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23/12/2011 | FRANCE | N°327112

France | France, Conseil d'État, 7ème sous-section jugeant seule, 23 décembre 2011, 327112


Vu le pourvoi, enregistré le 15 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Zahia B née A, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0702714-1 du 18 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2007 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice d'une pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision attaquée et d'enjoindre au ministre de la défense de lui vers

er la pension de réversion à compter du 12 mars 1997 ;

Vu les autres pièces du...

Vu le pourvoi, enregistré le 15 avril 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté pour Mme Zahia B née A, demeurant ... ; Mme B demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement n° 0702714-1 du 18 décembre 2008 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision du 7 juin 2007 du ministre de la défense rejetant sa demande tendant au bénéfice d'une pension de réversion ;

2°) réglant l'affaire au fond, d'annuler la décision attaquée et d'enjoindre au ministre de la défense de lui verser la pension de réversion à compter du 12 mars 1997 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 de finances pour 1960 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002 ;

Vu la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 et notamment son article 211 ;

Vu la décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010 du Conseil constitutionnel ;

Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Francis Girault, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme B,

- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Odent, Poulet, avocat de Mme B ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B, née A, a demandé par courrier notifié à l'administration le 30 janvier 2006 à bénéficier de la pension de réversion de veuve à la suite du décès de son mari le 12 mars 1997, le brigadier-chef Chihaiti, ressortissant marocain ancien militaire de l'armée française, titulaire d'une pension militaire de retraite après sa radiation des cadres intervenue le 16 juillet 1953 ; que le bénéfice de cette pension lui a été refusé par la décision en date du 7 juin 2007 du ministre de la défense au motif que les conditions d'antériorité posées par les termes de l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite issu de la loi du 20 septembre 1948, applicables alors à son cas, n'étaient pas satisfaites; que le tribunal administratif de Poitiers, saisi par Mme B, a, par jugement du 18 décembre 2008, rejeté sa demande d'annulation de cette décision ; que Mme B se pourvoit à l'encontre de ce jugement ;

Considérant que par sa décision n° 2010-1 QPC du 28 mai 2010, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les dispositions de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002, à l'exception de celles de son paragraphe VII ; que, à la suite de cette décision, l'article 211 de la loi du 29 décembre 2010 de finances pour 2011 a défini de nouvelles dispositions pour le calcul des pensions militaires d'invalidité, des pensions civiles et militaires de retraite et des retraites du combattant servies aux ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, et abrogé plusieurs dispositions législatives, notamment celles de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 portant loi de finances pour 1960 ; que, par ailleurs, son paragraphe VI prévoit que le présent article est applicable aux instances en cours à la date du 28 mai 2010, la révision des pensions prenant effet à compter de la date de réception par l'administration de la demande qui est à l'origine de ces instances ; qu'enfin, aux termes du XI du même article : Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2011 ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au législateur de prévoir une application aux instances en cours à la date de sa décision des dispositions qu'il adopterait en vue de remédier à l'inconstitutionnalité constatée ; que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 ne se borne pas à déterminer les règles de calcul des pensions servies aux personnes qu'il mentionne, mais abroge aussi des dispositions qui définissent, notamment, les conditions dans lesquelles est ouvert le droit à une pension de réversion ; qu'ainsi, alors même qu'il mentionne seulement la révision des pensions , le paragraphe VI de l'article 211 précité doit être regardé comme s'appliquant aussi aux demandes de pension de réversion ;

Considérant que, pour statuer sur la demande de pension de réversion présentée par Mme B par le jugement attaqué du 18 décembre 2008, le tribunal administratif de Poitiers s'est exclusivement fondé sur les dispositions de l'article 68 de la loi de finances rectificative pour 2002 ; qu'afin de préserver l'effet utile de la décision du Conseil constitutionnel à la solution de l'instance ouverte par la demande de Mme B, en permettant au juge du fond de remettre en cause, dans les conditions et limites définies par le paragraphe VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les effets produits par les dispositions mentionnées ci-dessus, il incombe au juge de cassation, après avoir sursis à statuer comme l'y invitait la décision du Conseil constitutionnel, d'annuler, sans qu'il soit besoin pour lui d'examiner les moyens du pourvoi dont il est saisi, le jugement attaqué en tant qu'il a statué sur la pension de réversion de Mme B ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler dans cette mesure l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

En ce qui concerne le droit à pension de réversion de Mme B pour la période postérieure au 30 janvier 2006 :

Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les dispositions de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 et celles de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002, qui définissaient, à la date de la décision attaquée, les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion était ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, ont été abrogées à compter du 1er janvier 2011, les premières par l'article 211 de la loi de finances pour 2011, les secondes par la décision du Conseil constitutionnel du 28 mai 2010 ; qu'en application du VI de l'article 211 de la loi de finances pour 2011, dont la portée a été précisée ci-dessus, il y a lieu d'écarter ces dispositions législatives pour statuer sur le droit à pension de réversion de Mme B à compter de la date de réception de sa demande par l'administration, soit à compter du 30 janvier 2006 ;

