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10/12/2010 | FRANCE | N°308189

France | France, Conseil d'État, 10ème et 9ème sous-sections réunies, 10 décembre 2010, 308189


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 mai 2005 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des ann

ées 1990 à 1992 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 5 novembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Marie A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 16 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 mai 2005 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1990 à 1992 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Monod, Colin, avocat de M. A,

- les conclusions de M. Julien Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Monod, Colin, avocat de M. A ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A était le président-directeur général et détenait avec son épouse 34 % du capital de la SA Frangeul Diffusion, ayant pour activité le commerce de gros de bijoux et dont le siège social était situé dans le 3ème arrondissement de Paris ; que M. et Mme A détenaient également des parts de la SCI 103, rue du Temple, propriétaire de l'immeuble situé à cette adresse à Paris et ayant pour objet l'acquisition, la gestion et la mise en valeur des locaux de cet immeuble ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la SA Frangeul Diffusion et de la SCI 103, rue du Temple, l'administration a procédé au contrôle sur pièces de la situation personnelle de M. et Mme A au titre des années 1990, 1991 et 1992 ; qu'à la suite de ces contrôles, M. et Mme A ont été assujettis à des suppléments d'impôt sur le revenu au titre des années vérifiées assortis des intérêts de retard et, pour partie, de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du même code en cas de mauvaise foi ; que M. A se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2007 rejetant sa requête tendant à l'annulation du jugement du 13 mai 2005 du tribunal administratif de Paris en tant qu'il ne faisait pas entièrement droit à ses conclusions tendant à la décharge des compléments d'impôt litigieux ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts, sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code ; qu'aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ; qu'aux termes de l'article 111 du même code : Sont notamment considérés comme revenus distribués (...) / c) les rémunérations et avantages occultes (...) ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond et n'est pas contesté que la SA Frangeul Diffusion a mis à la disposition de son président-directeur général, durant les années d'imposition en litige, un appartement qui constituait la résidence principale du requérant et de son épouse et dont la société supportait les loyers, sans avoir inscrit explicitement en comptabilité, comme elle aurait dû le faire, la nature et la valeur de cet avantage ; que l'administration était ainsi fondée à imposer, sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts, cet avantage occulte entre les mains de son bénéficiaire dans la catégorie des revenus mobiliers, alors même qu'il aurait été consenti dans l'intérêt de l'entreprise ; que la cour n'a, en tout état de cause, pas dénaturé les faits qui lui étaient soumis en estimant que M. A n'établissait pas l'existence des sujétions particulières qu'il supportait en contrepartie de l'avantage procuré par la mise à disposition d'un appartement dont le loyer était pris en charge par la société ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'en cas d'acquisition d'un bien par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé relève d'une gestion anormale et doit être requalifié en libéralité constitutive d'une distribution de revenus ; que la preuve d'une telle distribution doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé et, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir une libéralité du fait des conditions de la cession ; qu'en décembre 1990, la SA Frangeul Diffusion a cédé à chacun des époux A dix parts de la SCI 103, rue du Temple au prix unitaire de 3 000 francs ; que l'administration a estimé que ce prix de cession avait été délibérément minoré et a imposé la libéralité correspondant à cet avantage occulte dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, après avoir estimé la valeur des parts de la SCI à la valeur vénale des locaux à usage de commerce ou de bureaux de l'immeuble situé 103, rue du Temple, selon la méthode de la superficie ; qu'en cours d'instance devant le tribunal administratif de Paris, l'administration a ramené de 1 525 000 francs à 184 199 francs l'insuffisance de déclaration de revenus de M. et Mme A, après avoir repris à son compte la valeur des parts de la SCI retenue par le tribunal de grande instance de Paris dans un litige distinct relatif aux droits d'enregistrement dus au titre de cette même cession, cette valeur ayant été déterminée selon la méthode du revenu avec application d'un coefficient d'abattement et d'un taux de capitalisation de 6,5 % ; que si M. A soutenait que ce taux de 6,5 % ne rendait pas compte des caractéristiques de l'immeuble détenu part la SCI s'agissant de sa surface, de son usage et de sa localisation et qu'il y avait lieu de retenir un taux de capitalisation de 9 %, c'est par une appréciation souveraine exempte de dénaturation que les juges d'appel ont estimé que ce taux de 6,5 % était suffisant ; que le moyen tiré de ce que la cour aurait commis sur ce point une erreur de droit ne peut par suite qu'être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 12, 13 et 83 du code général des impôts que sont à retenir dans l'assiette de l'impôt, au titre d'une année donnée, les revenus dont le contribuable a eu la disposition au cours de cette année ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour que des sommes représentatives de la part variable de rémunération due à M. A en exécution de son contrat de travail conclu avec la SA Frangeul Diffusion ont été inscrites dans un compte de frais à payer au cours des exercices 1990, 1991 et 1992 ; que M. A ayant déclaré ces sommes au titre de l'année de leur perception, l'administration a estimé qu'il en avait eu la disposition dès l'année de leur inscription dans les comptes de la société ; qu'en se bornant à relever que M. A était président-directeur général de la SA Frangeul Diffusion et détenait avec son épouse 34 % du capital de la société, pour en déduire qu'il avait participé de façon déterminante à la décision d'inscription des sommes en cause en charges à payer et devait être regardé en conséquence comme en ayant eu la disposition dès cette inscription, sans rechercher si cette participation lui permettait, compte tenu notamment de la répartition du reste du capital de la société, de déterminer en fait les décisions de la société, la cour administrative d'appel de Paris a commis une erreur de droit ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 48 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la présente procédure : A l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu ou d'une vérification de comptabilité, lorsque des redressements sont envisagés, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les redressements proposés, dans la notification prévue à l'article L. 57, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces redressements (...) ; que, pour écarter le moyen tiré de ce que l'administration ne lui avait pas fait connaître le montant des pénalités en méconnaissance de l'article L. 48 précité, la cour n'a pas dénaturé les faits, ni d'ailleurs commis d'erreur de droit, en jugeant que les redressements auxquels se rapportent les majorations pour mauvaise foi résultaient du contrôle sur pièces du dossier fiscal de M. et Mme A et n'étaient pas consécutifs à la vérification de comptabilité de la SA Frangeul Diffusion et de la SCI 103, rue du Temple, compte tenu de l'indépendance des procédures de contrôle ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de l'infraction : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; qu'en estimant que le contribuable avait bénéficié en toute connaissance de cause des avantages procurés par la prise en charge du loyer de son appartement par la SA Frangeul Diffusion et par l'achat à un prix fortement minoré des parts de la SCI 103, rue du Temple, la cour a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation ; qu'en déduisant de ces constatations que l'administration devait être regardée comme apportant la preuve de l'absence de bonne foi de M. A, la cour a exactement qualifié les faits de la cause ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant seulement qu'il concerne le redressement relatif aux primes salariales versées par la SA Frangeul Diffusion ; que M. A étant, dans la présente instance, la partie perdante pour l'essentiel, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne sauraient être accueillies ;

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 16 mai 2007 est annulé en tant qu'il concerne le redressement du revenu imposable des années 1990, 1991 et 1992 relatif aux primes salariales attribuées à M. A par la SA Frangeul Diffusion.

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de M. A est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Marie A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du Gouvernement.


Synthèse
Formation : 10ème et 9ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 308189
Date de la décision : 10/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 2010, n° 308189
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Martin
Rapporteur ?: M. Jean-Luc Matt
Rapporteur public ?: M. Boucher Julien
Avocat(s) : SCP MONOD, COLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:308189.20101210
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