Vu la requête, enregistrée le 1er décembre 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Jean-Paul A, demeurant ..., agissant en exécution d'un jugement n° F 09/01013 du 28 juin 2010 du conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand ; M. A demande au Conseil d'Etat d'apprécier la légalité des dispositions du règlement RH-0677 de la Société nationale des chemins de fer français au regard des articles L. 1442-1 à D. 1442-10 du code du travail et de déclarer que ces dispositions sont entachées d'illégalité ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu l'acte dit loi du 3 octobre 1940 relative au régime du travail des agents des chemins de fer de la Société nationale des chemins de fer français ;
Vu le décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pascal Trouilly, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de la SNCF,
- les conclusions de Mme Claire Landais, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de la SNCF ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du code du travail : " Le conseil de prud'hommes règle les différends et litiges des personnels des services publics, lorsqu'ils sont employés dans les conditions du droit privé " ; que, selon l'article L. 1442-2 du même code : " Les employeurs accordent aux salariés de leur entreprise, membres d'un conseil de prud'hommes, sur leur demande dès leur élection et pour les besoins de leur formation, des autorisations d'absence, dans la limite de six semaines par mandat, pouvant être fractionnées. Les dispositions de l'article L. 3142-12 sont applicables à ces autorisations. / Ces absences sont rémunérées par l'employeur (...) " ; que l'article L. 3142-12 du même code dispose que : " La durée du ou des congés de formation économique et sociale et de formation syndicale ne peut être imputée sur celle du congé payé annuel. / Elle est assimilée à une durée de travail effectif pour la détermination de la durée des congés payés, du droit aux prestations d'assurances sociales et aux prestations familiales ainsi que pour l'ensemble des autres droits résultant pour l'intéressé de son contrat de travail " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1er de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 : " Le secrétaire d'Etat aux communications fixe par arrêté la durée maximum du travail du personnel de la Société nationale des chemins de fer français. / Dans le cadre des limites ainsi établies, le régime du travail applicable aux différentes catégories de personnel est fixé par des instructions homologuées par le secrétaire d'Etat aux communications " ; qu'il résulte des dispositions combinées du règlement du personnel RH-0677 " Réglementation du travail, instruction d'application du décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 " et du règlement RH-0131 auquel il renvoie, qu'au cours des absences pour formation des conseillers prud'hommes " les jours de repos préalablement prévus pour un agent sont enregistrés comme des jours de repos et ne comptent pas dans la durée des absences qui, en conséquence, n'entraînent pas de réduction du nombre annuel de jours de repos " ; que la question préjudicielle renvoyée à la juridiction administrative par le conseil de prud'hommes de Clermont-Ferrand porte sur la légalité de cette disposition au regard de celles, mentionnées plus haut, du code du travail ;
Considérant que l'article L. 1442-2 du code du travail, tout comme l'article L. 1411-2 et les autres dispositions du livre IV, relatif à la résolution des litiges et au conseil de prud'hommes, de la première partie de ce code, s'applique aux salariés de la Société nationale des chemins de fer (SNCF), y compris à ceux d'entre eux qui sont membres d'un conseil de prud'hommes ; que le renvoi de l'article L. 1442-2 aux dispositions de l'article L. 3142-12 rend applicable aux congés de formation pris par les salariés de la SNCF en leur qualité de membres d'un conseil de prud'hommes la règle d'assimilation de certains congés de formation à du travail effectif, sans qu'y fassent, en tout état de cause, obstacle les dispositions précitées de l'article 1er de l'acte dit loi du 3 octobre 1940 qui n'organisent pas spécialement le régime de ces congés ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en prévoyant que les absences pour formation des conseillers prud'hommes peuvent être décomptées comme des jours de congé, lorsqu'elles correspondent à des jours d'absence déjà programmés à ce dernier titre, et ne sont donc pas assimilées à du travail effectif pour déterminer la durée des congés payés, le règlement du personnel RH-0677 méconnaît les dispositions de l'article L. 3142-12 du code du travail, rendues applicables par l'article L. 1442-2 du même code aux congés de formation des membres d'un conseil de prud'hommes ; que cette dérogation qui, visant les salariés de la SNCF qui ont cette qualité n'est pas indissociable du reste du régime du travail applicable aux salariés de cet établissement public, ne saurait trouver une justification dans les nécessités du service public qu'il assure ; que, par suite, le règlement RH-0677 est, dans cette mesure, illégal ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il est déclaré que le règlement du personnel RH-0677 de la Société nationale des chemins de fer français est entaché d'illégalité, en tant qu'il prévoit que des absences pour formation des conseillers prud'hommes peuvent être décomptées comme des jours de congé.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Paul A, à la Société nationale des chemins de fer français et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.
Copie en sera adressée pour information à la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement.