Vu le pourvoi, enregistré les 23 décembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT ; le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt n° 07LY01571 du 3 novembre 2009 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon, faisant droit à la requête de M. et Mme A, a annulé le jugement n° 0601474-0602495 du tribunal administratif de Dijon du 10 mai 2007 rejetant leurs demandes tendant à la décharge, d'une part, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 et, d'autre part, de la cotisation supplémentaire de taxe d'habitation à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2005 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Nicolas Agnoux, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 375-3 du code civil : Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) / 2° A un autre membre de la famille ou à un tiers digne de confiance (...) ; qu'aux termes de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles : Le département prend en charge financièrement au titre de l'aide sociale à l'enfance, à l'exception des dépenses résultant de placements dans des établissements et services publics de la protection judiciaire de la jeunesse, les dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite de chaque mineur : 1° Confié par l'autorité judiciaire en application des articles 375-3, 375-5 et 433 du code civil à des personnes physiques, établissements ou services publics ou privés (...) ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 193 ter du code général des impôts : A défaut de dispositions spécifiques, les enfants ou les personnes à charge s'entendent de ceux dont le contribuable assume la charge d'entretien à titre exclusif ou principal, nonobstant le versement ou la perception d'une pension alimentaire pour l'entretien desdits enfants ; qu'aux termes de l'article 196 du même code : Sont considérés comme étant à la charge du contribuable, que celle-ci soit exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, à la condition de n'avoir pas de revenus distincts de ceux qui servent de base à l'imposition de ce dernier : / 1° Ses enfants âgés de moins de 18 ans ou infirmes ; / 2° Sous les mêmes conditions, les enfants qu'il a recueillis à son propre foyer ; que les enfants qui sont confiés à un tiers digne de confiance ne peuvent être regardés comme étant recueillis au foyer de ce contribuable au sens et pour l'application du 2° de l'article 196 du code général des impôts, lorsque ce dernier n'assure pas la charge exclusive tant de leur entretien que de leur éducation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement en date du 29 janvier 2002, le juge des enfants du tribunal de grande instance de Nevers, après avoir relevé la situation familiale dégradée dans laquelle évoluaient deux enfants, âgés de 13 et 15 ans, qui avaient trouvé pour partie refuge chez les parents de camarades scolaires, M. et Mme A, a ordonné le placement des enfants auprès de ces derniers, qu'il a désignés en qualité de tiers dignes de confiance pour une durée de deux ans, soit du 29 janvier 2002 au 29 janvier 2004, en précisant que les frais de placement seraient à leur charge et en accordant à la mère des deux enfants un droit de visite ; que, toutefois, M. et Mme A ont perçu au titre de chacun de ces deux enfants une indemnité d'un montant journalier de 11 euros par enfant en 2003 et 11,26 euros en 2004, versée par le département de la Nièvre et destinée, en application des dispositions précitées de l'article L. 228-3 du code de l'action sociale et des familles, à la prise en charge des dépenses d'entretien, d'éducation et de conduite des deux mineurs ; que, par suite, en jugeant, après avoir rappelé l'ensemble des faits énumérés ci-dessus, que ces deux enfants devaient être regardés comme étant recueillis au foyer de M. et Mme A au sens de l'article 196 du code général des impôts, sans qu'y fasse obstacle la perception de l'indemnité d'entretien versée par le département, dès lors que cette indemnité ne pouvait être regardée comme un revenu distinct dont les enfants placés seraient titulaires, la cour a commis une erreur de droit ; que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT est fondé, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme A ne peuvent être regardés comme ayant assuré la charge exclusive de l'entretien et de l'éducation des deux enfants, dès lors que le département de la Nièvre leur a versé au titre de ces enfants une allocation d'entretien en application de l'article L. 228-3 précité du code de l'action sociale et des familles ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a refusé de leur accorder un quotient familial de cinq parts pour le calcul de l'impôt sur le revenu au titre des années 2003 et 2004 et n'a pas retenu les deux enfants qui leur étaient confiés pour le calcul de la base nette d'imposition de la taxe d'habitation due au titre de l'année 2005 et pour l'application du plafonnement prévu à l'article 1414 A du code général des impôts, sans que les époux A puissent utilement invoquer à leur profit les dispositions précitées des articles 193 ter du code général des impôts en tant qu'elles portent sur le contribuable assurant la prise en charge des enfants à titre principal ; que, par suite, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, M. et Mme A ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande en décharge, tant en ce qui concerne l'impôt sur le revenu au titre des années 2003 et 2004 que la taxe d'habitation au titre de l'année 2005 ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. et Mme A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt en date du 3 novembre 2009 de la cour administrative d'appel de Lyon est annulé.
Article 2 : M. et Mme A sont rétablis au rôle de l'impôt sur le revenu à concurrence des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2003 et 2004 et au rôle de la taxe d'habitation au titre de l'année 2005.
Article 3 : La requête présentée par M. et Mme A devant la cour administrative d'appel de Lyon et leurs conclusions présentées devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT, PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT et à M. et Mme Jean-Claude A.