Vu le mémoire, enregistré le 4 juin 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par M. Mathieu A, demeurant ..., en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ; M. A demande au Conseil d'Etat, à l'appui de sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2010 du ministre auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie, désignant l'office d'enregistrement chargé d'attribuer et de gérer les noms de domaine au sein des domaines de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'internet correspondant au .fr , de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions codifiées à l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, issues de l'article 24 de la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui ont servi de base légale à l'arrêté attaqué ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, notamment ses articles 11 et 17 ;
Vu la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 34 et 61-1 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
Vu l'article 45 du code des postes et des communications électroniques ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Henrard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Association française pour le nommage Internet en coopération,
- les conclusions de Mme Delphine Hédary, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de l'Association française pour le nommage Internet en coopération ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ; qu'il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
Considérant que les dispositions codifiées à l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques, issues de l'article 24 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, en tant qu'elles ont servi de base légale à l'arrêté du 19 février 2010 du ministre auprès de la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, chargé de l'industrie, désignant l'office d'enregistrement chargé d'attribuer et de gérer les noms de domaine au sein des domaines de premier niveau du système d'adressage par domaines de l'internet correspondant au .fr , sont applicables au présent litige au sens et pour l'application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 ; que si le Conseil constitutionnel, examinant la conformité à la Constitution de la loi du 9 juillet 2004, a déclaré, dans sa décision n°2004-497 DC du 1er juillet 2004, que cette loi, dont l'article 24 a créé et inséré dans le code des postes et des communications électroniques l'article L. 45, était conforme à la Constitution, il n'a cependant pas expressément examiné la constitutionnalité de ces dispositions dans les motifs de sa décision ; que le moyen tiré de ce que le législateur en s'abstenant d'exercer, en matière de règles applicables à l'attribution des noms de domaine de premier niveau correspondant au territoire national, la compétence qui lui est confiée par l'article 34 de la Constitution pour, respectivement, fixer les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques et pour déterminer les principes fondamentaux du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales, a méconnu la liberté d'expression garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les garanties fondamentales attachées à l'exercice du droit de propriété énoncées par l'article 17 de la même déclaration, soulève une question présentant un caractère sérieux ; qu'ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
D E C I D E :
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Article 1er : La question de la conformité à la Constitution de l'article L. 45 du code des postes et des communications électroniques est renvoyée au Conseil constitutionnel.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A jusqu'à ce que le Conseil constitutionnel ait tranché la question de constitutionnalité ainsi soulevée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Matthieu A, à l'Association française pour le nommage Internet en coopération, à l'Institut national de recherche en informatique et en automatique et à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.