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23/12/2010 | FRANCE | N°309331

France | France, Conseil d'État, 9ème et 10ème sous-sections réunies, 23 décembre 2010, 309331


Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 12 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 04LY01394 et 04LY01544 du 12 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus de son recours tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n°s 0102290, 0201669 et 0304820 du 29 juin 2004 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Princesse de Provence GmbH and co KG des rappels d

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Vu le pourvoi du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, enregistré le 12 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 3 de l'arrêt n° 04LY01394 et 04LY01544 du 12 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a rejeté le surplus de son recours tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement n°s 0102290, 0201669 et 0304820 du 29 juin 2004 par lequel le tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Princesse de Provence GmbH and co KG des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994, en tant que cette décharge concerne le surcroît de chiffre d'affaires relatif aux forfaits croisières révélé par les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977 modifiée par la directive 79/1070/CEE du 6 décembre 1979 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 81-1179 du 31 décembre 1981 ;

Vu le décret n° 82-661 du 28 juillet 1982 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matthieu Schlesinger, Auditeur,

- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la Société Princesse de Provence GmbH and co KG,

- les conclusions de M. Pierre Collin, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de la Société Princesse de Provence GmbH and co KG ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de deux vérifications de comptabilité portant respectivement, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur les périodes du 1er janvier 1992 au 31 juillet 1995 et du 1er janvier 1997 au 30 avril 2000, la société allemande Princesse de Provence GmbH and co KG, qui organisait des croisières fluviales sur le Rhône et la Saône, a été assujettie à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis en recouvrement par trois avis, en date du 21 décembre 1998, pour la période du 1er janvier 1992 au 31 juillet 1995, et des 20 juillet 2001 et 28 juin 2002, pour la période du 1er janvier 1997 au 30 avril 2000 ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 12 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 29 juin 2004 du tribunal administratif de Lyon déchargeant la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994, en tant que cette décharge concerne le surcroît de chiffre d'affaires relatif aux forfaits croisières révélé par les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande ; que, par la voie d'un pourvoi incident, la société Princesse de Provence GmbH and co KG demande l'annulation du même arrêt, en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa requête tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui restaient à sa charge ;

Sur le pourvoi principal :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977, modifiée par la directive 79/1070/CEE du 6 décembre 1979, concernant l'assistance mutuelle des autorités compétentes des Etats membres dans le domaine des impôts directs et de la taxe sur la valeur ajoutée : 1. Les autorités compétentes des Etats membres échangent, conformément à la présente directive, toutes les informations susceptibles de leur permettre l'établissement correct des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; qu'aux termes de l'article L. 114 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : Sous réserve de réciprocité, les administrations financières peuvent communiquer aux administrations des Etats membres de la Communauté économique européenne des renseignements pour l'établissement et le recouvrement des impôts sur le revenu et sur la fortune ainsi que de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ; qu'aux termes de l'article R. 114 A-3 du même livre : L'administration française utilise les renseignements reçus de l'administration d'un autre Etat membre de la Communauté économique européenne dans les conditions et limites prévues aux articles L. 103 et suivants. / Toutefois, sur demande de l'administration de l'autre Etat, elle respecte les conditions plus strictes prévues à des fins internes par la législation de cet Etat ;

Considérant que ces dispositions, notamment, assurent la transposition des dispositions du paragraphe 1 de l'article 1er de la directive précitée, en ce qui concerne la possibilité pour l'administration fiscale française respectivement de communiquer des renseignements aux administrations des autres Etats membres et d'utiliser les renseignements reçus d'un autre Etat membre ; que, par suite, en jugeant que les autorités de l'Etat ne pouvaient se prévaloir des dispositions du paragraphe 1 de l'article 1er de la directive précitée au motif qu'elles n'avaient pas été transposées en droit interne, la cour administrative d'appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, le ministre est fondé à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt qu'il attaque, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 29 juin 2004 du tribunal administratif de Lyon déchargeant la société des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994, en tant que cette décharge concerne le surcroît de chiffre d'affaires relatif aux forfaits croisières révélé par les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande ;

Sur le pourvoi incident :

Considérant, en premier lieu, que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que l'avis de vérification, les notifications de redressement et l'avis de mise en recouvrement en litige avaient été régulièrement adressés à M. Maury, représentant fiscal de la société en France, quand bien même il n'aurait pas été expressément indiqué sur chacun de ces documents qu'ils lui étaient adressés en sa qualité de représentant fiscal de cette société en France ;

Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier en jugeant que la société n'avait pas produit d'éléments permettant d'apprécier la réalité et le montant des commissions qu'elle affirmait avoir versées à des agences de voyage commercialisant les croisières qu'elle organisait, et dont elle soutenait qu'elles ne devaient pas être prises en compte dans la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la cour pouvait, sans commettre d'erreur de droit, écarter par ce motif le moyen de la société, sans se prononcer sur la nature des commissions litigieuses ;

