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30/12/2009 | FRANCE | N°311114

France | France, Conseil d'État, 3ème et 8ème sous-sections réunies, 30 décembre 2009, 311114


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 décembre 2007 et 3 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE, dont le siège est Labegorce à Margaux (33460) ; la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1410 du 1er octobre 2007 modifiant le décret du 14 novembre 1936 modifié relatif à l'appellation d'origine contrôlée Haut-Médoc ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de j

ustice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la con...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 décembre 2007 et 3 mars 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE, dont le siège est Labegorce à Margaux (33460) ; la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le décret n° 2007-1410 du 1er octobre 2007 modifiant le décret du 14 novembre 1936 modifié relatif à l'appellation d'origine contrôlée Haut-Médoc ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la consommation ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu l'ordonnance n° 2006-1547 du 7 décembre 2006 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Emilie Bokdam, Auditeur,

- les observations de la SCP Laugier, Caston, avocat de la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE et de la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité,

- les conclusions de M. Edouard Geffray, Rapporteur public ;

La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Laugier, Caston, avocat de la SOCIET SC CHATEAU LABEGORCE et à la SCP Didier, Pinet, avocat de l'Institut national de l'origine et de la qualité ;

Sur l'intervention de l'Institut national de l'origine et de la qualité :

Considérant que l'Institut national de l'origine et de la qualité a intérêt au maintien du décret attaqué ; qu'ainsi son intervention est recevable ;

Sur la légalité externe du décret attaqué :

Considérant que l'article L. 641-6 du code rural, dans sa rédaction applicable à la date de l'adoption du décret attaqué, dispose : La reconnaissance d'une appellation d'origine contrôlée est proposée par l'Institut national de l'origine et de la qualité, après avis de l'organisme de défense et de gestion prévu à l'article L. 642-17. ; qu'aux termes de l'article L. 641-7 du même code : La reconnaissance d'une appellation d'origine est prononcée par un décret qui, notamment, délimite l'aire géographique de production et détermine les conditions de production qui figurent dans le cahiers des charges qu'il homologue. ; qu'aux termes de l'article L. 642-17 de ce code : La défense et la gestion d'un produit bénéficiant (...) d'une appellation d'origine (...) est assurée par un organisme doté de la personnalité civile ; qu'aux termes de l'article 8 de l'ordonnance du 7 décembre 2006 relative à la valorisation des produits agricoles, forestiers ou alimentaires et des produits de la mer : (...) Jusqu'à la reconnaissance d'un organisme de défense et de gestion et au plus tard jusqu'au 31 mai 2007, les syndicats de défense des appellations d'origine (...) exercent les missions confiées à l'organisme de défense et de gestion par l'article L. 642-20 du code rural. ; que l'article R. 642-16 du code rural dispose : Les comités régionaux étudient toutes les questions intéressant leur région, qui relèvent, dans leur secteur de compétence, de l'activité de l'Institut national de l'origine et de la qualité. Ils peuvent se saisir d'office de ces questions ou en être saisis par un comité national ou par le ministre chargé de l'agriculture. Leurs avis sont portés à la connaissance du comité national intéressé. ;

Considérant que le syndicat viticole Médoc Haut-Médoc, qui doit être regardé comme le syndicat de défense de cette appellation au sens des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 7 décembre 2006 mentionnée ci-dessus, a été consulté à toutes les étapes de la préparation du projet de décret ; qu'il s'est notamment prononcé favorablement lors du lancement de la procédure de révision ; qu'aucune autre consultation n'était imposée par les dispositions législatives ou règlementaires en vigueur à la date de l'adoption du décret attaqué ; qu'en particulier, les dispositions de l'article R. 642-16 du code rural, si elles permettent aux comités régionaux de l'INAO de se saisir de toute question intéressant leur région, n'imposent pas la consultation de ces comités préalablement à la modification de l'aire ou des conditions de production d'une appellation d'origine ;

Considérant que la seule circonstance que la plupart des membres de la commission d'experts chargée de définir les éléments caractérisant l'appellation aient été les mêmes que ceux qui ont été désignés pour la modification opérée à la suite de la décision n° 112635 du 20 septembre 1993 du Conseil d'Etat statuant au contentieux sur la demande de la société Château d'Arsac, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la composition de cette commission ;

Considérant qu'un décret délimitant une aire d'appellation d'origine ne constitue pas une décision individuelle défavorable au sens de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, mais présente un caractère règlementaire ; que, par suite, l'absence de recueil par l'INAO, préalablement à l'adoption du décret attaqué, des observations des propriétaires ou exploitants dont ce dernier n'incluait pas les parcelles ou certaines des parcelles dans l'aire d'appellation, n'est pas de nature à entacher cet acte d'illégalité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

Sur la légalité interne du décret attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 115-1 du code de la consommation : Constitue une appellation d'origine la dénomination d'un pays, d'une région ou d'une localité servant à désigner un produit qui en est originaire et dont la qualité ou les caractères sont dus au milieu géographique, comprenant des facteurs naturels et des facteurs humains. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission d'experts ainsi que la commission d'enquête et le comité national de l'INAO, qui ne se sont pas bornés à analyser les conditions de production au regard des critères fixés pour l'appellation Margaux, ont tenu compte, dans la préparation de la délimitation de l'aire d'appellation Haut-Médoc , à la fois des facteurs géographiques, notamment géologiques, pédologiques et climatiques, et des facteurs historiques et humains, en particulier de l'ancienneté et de la constance des usages viticoles ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué est entaché d'erreur de droit au motif que l'INAO n'aurait pas tenu compte des conditions de production de l'appellation Haut-Médoc, notamment des facteurs historiques et humains ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le décret est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en tant qu'il a exclu de l'aire d'appellation Haut-Médoc de nombreuses parcelles répondant aux critères requis pour cette appellation n'est pas assorti des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, si la société requérante conteste, d'une manière générale, que l'INAO ait regardé comme insuffisante la seule similitude géologique de parcelles proches, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en reprenant à son compte la proposition de l'INAO, l'autorité administrative compétente ait commis une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret attaqué ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE demande au titre des frais exposés dans l'instance et non compris dans les dépens ; que ces dispositions font également obstacle à ce que les sommes que l'Institut national de l'origine et de la qualité, qui n'est pas partie dans cette instance, demande au même titre, soient mises à la charge de la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'intervention de l'institut national de l'origine et de la qualité est admise.

Article 2 : La requête de la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE est rejetée.

Article 3 : La demande de l'INAO tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CHATEAU LABEGORCE, au Premier ministre, à la ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, au ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche et à l'Institut national de l'origine et de la qualité.


Synthèse
Formation : 3ème et 8ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 311114
Date de la décision : 30/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2009, n° 311114
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vigouroux
Rapporteur ?: M. Frédéric Gueudar Delahaye
Rapporteur public ?: M. Geffray Edouard
Avocat(s) : SCP LAUGIER, CASTON ; SCP DIDIER, PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2009:311114.20091230
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