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11/07/2011 | FRANCE | N°338626

France | France, Conseil d'État, 4ème sous-section jugeant seule, 11 juillet 2011, 338626


Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 avril et 21 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/01821 du 9 mars 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Colmar a confirmé le jugement du 5 décembre 2008 du tribunal départemental des pensions du Haut-Rhin accordant à M. Dominique A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au grade d'adjudant de l'armée de terre, en fo

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Vu le pourvoi et le mémoire complémentaire, enregistrés les 13 avril et 21 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le MINISTRE DE LA DEFENSE ; le MINISTRE DE LA DEFENSE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt n° 09/01821 du 9 mars 2010 par lequel la cour régionale des pensions de Colmar a confirmé le jugement du 5 décembre 2008 du tribunal départemental des pensions du Haut-Rhin accordant à M. Dominique A la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, calculée initialement au grade d'adjudant de l'armée de terre, en fonction de l'indice afférent au grade équivalent de premier maître de la marine nationale ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

Vu le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Vu le décret n° 56-913 du 5 septembre 1956 ;

Vu le décret n° 59-327 du 20 février 1959 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Eoche-Duval, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. A,

- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Delvolvé, Delvolvé, avocat de M. A,

Sur la fin de non-recevoir opposée par M. A :

Considérant que, par décision du 15 septembre 2009, régulièrement publiée le 17 octobre 2009 au Journal officiel de la République française, M. Alain B, administrateur civil, alors adjoint au sous-directeur du contentieux au sein de la direction des affaires juridiques du ministère de la défense, avait reçu de la directrice des affaires juridiques délégation pour signer, au nom du ministre, tous actes, arrêtés et décisions, à l'exclusion des décrets, dans la limite des attributions de la sous-direction du contentieux ; qu'il était ainsi compétent pour signer, le 13 avril 2010, les pourvois en cassation contre les arrêts de cours régionales des pensions ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. A, tirée de l'incompétence du signataire du pourvoi, doit être écartée ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt attaqué :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 24 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, alors en vigueur : Les pensions militaires prévues par le présent code sont liquidées et concédées (...) par le ministre des anciens combattants et des victimes de guerre ou par les fonctionnaires qu'il délègue à cet effet (...) ; que, d'une part, en vertu de l'article 5 du décret du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions, l'intéressé dispose d'un délai de six mois pour contester, devant le tribunal départemental des pensions, la décision prise sur ce fondement ; que d'autre part, aux termes de l'article L. 78 du même code : Les pensions définitives ou temporaires attribuées au titre du présent code peuvent être révisées dans les cas suivants : / 1° Lorsqu'une erreur matérielle de liquidation a été commise. / 2° Lorsque les énonciations des actes ou des pièces sur le vu desquels l'arrêté de concession a été rendu sont reconnues inexactes soit en ce qui concerne le grade, le décès ou le genre de mort, soit en ce qui concerne l'état des services, soit en ce qui concerne l'état civil ou la situation de famille, soit en ce qui concerne le droit au bénéfice d'un statut légal générateur de droits. / Dans tous les cas, la révision a lieu sans condition de délai (...) ;

Considérant que le décalage défavorable entre l'indice de la pension servie à un ancien sous-officier de l'armée de terre, de l'armée de l'air ou de la gendarmerie et l'indice afférent au grade équivalent au sein des personnels de la marine nationale, lequel ne résulte ni d'une erreur matérielle dans la liquidation de sa pension, ni d'une inexactitude entachant les informations relatives à sa personne, notamment quant au grade qu'il détenait ou au statut générateur de droit auquel il pouvait légalement prétendre, ne figure pas au nombre des cas permettant la révision, sans condition de délai, d'une pension militaire d'invalidité ; qu'ainsi, la demande présentée par le titulaire d'une pension militaire d'invalidité, concédée à titre temporaire ou définitif sur la base du grade que l'intéressé détenait dans l'armée de terre, l'armée de l'air ou la gendarmerie, tendant à la revalorisation de cette pension en fonction de l'indice afférent au grade équivalent applicable aux personnels de la marine nationale, doit être formée dans le délai de six mois fixé par l'article 5 du décret du 20 février 1959 ; que passé ce délai de six mois ouvert au pensionné pour contester l'arrêté lui concédant sa pension, l'intéressé ne peut demander sa révision que pour l'un des motifs limitativement énumérés aux 1° et 2° de cet article L. 78 ;

Considérant que, si M. A excipe de la méconnaissance, par les dispositions de l'article L. 78 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention garantissant le droit à un recours effectif devant une juridiction, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, par suite, être utilement invoqué ; qu'au demeurant, les dispositions en cause s'appliquent aux pensionnés comme à l'administration ; que si elles prémunissent cette dernière contre des contestations tardives pour des motifs autres que les erreurs et omissions matérielles évoquées ci-dessus, elles garantissent réciproquement aux titulaires de pensions d'invalidité que leurs droits ne pourront être remis en cause par l'administration, sans condition de délai, pour des erreurs de droit ; qu'en tout état de cause, elles ne font pas obstacle à ce que les pensionnés puissent, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, faire valoir utilement leurs droits devant la juridiction des pensions, pour quelque motif que ce soit, dans le délai de recours prévu par l'article 5 du décret du 20 février 1959, dont la durée de six mois, dérogatoire au droit commun, n'apparaît pas manifestement insuffisante à cet effet ; que, par suite, ces dispositions ne sont pas contraires aux stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du premier protocole additionnel à cette convention garantissant le droit à un recours effectif devant une juridiction ; que, par ailleurs, en dehors des cas et conditions prévus par le chapitre II bis du titre II de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, relatif à la question prioritaire de constitutionnalité, il n'appartient pas au juge administratif d'apprécier la constitutionnalité de dispositions législatives du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'en faisant droit à la demande de M. A tendant à la revalorisation de sa pension militaire d'invalidité, sans examiner si l'intéressé était recevable, eu égard à la date et aux conditions de la notification de l'arrêté lui ayant concédé sa pension, à solliciter la revalorisation de cette dernière pour le motif tiré de l'illégalité de la différence de traitement pratiquée entre les sous-officiers de la marine nationale et ceux des autres armées, la cour régionale des pensions de Colmar a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, le MINISTRE DE LA DEFENSE est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de renvoyer l'affaire devant la cour régionale des pensions de Besançon ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour régionale des pensions de Colmar du 9 mars 2010 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour régionale des pensions de Besançon.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE LA DEFENSE ET DES ANCIENS COMBATTANTS et à M. Dominique A.


Synthèse
Formation : 4ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 338626
Date de la décision : 11/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux des pensions

Publications
Proposition de citation : CE, 11 jui. 2011, n° 338626
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Marc Dandelot
Rapporteur ?: M. Christophe Eoche-Duval
Rapporteur public ?: Mme Gaëlle Dumortier
Avocat(s) : SCP DELVOLVE, DELVOLVE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2011:338626.20110711
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