Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 mai et 2 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE, dont le siège est au Rive de France 100-104 avenue de France à Paris (75013) ; la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 08MA05052 du 20 avril 2010 par laquelle le juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a, d'une part, rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 0805906 du 1er décembre 2008 du président du tribunal administratif de Toulon statuant en application des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'autre part, ramené à 1 259,77 euros l'indemnité globale de 12 842,65 euros que l'Etat a été condamné à lui verser pour perte de loyers et charges pour la période du 1er janvier 2006 au 10 juillet 2007 ;
2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Frédéric Desportes, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1253 du code civil : " Le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu'il paye, quelle dette il entend acquitter " ; qu'aux termes de l'article 1256 du même code : " Lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt à acquitter entre celles qui sont pareillement échues (...) Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne " ;
Considérant que l'ordonnance attaquée du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille a ramené de 12 842,65 euros à 1 259,77 euros la provision que le juge des référés du tribunal administratif de Toulon avait condamné l'Etat à verser à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE à raison du préjudice subi par celle-ci, pour la période allant du 1er janvier 2006 au 10 juillet 2007, à la suite du refus de faire droit à sa demande de concours de la force publique pour expulser le locataire d'un logement lui appartenant à Toulon ; que le juge d'appel a estimé que la fraction non sérieusement contestable de la créance de la société sur l'Etat devait être ramenée à ce montant, au motif que, le litige entre le propriétaire et le locataire ayant porté sur le refus de ce dernier de s'acquitter des hausses des loyers qui lui avaient été imposées depuis juin 2003, les paiements qu'il avait effectués mensuellement pendant la période de responsabilité de l'Etat pour un montant correspondant à celui des surloyers réclamés par la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE devaient être imputés sur la fraction de la créance de celle-ci constituée durant la période au cours de laquelle ils étaient intervenus et non sur la dette accumulée à l'égard du bailleur au début de cette période ; qu'en procédant de la sorte, sans rechercher si le locataire avait désigné quelle dette il entendait acquitter en priorité et alors que les dettes accumulées par lui au cours des différentes périodes, procédant d'un même bail, étaient de même nature, le juge des référés a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire en référé ;
Sur la période de responsabilité :
Considérant, que si le ministre fait valoir, par la voie de l'appel incident, que la période de responsabilité de l'Etat retenue par l'ordonnance attaquée s'est achevée le 29 juin 2007, date d'octroi du concours de la force publique par décision du préfet du Var, et non le 10 juillet 2007, date de réalisation effective de l'expulsion, c'est à bon droit que le premier juge a estimé que la période de responsabilité de l'Etat avait couru du 1er janvier 2006 au 10 juillet 2007, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que le délai écoulé entre la date d'octroi du concours de la force publique et sa mise en oeuvre ait été imputable à des carences de la société appelante ou de l'huissier dans la mise en oeuvre des aspects matériels de l'opération qui leur incombait ;
Sur le montant de la provision :
Considérant, en premier lieu, que les versements faits par le locataire durant la période de responsabilité de l'Etat, pour un montant inférieur au montant de la dette dont il était redevable envers la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE au début de la période de responsabilité de l'Etat, dont le débiteur n'a pas indiqué quelle dette ils venaient éteindre et qui correspondent à des majorations de loyers, ne peuvent être imputés sur la fraction de la créance de la société constituée durant la période au cours de laquelle ces paiements sont intervenus ; qu'il s'ensuit que, contrairement à ce que soutient le ministre, la fraction non sérieusement contestable de la créance de la société sur l'Etat ne peut se limiter à la différence entre la somme des loyers de base et des charges dus au titre de la période de responsabilité, d'une part, et les versements effectués par le locataire au cours de cette période, d'autre part ;
Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la créance revendiquée par la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE porte sur une dette incluant des loyers de base et des surloyers imposés au locataire depuis qu'il ne remplissait plus les conditions pour bénéficier d'un loyer réduit ; qu'il n'est pas certain, en l'état du dossier, qu'ils correspondent au prix auquel la requérante aurait pu relouer le logement ; que, dès lors, c'est à bon droit que, compte tenu des limites de son office, le juge des référés du tribunal administratif de Toulon a estimé il n'était pas en mesure de s'assurer du caractère non sérieusement contestable de la totalité de cette créance, et n'a en conséquence pas accordé à la requérante l'intégralité de la provision demandée en ne retenant, comme constituant pour l'Etat une obligation non sérieusement contestable, que la somme représentative des loyers de base et des charges dues par le locataire ; que la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE n'est par suite pas fondée à demander que la provision qui lui a été accordée soit portée à 28 469,91 euros ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que demande la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens devant le Conseil d'Etat et devant la cour administrative d'appel de Marseille ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance n° 08MA05052 du juge des référés de la cour administrative d'appel de Marseille du 20 avril 2010 est annulée.
Article 2 : La requête d'appel de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE et les conclusions d'appel incident présentées par le ministre de l'intérieur, de l'outre mer et des collectivités territoriales sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE NATIONALE IMMOBILIERE et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.