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07/04/2010 | FRANCE | N°319970

France | France, Conseil d'État, 8ème sous-section jugeant seule, 07 avril 2010, 319970


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LE HALL DES AFFAIRES, dont le siège est 2, rue Pouchet à Paris (75017) ; la SARL LE HALL DES AFFAIRES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 7 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la d

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Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 août et 19 novembre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SARL LE HALL DES AFFAIRES, dont le siège est 2, rue Pouchet à Paris (75017) ; la SARL LE HALL DES AFFAIRES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 20 juin 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 7 juillet 2006 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993 et 1994, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période courant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994, des rappels de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation à l'effort de construction mis à sa charge au titre des années 1993 et 1994, ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) réglant l'affaire au fond, de lui accorder la décharge des impositions et pénalités restant en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Le Griel, avocat de la SARL LE HALL DES AFFAIRES,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Le Griel, avocat de la SARL LE HALL DES AFFAIRES ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la SARL LE HALL DES AFFAIRES, qui exerce une activité de commerce de bazar et de solderie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration a mis en recouvrement des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992, 1993 et 1994, des rappels de taxe d'apprentissage, de participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue et de participation des employeurs à l'effort de construction au titre des années 1993 et 1994 et enfin, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période courant du 1er janvier 1993 au 31 décembre 1994 ; que l'ensemble de ces impositions et taxes a été assorti de pénalités pour mauvaise foi ; que la SARL LE HALL DES AFFAIRES se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 20 juin 2008 par lequel la cour administrative de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement rendu le 7 juillet 2006 par le tribunal administratif de Paris a rejeté le surplus des conclusions de sa demande;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les impositions et taxes :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en 1996 : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la notification de redressement en date du 19 décembre 1996 était suffisamment motivée, la cour a relevé qu'elle exposait les raisons pour lesquelles la comptabilité de la société avait été écartée comme non probante, qu'elle indiquait le coefficient de marge brute retenu compte tenu des éléments qui étaient en possession de l'administration et de la prise en compte des vols, pertes et remises et qu'elle dressait le tableau chiffré de la reconstitution des recettes ; qu'en statuant ainsi, alors même que la notification de redressement ne comportait pas la désignation précise des factures d'achat et des bons de livraisons dépouillés lors de la vérification de comptabilité, la cour n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en estimant sans incidence sur la régularité de la notification de redressement la circonstance que l'administration n'a apporté les précisions relatives aux factures d'achat et aux bons de livraisons dépouillés lors de la vérification que le 6 mai 1997 dans sa réponse aux observations du contribuable ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour juger que la comptabilité de la SARL LE HALL DES AFFAIRES était dénuée de valeur probante, la cour a relevé que la société comptabilisait ses recettes journalières globalement en fin de journée avec un détail par magasin et que les bandes de caisses enregistreuses ne comportaient pas la désignation des articles vendus ; que la cour a en outre noté que les feuilles journalières de caisse étaient manquantes pour certains magasins et que les bandes de caisse enregistreuse ne présentaient pas, pour la totalité des onze magasins, de continuité dans la numérotation, sans que la société puisse justifier qu'il ne s'agirait que d'erreurs matérielles n'empêchant pas de regarder comme remplie l'obligation lui incombant de présenter les justificatifs des cumuls de recettes des magasins en cause ; qu'en déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que la comptabilité de la SARL LE HALL DES AFFAIRES était dénuée de valeur probante et devait, par suite, être rejetée, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, contrairement à ce que soutient la société, l'administration n'a pas modifié ultérieurement les motifs de droit ou de fait justifiant le rejet de la comptabilité ; que, par suite, en tout état de cause, le moyen tiré de ce que la cour aurait à tort omis de relever d'office le moyen tiré de ce que l'administration aurait changé les motifs par lesquels elle avait justifié le rejet de sa comptabilité doit être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que le moyen tiré de ce que la documentation administrative de base référencée 4 G-3341 du 25 juin 1995 prévoit qu'une comptabilité ne peut être rejetée que lorsqu'elle est incomplète ou qu'elle n'est pas correctement tenue et lorsque les irrégularités constatées ont un caractère de gravité indiscutable n'a pas été soulevé devant la cour par la SARL LE HALL DES AFFAIRES ; que ce moyen, qui est distinct du moyen fondé sur l'application de la loi fiscale, est nouveau en cassation et, par suite, irrecevable ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, l'administration a utilisé les indications données par le directeur commercial de la société jusqu'en décembre 1993 qui fixait les prix de vente des articles livrés dans chaque magasin ; que, faute de disposer d'autres éléments, l'administration a établi, sur la base de ces indications, un coefficient de marge brute de 2,83 pour l'année 1993 à partir de factures d'achat d'une centaine d'articles et de bons de livraisons annotés ; qu'elle a ramené le taux de marge brute à 2,2 pour tenir compte, conformément aux usages de la profession, des vols, pertes et remises ; qu'en déduisant de ces motifs que la méthode utilisée par l'administration n'était pas excessivement sommaire, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qu'elle n'a pas dénaturé ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge (...) ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration n'a pas soumis le litige à l'avis de l'une des commissions visées à l'article L. 59 du livre des procédures fiscales et que le contribuable s'est opposé aux redressements qui lui ont été réclamés, la charge de la preuve pèse sur l'administration, alors même que la comptabilité du contribuable comporte de graves irrégularités ; qu'en relevant, d'abord, que l'administration avait calculé le coefficient de marge brute à partir des factures d'achat d'une centaine de produits et des bons de livraison annotés par le directeur commercial, puis en notant, ensuite, que la société n'établissait pas qu'auraient été en réalité reportés sur ces documents les prix pratiqués par les enseignes concurrentes, la cour n'a pas inversé la charge de la preuve ;

Sur le bien-fondé de l'arrêt en ce qui concerne les pénalités :

Considérant qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que, pour confirmer l'application des pénalités de mauvaise foi à la SARL LE HALL DES AFFAIRES, la cour a relevé que l'administration avait fait état de la nature des insuffisances de la comptabilité de cette société et de l'absence de pièces justificatives, et a noté que ces circonstances avaient conduit à regarder la comptabilité comme dénuée de valeur probante et à la rejeter ; que la cour a également relevé que la société avait refusé de fournir des informations sur l'ensemble des prix de ventes des articles sélectionnés et a souligné l'importance des recettes non déclarées ; qu'en déduisant de ces faits, qu'elle a souverainement appréciés sans dénaturer les pièces du dossier qui lui était soumis, que l'administration avait établi que le contribuable avait eu l'intention délibérée d'éluder l'impôt, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la SARL LE HALL DES AFFAIRES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de la SARL LE HALL DES AFFAIRES est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SARL LE HALL DES AFFAIRES et au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat.


Synthèse
Formation : 8ème sous-section jugeant seule
Numéro d'arrêt : 319970
Date de la décision : 07/04/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 avr. 2010, n° 319970
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Bachelier
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP LE GRIEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2010:319970.20100407
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