Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Souad A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 mars 2008 par laquelle le Conseil national de l'ordre des médecins a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 25 octobre 2007 du conseil régional de l'ordre des médecins de Midi-Pyrénées, rejetant sa demande d'annulation de la décision de refus d'inscription au tableau du conseil départemental de l'ordre des médecins de la Haute-Garonne ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule et son article 55 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la déclaration de principe relative à la coopération culturelle du 19 mars 1962 publiée au Journal officiel du 20 mars 1962, notamment son article 5 ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Bethânia Gaschet, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du Conseil national de l'ordre des médecins ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Conseil national de l'ordre des médecins ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe que les visas de la décision du Conseil national de l'ordre des médecins statuant en matière d'inscription au tableau de l'ordre doivent porter mention des textes relatifs à sa composition ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence, dans les visas de la décision attaquée, de référence à des textes publiés relatifs à la composition de cette formation, doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la décision du Conseil national de l'ordre des médecins, statuant en matière d'inscription au tableau sur le recours administratif prévu par l'article L. 4112-4 du code de la santé publique, se substituant à celle du conseil régional de l'ordre des médecins, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie tant devant le conseil départemental que devant le conseil régional de l'ordre des médecins sont inopérants à l'appui de conclusions dirigées contre la décision du Conseil national ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4111-1 du code de la santé publique : Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme s'il n'est : / 1° Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné aux articles L. 4131-1, L. 4141-3 ou L. 4151-5. ; que, pour rejeter la demande d'inscription au tableau de l'ordre des médecins présentée par Mme A, de nationalité française, titulaire d'un diplôme de docteur en médecine délivré en 1997 par l'Institut national d'enseignement supérieur en sciences médicales d'Oran, le Conseil national de l'ordre des médecins s'est fondé, d'une part, sur le motif que ce diplôme n'était pas valable de plein droit en France sur le fondement de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie, faute d'application réciproque de cette déclaration par la partie algérienne, d'autre part, sur le motif que les attestations délivrées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur relatives à la valeur scientifique du diplôme de Mme A ne lui conféraient pas la qualité de l'un des diplômes mentionnés à l'article L. 4111-1 précité du code de la santé publique ;
Considérant qu'aux termes du 14e alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 : La République française, fidèle à ses traditions, se conforme aux règles du droit public international ; qu'au nombre de ces règles figure la règle pacta sunt servanda , qui implique que tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi ; qu'aux termes de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 : Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ; qu'il appartient au juge administratif, lorsqu'est soulevé devant lui un moyen tiré de ce qu'une décision administrative a à tort, sur le fondement de la réserve énoncée à l'article 55, soit écarté l'application de stipulations d'un traité international, soit fait application de ces stipulations, de vérifier si la condition de réciprocité est ou non remplie ; qu'à cette fin, il lui revient, dans l'exercice des pouvoirs d'instruction qui sont les siens, après avoir recueilli les observations du ministre des affaires étrangères et, le cas échéant, celles de l'Etat en cause, de soumettre ces observations au débat contradictoire, afin d'apprécier si des éléments de droit et de fait suffisamment probants au vu de l'ensemble des résultats de l'instruction sont de nature à établir que la condition tenant à l'application du traité par l'autre partie est, ou non, remplie ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 relative à la coopération culturelle entre la France et l'Algérie : Les grades et diplômes d'enseignement délivrés en Algérie et en France, dans les mêmes conditions de programmes, de scolarité et d'examen, sont valables de plein droit dans les deux pays. / Des équivalences entre les grades et diplômes délivrés en Algérie et en France, dans des conditions différentes de programmes, de scolarité ou d'examens, seront établies par voie d'accords particuliers ; que si le premier alinéa de cet article, qui produit des effets directs à l'égard des particuliers, ouvre le droit, dans le cas où un diplôme de médecine algérien a été délivré dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen que les diplômes de médecine français, à l'inscription au tableau de l'ordre des médecins en France dans les conditions prévues par l'article L. 4111-1 du code de la santé publique précité, ces stipulations ne créent aucune obligation, pour la France et l'Algérie, d'organiser des cursus identiques en termes de programme, de scolarité et d'examen ; que, par suite, la circonstance, avancée par l'administration et le Conseil national de l'ordre des médecins, selon laquelle, à compter de la fin des années mille neuf cent soixante, les conditions de programme, de scolarité et d'examen conduisant à la délivrance du diplôme de docteur en médecine auraient cessé d'être identiques dans les deux pays n'est pas de nature à établir que l'Algérie n'applique pas les stipulations précitées de la déclaration du 19 mars 1962 ; qu'il ne ressort ni des pièces du dossier, ni de l'audience d'instruction tenue par la quatrième sous-section de la section du contentieux du Conseil d'Etat, que des grades et diplômes d'enseignement de médecine délivrés en France dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen qu'en Algérie n'y auraient pas été regardés comme valables de plein droit ; que, dès lors, le Conseil national de l'ordre des médecins a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation en retenant que Mme A ne pouvait, faute que la condition de réciprocité posée par l'article 55 de la Constitution soit remplie, se prévaloir des stipulations précitées de l'article 5 de la déclaration gouvernementale du 19 mars 1962 et en s'abstenant, par suite, d'examiner si le diplôme de Mme A lui avait été délivré dans les mêmes conditions de programme, de scolarité et d'examen que celles existant en France ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que le Conseil national de l'ordre des médecins aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que l'autre motif mentionné dans la décision attaquée ;
Considérant, toutefois, que l'administration peut faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que ceux initialement indiqués par la décision, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif ; que, dans l'affirmative, il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué ;
Considérant que, par un mémoire qui a été communiqué à Mme A, le Conseil national de l'ordre des médecins soutient que sa décision était légalement justifiée par un autre motif que ceux indiqués par la décision attaquée, tiré de ce que les conditions de fond énoncées au premier alinéa de l'article 5 de la déclaration du 19 mars 1962 n'étaient pas réunies pour que Mme A puisse se voir reconnaître la validité de plein droit de son diplôme ; qu'il résulte effectivement de l'instruction que les conditions de programme, de scolarité et d'examen dans lesquelles Mme A a obtenu son diplôme de docteur en médecine délivré en 1997 par l'Institut national d'enseignement supérieur en sciences médicales d'Oran n'étaient pas identiques à celles qui étaient requises, à la date de la décision attaquée, pour l'obtention du même diplôme en France ; qu'il résulte de l'instruction que le Conseil national de l'ordre des médecins aurait pris la même décision s'il avait entendu initialement se fonder sur ce motif ; qu'il y a dès lors lieu de procéder à la substitution demandée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A la somme que demande le Conseil national de l'ordre des médecins au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Conseil national de l'ordre des médecins tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Souad A et au Conseil national de l'ordre des médecins. Copie en sera adressée pour information au ministre des affaires étrangères et européennes, à la ministre de la santé et des sports et à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.