Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 mai et 4 juin 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Roland A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 26 mars 2009 par lequel le tribunal administratif de Basse-Terre, sur la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an aux fonctions de conseiller municipal dans la commune de Basse-Terre (Guadeloupe) ;
2°) de rejeter les conclusions de la saisine de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;
3°) de dire qu'il n'y a pas lieu de le déclarer inéligible aux fonctions de conseiller municipal en application de l'article L. 118-3 du code électoral ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code électoral ;
Vu le code de justice administrative, modifié notamment par le décret n° 2009-14 du 7 janvier 2009 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jacky Richard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
- La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A ;
Considérant que, par une décision du 30 octobre 2008, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a rejeté le compte de campagne de M. A, tête de liste à l'élection pour la désignation des conseillers municipaux de la commune de Basse-Terre des 9 et 16 mars 2008, au motif qu'il avait réglé directement une part importante des dépenses de sa campagne sans recourir à son mandataire financier ; que, saisi par la commission en vertu des dispositions précitées de l'article L. 52-15 du code électoral, le tribunal administratif de Basse-Terre a, par le jugement attaqué du 26 mars 2009, déclaré M. A, inéligible aux fonctions de conseiller municipal pour une durée d'un an ; que M. A fait appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du dernier alinéa de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue du décret du 7 janvier 2009 et applicable à compter du 1er février 2009 : Les parties ou leurs mandataires peuvent présenter de brèves observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public. ; qu'aux termes de l'article R. 741-2 du même code : La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré./ La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. ; que si ces dispositions imposent que toute personne entendue soit mentionnée par la décision, elles ne font, en revanche, pas obligation à celle-ci de mentionner que les parties ou leurs mandataires ont eu la possibilité de reprendre la parole après le prononcé des conclusions du rapporteur public ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la circonstance que le jugement attaqué ne mentionne pas que l'avocat de M. A a été invité à reprendre la parole après les conclusions du rapporteur public, dans les conditions fixées par les dispositions de l'article R. 732-1 du code de justice administrative, n'est pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité ; qu'il n'est pas soutenu par M. A que son avocat, dont le jugement mentionne qu'il a été entendu à l'audience, n'aurait pas été mis en mesure de présenter ses observations orales après le prononcé des conclusions du rapporteur public ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'après avoir constaté que les dépenses litigeuses qui ont justifié la saisine par la commission nationale avaient été effectuées après la désignation du mandataire de campagne, le tribunal administratif de Basse-Terre, qui a suffisamment répondu à l'ensemble de l'argumentation relative à l'application de l'article 118-3 du code électoral développée devant lui, a pu, sans entacher sa décision d'insuffisance de motivation, rejeter, les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de cet article ;
Sur le bien fondé du rejet du compte de campagne de M. A :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 52-4 du code électoral : Tout candidat à une élection désigne un mandataire au plus tard à la date à laquelle sa candidature est enregistrée. Ce mandataire peut être une association de financement électoral, ou une personne physique dénommée le mandataire financier. (...) / Le mandataire recueille, pendant l'année précédant le premier jour du mois de l'élection et jusqu'à la date du dépôt du compte de campagne du candidat, les fonds destinés au financement de la campagne. / Il règle les dépenses engagées en vue de l'élection et antérieures à la date du tour de scrutin où elle a été acquise, à l'exception des dépenses prises en charge par un parti ou groupement politique. Les dépenses antérieures à sa désignation payées directement par le candidat ou à son profit font l'objet d'un remboursement par le mandataire et figurent dans son compte bancaire ou postal. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 52-15 du même code : La commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques approuve et, après procédure contradictoire, rejette ou réforme les comptes de campagne. / (...) Lorsque la commission a constaté que le compte de campagne n'a pas été déposé dans le délai prescrit, si le compte a été rejeté ou si, le cas échéant après réformation, il fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales, la commission saisit le juge de l'élection. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 118-3 du même code : Saisi par la commission instituée par l'article L. 52-14, le juge de l'élection peut déclarer inéligible pendant un an le candidat dont le compte de campagne, le cas échéant après réformation, fait apparaître un dépassement du plafond des dépenses électorales. / Dans les autres cas, le juge de l'élection peut ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ou relever le candidat de cette inéligibilité. / Si le juge de l'élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection ou, si l'élection n'a pas été contestée, le déclare démissionnaire d'office. ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 234 du code électoral applicable à l'élection des conseillers municipaux : Peut être déclaré inéligible pendant un an celui qui n'a pas déposé son compte de campagne dans les conditions et le délai prescrits par l'article L. 52-12 et celui dont le compte de campagne a été rejeté à bon droit. ;
Considérant que si, par dérogation à la formalité substantielle que constitue l'obligation de recourir à un mandataire pour toute dépense effectuée en vue de la campagne, le règlement direct de menues dépenses par le candidat peut être admis, ce n'est qu'à la double condition que leur montant soit faible par rapport au total des dépenses du compte de campagne et négligeable au regard du plafond de dépenses autorisées fixé par l'article L. 52-11 du code électoral ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que quatre chèques d'un montant de 3 382 euros correspondant à l'achat de matériels destinés à la campagne de M. A ont été émis après la désignation du mandataire financier de la liste et sans recourir à celui-ci ; que cette somme représente 27 % du total des dépenses électorales et 14 % de leur plafond ; que, pour justifier des paiements en cause, M. A ne saurait utilement soutenir ni que les règlements litigieux correspondraient à des dépenses engagées avant la désignation du mandataire ni, dés lors qu'il a accepté de les faire figurer dans son compte de campagne, qu'elles auraient été réalisées à son insu par un tiers non mandaté ; que c'est dés lors à bon droit que la commission nationale des comptes de campagne a rejeté le compte de campagne de l'intéressé et a saisi le juge de l'élection ;
Sur l'inéligibilité de M. A :
Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article L. 118-3 du code électoral que, dans le cas où il y a lieu de rejeter le compte de campagne d'un candidat, le juge de l'élection ne peut s'abstenir de prononcer l'inéligibilité de celui-ci que si sa bonne foi est établie ; qu' eu égard à l'absence d'ambiguïté des dispositions méconnues par M. A, les circonstances que les dépenses en cause ont été effectuées en son nom par un tiers sur lequel il ne disposait d'aucune maîtrise et qu'il les a fait figurer dans son compte de campagne par souci de transparence ne sont pas, à les supposer établies, de nature à permettre à M. A de bénéficier des dispositions de l'article L. 118-3 du code électoral ;
Considérant que les élections en vue de la désignation des conseillers municipaux n'ayant pas le caractère d'élections pour le choix du corps législatif au sens de l'article 3 du protocole n° 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de ce que la sanction de l'inéligibilité aurait un caractère disproportionné au regard des stipulations de l'article 3 de ce protocole n° 1, est inopérant ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Basse-Terre l'a déclaré inéligible pour une durée d'un an aux fonctions de conseiller municipal dans la commune de Basse-Terre ;
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Roland A, à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.