Considérant, en troisième lieu, que si la société critique les motifs par lesquels la cour a jugé que l'administration avait à bon droit estimé que les services de restauration effectués à bord de son bateau par la société italienne Ligabue Catering S.P.A., de 1993 à 1997, ou par elle-même, en 1998 et 1999, devaient être assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en France, elle n'est recevable à demander l'annulation de l'arrêt qu'en tant qu'il porte sur la période du 1er janvier 1992 au 31 juillet 1995 couverte par le même avis de mise en recouvrement que celui en cause dans le pourvoi du ministre ; que, s'agissant de cette période, l'arrêt attaqué a confirmé la décharge prononcée par le tribunal administratif de Lyon de l'ensemble des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société au titre des années 1993 et 1994 et a donné acte à celle-ci de son désistement de ses conclusions en décharge s'agissant des rappels de taxe collectée pour les prestations de service de la société Ligabue Catering S.P.A au titre de 1995, à la suite d'un dégrèvement prononcé par l'administration en cours d'instance ; qu'ainsi, la société, qui ne demande pas l'annulation de l'arrêt dans cette mesure, n'a pas intérêt à critiquer les motifs par lesquels la cour a statué sur ces rappels ; qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner les moyens correspondants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Princesse de Provence GmbH and co KG n'est pas fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt du 12 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon, en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa requête ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, dans la mesure de l'annulation prononcée ;

Considérant, d'une part, que, contrairement à ce que soutient la société Princesse de Provence GmbH and co KG et comme le ministre l'avait au demeurant déjà fait valoir en première instance, la demande adressée le 1er décembre 1995 par l'administration fiscale française à son homologue allemande était fondée, non seulement sur la convention fiscale franco-allemande du 21 juillet 1959, mais aussi sur la directive 77/799/CEE du 19 décembre 1977, modifiée par la directive 79/1070/CEE du 6 décembre 1979 ; que la circonstance que la demande ait eu ce double fondement, qui résultait de ce que les renseignements demandés ne concernaient pas uniquement des redressements éventuels en matière de taxe sur la valeur ajoutée, n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité ;

Considérant, d'autre part, qu'ainsi qu'il a été dit, l'article R. 114 A-3 du livre des procédures fiscales, pris pour la transposition en droit interne de la directive du 19 décembre 1977, permettait à l'administration fiscale française d'utiliser les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait valablement recueillir et utiliser les données en provenance de l'administration fiscale allemande pour décharger les impositions en litige ;

Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige, dans la limite de l'annulation prononcée, par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Princesse de Provence GmbH and co KG ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du I de l'article 289 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige : Lorsqu'une personne établie hors de France est redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou doit accomplir des obligations déclaratives, elle est tenue de faire accréditer auprès du service des impôts un représentant assujetti établi en France qui s'engage à remplir les formalités incombant à cette personne et, en cas d'opérations imposables, à acquitter la taxe à sa place. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que la personne établie hors de France qui a désigné un représentant assujetti établi en France demeure l'unique redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des opérations imposables qu'elle réalise ; que par suite, lorsque l'administration procède à des redressements à raison du non-paiement de cette taxe, elle doit établir les différents actes de la procédure au nom de la personne établie hors de France qui a réalisé les opérations imposables et les notifier à l'adresse de son représentant en France accrédité à la date de cette notification ; qu'il suit de là que la société Princesse de Provence GmbH and co KG n'est pas fondée à soutenir que la procédure de redressement aurait dû être conduite avec ses différents représentants successivement accrédités en fonction de la période d'imposition litigieuse ; que la circonstance que l'avis de vérification, les notifications de redressement et l'avis de mise en recouvrement en litige ont été notifiés à son intention à l'adresse de M. Maury, son représentant fiscal accrédité à la date de ces notifications, et non pas à M. Maury avec la mention de sa qualité de représentant fiscal, n'est pas plus de nature à entacher d'irrégularité la procédure ;

Considérant, en deuxième lieu, que la société n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le contenu de la documentation administrative 13 L-1513 du 1er avril 1995, qui est relatif à la procédure d'imposition et ne peut être regardé comme comportant une interprétation d'un texte fiscal au sens de l'article L. 80 A ;

Considérant, en troisième lieu, que, si la société soutient que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée doit être constituée par le prix de vente des croisières aux clients diminué des commissions versées aux agences de voyage qui commercialisent ces croisières, elle ne produit en tout état de cause aucun élément permettant d'apprécier la réalité et de connaître le montant de ces commissions ; que le moyen ne peut donc qu'être écarté ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement qu'il attaque, le tribunal administratif de Lyon a déchargé la société Princesse de Provence GmbH and co KG des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre du surcroît de chiffre d'affaires relatif aux forfaits croisières révélé par les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande pour la période allant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que demande la société Princesse de Provence GmbH and co KG au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 3 de l'arrêt du 12 juillet 2007 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé, en tant qu'il a rejeté les conclusions du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie tendant à l'annulation du jugement du 29 juin 2004 du tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il avait déchargé la société Princesse de Provence GmbH and co KG des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre du surcroît de chiffre d'affaires relatif aux forfaits croisières révélé par les renseignements obtenus de l'administration fiscale allemande pour la période du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994.

Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mentionnés à l'article 1er sont remis à la charge de la société Princesse de Provence GmbH and co KG.

Article 3 : Le pourvoi incident de la société Princesse de Provence GmbH and co KG et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 4 : Le jugement du 29 juin 2004 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à la société Princesse de Provence GmbH and co KG.


Synthèse
Formation : 9ème et 10ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 309331
Date de la décision : 23/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 23 déc. 2010, n° 309331
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Matthieu Schlesinger
Rapporteur public ?: M. Collin Pierre
Avocat(s) : SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:309331.20101223
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