette foncière ainsi que le bâti abritant son exercice, ainsi que de la décision implicite de rejet par laquelle le préfet de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à la même demande, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à l'Etat, à titre principal, de mettre en oeuvre une procédure d'acquisition amiable ou par voie d'expropriation, au titre des articles L. 561-1 du code de l'environnement ou à un autre titre, portant sur les biens immobiliers et le fonds de commerce du camping, et à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

2°) réglant l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à la demande de suspension de la décision du 22 avril 2011 du directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime et de la décision implicite du préfet de Charente-Maritime et d'enjoindre à l'État la mise en oeuvre d'une procédure d'acquisition amiable ou par voie d'expropriation des biens immobiliers et du fonds de commerce du camping de la SOCIETE LE RICHELIEU ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement, notamment ses articles L. 561-1 et L. 561-3 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Julien Cléach, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la SOCIETE LE RICHELIEU,

- les conclusions de M. Cyril Roger-Lacan, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Peignot, Garreau, Bauer-Violas, avocat de la SOCIETE LE RICHELIEU ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés qu'à la suite de la tempête Xynthia, l'Etat a mis en place des zones de solidarité correspondant à des secteurs soumis à un risque très élevé de submersion marine, présentant un danger extrême pour la vie des personnes, qui ne peuvent pas être protégées efficacement ; que la démarche entreprise, qui s'inscrit dans le cadre du dispositif exceptionnel de solidarité nationale décidé pour le gouvernement, a consisté à proposer aux habitants des zones ainsi recensées qui souhaitent se réinstaller, sans délai, dans des secteurs plus sûrs, de vendre immédiatement à l'amiable à l'Etat leur propriété, à un prix se référant à la valeur dudit patrimoine avant la tempête ; que c'est seulement en l'absence d'acquisition amiable et après une expertise complémentaire de chaque habitation et terrain que pourra être mise en oeuvre, le cas échéant, une procédure d'expropriation dans le cadre des disposition de l'article L.561-1 du code de l'environnement ; qu'il n'est pas contesté que la propriété de la société requérante est située sur une zone de solidarité ;

Considérant que, par une décision du 22 avril 2011, le directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à une demande formée le 10 mars 2011 par la SOCIETE LE RICHELIEU d'acquisition amiable ou par voie d'expropriation portant sur un fonds de commerce de camping et son assiette foncière ainsi que le bâti abritant son exercice ; que, par une décision implicite de rejet, le préfet de la Charente-Maritime a refusé de faire droit à la même demande formée devant lui également le 10 mars 2011 ; que la SOCIETE LE RICHELIEU se pourvoit contre l'ordonnance du 10 août 2011 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande de suspension de l'exécution de ces deux décisions ;

Considérant, d'une part, qu'une offre d'acquisition amiable du camping situé à Aytré avait été faite à la société requérante, sur le fondement des dispositions de l'article L. 561-3 du code de l'environnement, par le directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime le 15 décembre 2010 ; que la société a rejeté cette offre, qu'elle estimait insuffisante ; qu'elle a alors saisi les services de l'Etat d'une demande tendant à ce qu'une nouvelle proposition d'acquisition amiable du camping lui soit faite sur le fondement des dispositions des articles L 561-1 et suivants du code de l'environnement ; que la phase d'acquisition amiable ayant toutefois pris fin avec le refus opposé par la société à l'offre de l'Etat, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers n'a pas entaché son ordonnance d'erreur de droit en relevant que la décision du directeur départemental des finances publiques de la Charente-Maritime du 22 avril 2011 et la décision implicite du préfet de la Charente-Maritime n'étaient pas susceptibles de recours contentieux et en rejetant pour ce motif la demande de la société tendant à la suspension de ces décisions ;

Considérant, d'autre part, qu'un refus d'engager la procédure d'expropriation pour risque naturel majeur prévue par l'article L. 561-1 du code de l'environnement est susceptible de créer une situation d'urgence, au sens de l'article L.521-1 du code de justice administrative, alors même que l'indemnité d'expropriation ne pourrait être versée qu'au terme d'une procédure de longue durée ; que, dès lors, le juge des référés du tribunal administratif de Poitiers a commis une erreur de droit en estimant qu'à supposer que la décision implicite opposée à la demande formée par la société puisse être également regardée comme un refus de mise en oeuvre d'une telle procédure d'expropriation, la condition d'urgence exigée par l'article L. 521-1 du code de justice administrative pour prononcer la suspension d'une décision administrative ne serait pas remplie du fait de l'absence de conséquences d'une telle suspension sur la situation financière de la requérante liée à la longueur du délai nécessaire à la finalisation d'une procédure d'expropriation ; que l'ordonnance attaquée doit, par suite, être annulée dans cette mesure ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à la SOCIETE LE RICHELIEU au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Poitiers du 10 août 2011 est annulée en tant qu'elle a rejeté la demande de suspension des décisions attaquées en tant qu'elles refusaient de faire droit à une demande d'acquisition par voie d'expropriation.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Poitiers.

Article 3 : L'État versera à la SOCIETE LE RICHELIEU une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE LE RICHELIEU et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État, porte-parole du gouvernement.


Synthèse
Formation : 6ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 352259
Date de la décision : 15/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 fév. 2012, n° 352259
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : Mme Christine Maugüé
Rapporteur ?: M. Julien Cléach
Rapporteur public ?: M. Cyril Roger-Lacan
Avocat(s) : SCP PEIGNOT, GARREAU, BAUER-VIOLAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2012:352259.20120215
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award