Considérant, d'une part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 n'ayant substitué aucune disposition nouvelle à celles qui doivent ainsi être écartées pour définir les conditions dans lesquelles un droit à pension de réversion est ouvert à la veuve d'un ayant droit étranger, il y a lieu de faire application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite relatives aux pensions des ayants cause applicables à la date du décès de l'ayant droit ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 39 du code des pensions civiles et militaires de retraite, dans sa rédaction en vigueur le 12 mars 1997 : Le droit à pension de veuve est subordonné à la condition : / a) Si le mari a obtenu ou pouvait obtenir une pension accordée dans le cas prévu à l'article L. 4 (1°), que depuis la date du mariage jusqu'à celle de la cessation de l'activité du mari, celui-ci ait accompli deux années au moins de services valables pour la retraite, sauf si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage antérieur à ladite cessation ; (...) / Nonobstant les conditions d'antériorité prévues ci-dessus, le droit à pension de veuve est reconnu : 1° Si un ou plusieurs enfants sont issus du mariage ; (...). ;

Considérant que deux enfants au moins sont issus du mariage transcrit à

l'état civil le 16 juillet 1953 entre Mlle Zahia A et M. Mohammed Chihaiti ; que, par suite, le ministre de la défense n'est pas fondé à soutenir, pour refuser le bénéfice de la pension de réversion à Mme B, qu'eu égard à la date de son mariage avec M. Mohammed Chihaiti, cette dernière ne peut prétendre au bénéfice d'une pension de réversion ; qu'ainsi, Mme B remplit les conditions prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite pour l'obtention d'une pension de veuve ; que sa demande de versement d'une pension de réversion du chef de son mari décédé a été reçue par l'administration le 30 janvier 2006 ; que Mme B, dont les conclusions présentées par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation sont recevables, est donc fondée à demander à bénéficier d'une telle pension à compter de cette date ;

Considérant, d'autre part, que l'article 211 de la loi de finances pour 2011 prévoit de nouvelles règles pour le calcul du montant des pensions des personnes qu'il mentionne ; que ces règles sont applicables pour le calcul de la pension de Mme B ; que les arrérages de cette pension doivent porter intérêt au taux légal à compter de la demande de Mme B, le 30 janvier 2006 ;

En ce qui concerne le droit à pension de réversion pour la période antérieure au 30 janvier 2006 :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 71 de la loi du 26 décembre 1959 : A compter du 1er janvier 1961, les pensions, rentes ou allocations viagères imputées sur le budget de l'Etat ou d'établissements publics dont sont titulaires les nationaux des pays ou territoires ayant appartenu à l'Union française ou à la Communauté, ou ayant été placés sous le protectorat ou la tutelle de la France, seront remplacées, pendant la durée normale de leur jouissance personnelle, par des indemnités annuelles en francs, calculées sur la base des tarifs en vigueur pour lesdites allocations ou pensions, à la date de leur transformation ; qu'aux termes de l'article 68 de la loi du 30 décembre 2002 portant loi de finances rectificative pour 2002 : I. - Les prestations servies en application des articles (...) 71 de la loi de finances pour 1960 (...) sont calculées dans les conditions prévues aux paragraphes suivants./ (...) / VI. - Les prestations servies en application des textes visés au I peuvent faire l'objet, à compter du 1er janvier 2002 et sur demande, d'une réversion. L'application du droit des pensions aux intéressés et la situation de famille sont appréciées à la date d'effet des dispositions visées au I pour chaque Etat concerné ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que le droit à la réversion d'une pension militaire de retraite versée à un ressortissant marocain en application du I de l'article 71 de la loi n° 59-1454 du 26 décembre 1959 s'apprécie au regard de la réglementation en vigueur le 1er janvier 1961, et non au regard de la réglementation applicable à la date du décès de l'ayant droit ; qu'à la date du 1er janvier 1961, l'article L. 64 du code des pensions civiles et militaires de retraite excluait du droit à pension de réversion les veuves dont le mariage avait été célébré moins de 2 ans avant la cessation d'activité du conjoint titulaire de la pension, sans tenir compte de ce que des enfants seraient issus du mariage ; que Mme B, dont le mariage a été transcrit à l'état-civil le 16 juillet 1953, soit moins de 2 ans avant la radiation des cadres de l'armée française de son mari intervenue le 28 mai 1955, n'établit pas que son mariage doit être regardé comme ayant effectivement été conclu en août 1952 ; que, par suite, elle ne remplit pas la condition d'antériorité exigée par l'article L. 64 applicable en 1961 ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de ses conclusions, elle n'a pas droit, pour la période antérieure à sa demande en date du 30 janvier 2006, à une pension de réversion de veuve ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers en date du 18 décembre 2008 est annulé.

Article 2 : La décision du ministre de la défense du 7 juin 2007 est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B une pension de réversion du chef de son époux à compter du 30 janvier 2006 dans les conditions fixées par la présente décision, les arrérages de sa pension portant intérêts au taux légal à compter de cette même date.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande de Mme B devant le tribunal administratif de Poitiers est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Zahia B née A, au ministre de la défense et des anciens combattants et à la ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 7ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 327112
Date de la décision : 23/12/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2011, n° 327112
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Rémy Schwartz
Rapporteur ?: M. Francis Girault
Rapporteur public ?: M. Bertrand Dacosta
Avocat(s) : SCP ODENT, POULET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:327112.20111223
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