Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 8 février et 30 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SAS FINANCIERE LAFARGE, dont le siège est situé 61 rue des Belles Feuilles à Paris (75016) ; la SAS FINANCIERE LAFARGE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt n° 06VE01060 du 17 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement n° 0500515 du 9 mars 2006 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 et 1999, d'autre part, à ce que lui soit accordée ladite décharge ;
2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Pauline Flauss, chargée des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la SAS FINANCIERE LAFARGE,
- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Lesourd, avocat de la SAS FINANCIERE LAFARGE ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'une vérification de comptabilité diligentée à l'encontre de la SA LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE qui a porté sur la période du 1er janvier 1998 au 31 décembre 1999, l'administration fiscale a remis en cause la comptabilisation en charges d'exploitation de frais d'enregistrement et de renouvellement de marques à l'institut national de la propriété intellectuelle ainsi que de divers frais engagés au profit d'autres sociétés du groupe qui n'ont pas fait l'objet d'une refacturation à ces dernières ; que l'administration, constatant également que la société avait comptabilisé au cours de l'exercice 1999 pour un montant de 3 753 000 F la refacturation de charges d'exploitation relatives à diverses dépenses engagées pour le compte d'autres sociétés a estimé que les sommes correspondantes devaient être regardées comme des ventes et prestations de services concourant à la détermination de la production de l'exercice, à prendre en compte pour la détermination de la valeur ajoutée au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; qu'à la suite de la réintégration de ces charges dans les bénéfices imposables de la société et de la rectification du calcul de la valeur ajoutée, l'administration a partiellement remis en cause les dégrèvements que la société avait obtenus au titre du plafonnement de ses cotisations de taxe professionnelle pour les années 1998 et 1999 ; qu'après rejet de ses réclamations dirigées contre les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années concernées, la SA LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE a saisi la juridiction administrative du litige l'opposant à l'administration ; que la SAS FINANCIERE LAFARGE, venant aux droits de la SA LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE, se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 9 mars 2006 du tribunal administratif de Versailles rejetant sa demande en décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1998 et 1999 ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : I. Sur demande du redevable, la cotisation de taxe professionnelle de chaque entreprise est plafonnée en fonction de la valeur ajoutée produite au cours de l'année au titre de laquelle l'imposition est établie ou au cours du dernier exercice de douze mois clos au cours de cette même année lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. La valeur ajoutée est définie selon les modalités prévues au II. / (...) II. 1. La valeur ajoutée mentionnée au I est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers constaté pour la période définie au I. / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / D'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / Et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion. (...). ; qu'aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III au même code : Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt. ; que les dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée en fonction de laquelle sont plafonnées les cotisations de taxe professionnelle et qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SA LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE a comptabilisé au cours de l'exercice 1999 pour un montant de 3 753 000 F des charges d'exploitation relatives à diverses dépenses engagées pour le compte d'autres sociétés ; qu'elle a neutralisé ces dépenses en inscrivant leur refacturation au compte de transfert de charges ; que la cour administrative d'appel a relevé dans les motifs de son arrêt que ces refacturations constituaient, pour l'application à la société des dispositions précitées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, des ventes et prestations de services concourant à la détermination de la production de l'exercice et auraient pu être comptabilisées comme telles par cette société ; que la cour administrative d'appel a pu, sans commettre d'erreur de droit au regard de la loi fiscale ni méconnaître le principe de liberté de gestion de l'entreprise, déduire des faits qu'elle a ainsi exactement qualifiés, par un arrêt suffisamment motivé, que la circonstance que les refacturations de la SA LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE à ses filiales avaient été enregistrées dans ses écritures au compte transfert de charges ne faisait pas obstacle à ce que ces sommes fussent, en l'absence de fixation de règles de nature fiscale au sens de l'articles 34 de la Constitution par le plan comptable alors applicable, et sans méconnaître les dispositions combinées de l'article 1647 B sexies du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe III au même code, prises en compte, pour le calcul de la valeur ajoutée de l'entreprise, au nombre des produits d'exploitation ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SAS FINANCIERE LAFARGE s'est bornée à soutenir, à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle liées à la réintégration dans la valeur ajoutée des frais d'enregistrement et de renouvellement de marques et des dépenses prises en charge au profit d'autres sociétés du groupe et non refacturées à ces dernières, que les réintégrations opérées par l'administration au titre de ces deux catégories de dépenses pour la détermination du bénéfice imposable de la société étaient sans incidence sur la régularité de ses écritures comptables et ne pouvaient justifier une rectification de la cotisation de taxe professionnelle par l'administration fiscale ; que la cour a répondu à ce moyen dans son arrêt en jugeant que la circonstance que, pour calculer la valeur ajoutée produite par l'entreprise au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, l'administration doive se reporter aux normes comptables dans leur rédaction en vigueur lors de l'année de l'imposition concernée ne faisait pas obstacle à ce qu'elle puisse contrôler l'exactitude des montants déclarés en charge et réintégrer des sommes qui ne pouvaient être regardées comme des charges d'exploitation ; qu'elle n'a pas dénaturé les pièces du dossier en relevant que la société requérante ne présentait par ailleurs aucune autre argumentation à l'encontre des deux catégories de réintégrations précitées ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales : La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration : (...) a pris formellement position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal (...) ; que le premier alinéa de l'article L. 80 A dispose que : Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ; que le rejet partiel par l'administration des réclamations présentées par la SOCIETE LAFARGE MATERIAUX DE SPECIALITE tendant au plafonnement de ses cotisations de taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée ne constituait pas un rehaussement d'impositions antérieures au sens des dispositions de l'article L. 80 A précité ; que la société requérante ne peut se prévaloir, sur le seul fondement des dispositions précitées de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, de l'appréciation de fait figurant formellement dans cette décision de dégrèvement ; que ce motif, qui répond à un moyen invoqué devant le juge du fond et qui ne comporte l'appréciation d'aucune circonstance de fait peut, en tout état de cause, être substitué au motif retenu par l'arrêt attaqué par lequel la cour a écarté le moyen soulevé tiré de ce que les dégrèvements opérés par l'administration au titre du plafonnement de la taxe professionnelle en fonction de la valeur ajoutée constituent des prises de position qui lui étaient opposables ;
Considérant, en dernier lieu, que la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à invoquer une méconnaissance par l'administration du principe de sécurité juridique consacré par le droit communautaire à l'encontre de cotisations de taxe professionnelle uniquement régies par la loi fiscale interne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS FINANCIERE LAFARGE n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SAS FINANCIERE LAFARGE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SAS FINANCIERE LAFARGE est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SAS FINANCIERE LAFARGE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.