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03/03/2010 | FRANCE | N°323076

France | France, Conseil d'État, 7ème et 2ème sous-sections réunies, 03 mars 2010, 323076


Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 décembre 2008 et 6 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 12 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait condamné la société TS3 à lui verser la somme de 22 250,48 euros en réparation du préjudice résultant de l'a

nnulation d'un spectacle ;

2°) de mettre à la charge de la société TS3 ...

Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 décembre 2008 et 6 mars 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE, représentée par son maire ; la commune demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'arrêt du 23 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé le jugement du 12 juillet 2007 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise avait condamné la société TS3 à lui verser la somme de 22 250,48 euros en réparation du préjudice résultant de l'annulation d'un spectacle ;

2°) de mettre à la charge de la société TS3 le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Nicolas Polge, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE et de la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société TS3,

- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE et à la SCP Baraduc, Duhamel, avocat de la société TS3 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE a conclu avec la société TS3, le 2 septembre 2005, un contrat ayant pour objet la cession des droits d'exploitation d'un spectacle du chanteur Raphaël qui devait se dérouler le 17 juin 2006 ; que, toutefois, le 16 juin à minuit, cette société a fait savoir à la commune que le spectacle devait être annulé, compte tenu de l'état de santé du chanteur qui nécessitait le repos pendant quarante-huit heures ; que saisi par la commune, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement du 12 juillet 2007, condamné la société TS3 à lui verser la somme de 22 250,48 euros ; que la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 septembre 2008 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ce jugement et rejeté sa demande ;

Considérant qu'aux termes du A de l'article XI du contrat litigieux : le présent contrat se trouverait suspendu, résolu ou résilié de plein droit et sans indemnité d'aucune sorte en cas d'accidents indépendants des parties reconnus de force majeure nécessitant la fermeture de la plupart des salles de spectacles tels que : calamités publiques, guerre, révolution, émeute, mouvement populaire, accident de la circulation, deuil national, grève, épidémie, maladie dûment constatée d'un artiste et tout autre cas de force majeure ;

Considérant que, pour refuser à la commune tout droit à indemnité du fait de la résiliation litigieuse, la cour administrative d'appel de Versailles a estimé que l'état de santé de l'artiste relevait du cas d'une maladie dûment constatée, au sens de ces stipulations, et a jugé qu'il était constitutif d'un cas de force majeure, à raison duquel ce contrat pouvait être résilié de plein droit sans indemnité ; qu'en déduisant toutefois la force majeure de la seule maladie dûment constatée, sans se prononcer sur le caractère imprévisible de l'événement lors de la conclusion du contrat et sur son caractère irrésistible lors de son exécution, la cour a insuffisamment motivé son arrêt ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;

Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

Sur l'appel principal de la société TS3 :

En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :

Considérant qu'aux termes du I de l'article 1er du code des marchés publics : Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux entre les pouvoirs adjudicateurs (...) et des opérateurs économiques publics ou privés, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services ;

Considérant, ainsi qu'il a été dit, que le contrat conclu le 2 septembre 2005 entre la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE et la société TS3 a pour objet la cession des droits d'exploitation d'une représentation du chanteur Raphaël ; qu'un tel contrat, conclu à titre onéreux entre un opérateur privé et un pouvoir adjudicateur en vue de répondre à ses besoins en matière de services, entre dans le champ d'application du code des marchés publics, tel que défini en son article 1er ; qu'il en résulte, en application du premier alinéa de l'article 2 de la loi du 11 décembre 2001, que ce contrat présente un caractère administratif dont le contentieux relève, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, de la compétence du juge administratif ;

En ce qui concerne la responsabilité de la société TS3 :

Considérant que, pour estimer que la force majeure n'était pas établie, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le caractère non circonstancié du certificat médical produit par la société TS3 ; que, toutefois, le secret médical interdisant au médecin de révéler des informations sur l'état de santé de l'artiste, c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur ce motif pour condamner la société TS3 à indemniser la commune du préjudice subi du fait de la résiliation du contrat ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant les juges du fond ;

Considérant qu'il résulte des stipulations précitées du A de l'article XI du contrat que les parties ont entendu illustrer certains cas de force majeure, sans pour autant faire obstacle à l'application des critères caractérisant l'événement de force majeure, en particulier celui de l'imprévisibilité lors de la conclusion du contrat ; qu'il résulte de l'instruction, notamment des écritures de la société TS3 et des deux attestations produites, qu'après avoir donné un concert à Lille le 16 juin 2006 et avant de se produire à Paris les 19 et 20 juin 2006, l'artiste n'a pu assurer la représentation prévue le 17 juin 2006 à Garges-lès-Gonesse en raison d'une grande fatigue ; que, s'agissant d'un évènement survenu au cours d'une tournée de concerts, et alors qu'il avait été prévu, dès la signature du contrat, que le concert du 17 juin 2006 s'inscrivait dans le cadre d'une telle tournée, l'état de grande fatigue du chanteur ne revêtait pas en soi un caractère imprévisible à la date de conclusion du contrat ; que, dès lors, l'annulation du spectacle ne peut être regardée comme résultant d'un cas de force majeure, rappelé à l'article XI du contrat, à raison duquel celui-ci pouvait être résilié de plein droit sans indemnité en application de ces stipulations ; qu'ainsi, en résiliant pour ce motif le contrat litigieux, la société TS3 a commis une faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle à l'égard de la commune ;

Considérant que la circonstance que la commune devait souscrire une assurance en application du même contrat est sans incidence sur la méconnaissance par la société de ses obligations contractuelles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société TS3 n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy Pontoise l'a condamnée à verser à la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE la somme de 22 250,48 euros ;

En ce qui concerne l'appel incident de la commune :

Considérant, d'une part, que si la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE peut prétendre au remboursement des salaires qu'elle a versés pour l'organisation du concert du chanteur Raphaël, c'est à la condition d'en justifier le paiement ; que ni l'existence d'une convention de mandatement conclue avec la société InterCachet-Agecif ni les autres pièces produites ne justifient le paiement effectif des sommes dont elle demande le remboursement, en sus de celles que les premiers juges lui ont allouées ; que, d'autre part, eu égard à l'absence de justification complémentaire, la commune n'est pas non plus fondée à soutenir que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait une évaluation insuffisante de son préjudice de jouissance en lui allouant à ce titre la somme de 5 000 euros ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'appel principal de la société TS3 et l'appel incident de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la société TS3 au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de cette société sur le fondement des mêmes dispositions, le versement d'une somme de 5 000 euros à la commune au titre des frais exposés par celle-ci, tant en appel qu'en cassation ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 23 septembre 2008 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par la société TS3 devant la cour administrative d'appel de Versailles et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE devant la cour administrative d'appel de Versailles sont rejetées.

Article 4 : La société TS3 versera à la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE GARGES-LES-GONESSE et à la société TS3.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 03 mar. 2010, n° 323076
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Arrighi de Casanova
Rapporteur ?: M. Nicolas Polge
Rapporteur public ?: M. Boulouis Nicolas
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN ; SCP BARADUC, DUHAMEL

Origine de la décision
Formation : 7ème et 2ème sous-sections réunies
Date de la décision : 03/03/2010
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 323076
Numéro NOR : CETATEXT000021924826 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2010-03-03;323076 ?
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