Vu le recours, enregistré le 6 novembre 2009 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE par lequel il demande au Conseil d'Etat d'annuler l'ordonnance n° 0901907 du 19 octobre 2009 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a enjoint au préfet du Puy-de-Dôme d'indiquer un lieu d'hébergement permanent dans un secteur géographique compatible avec son handicap à M. Tarkhan A, dans un délai de 20 jours à compter de la notification de l'ordonnance ;
il soutient que son recours est recevable ; que la situation de M. A ne constitue pas une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'en effet, si M. A n'a pas pu bénéficier d'un hébergement en CADA faute de places, il a été bénéficiaire d'un hébergement d'urgence durant sept nuits ; qu'il a ensuite refusé à plusieurs reprises des offres d'hébergement dans des centres d'accueil d'urgence au motif qu'ils étaient situés dans la périphérie de Clermont-Ferrand et est, depuis, hébergé chez des compatriotes ; qu'il perçoit l'allocation temporaire d'attente et a bénéficié d'un suivi médical et de prestations en nature (fourniture des trois repas journaliers et bons de transport pour se rendre dans les lieux d'hébergement) ;
Vu l'ordonnance attaquée ;
Vu, enregistré le 10 novembre 2009, le mémoire en défense présenté par M. A ; il soutient que l'urgence est caractérisée dès lors qu'il ne dispose plus à l'heure actuelle d'aucun hébergement, après avoir vécu pendant cinq mois dans plusieurs foyers et chez des proches ; qu'il souffre de graves problèmes de santé qui nécessitent un suivi médical ; que le fait qu'il bénéficie de l'allocation temporaire d'attente ne justifie pas qu'il soit privé d'un hébergement décent ; que c'est à tort que le ministre soutient qu'il bénéficie de prestations en nourriture correspondant aux trois repas journaliers ; que sa situation constitue une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; que le droit d'asile constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative ; que son droit à bénéficier pendant la durée d'examen de sa demande de conditions matérielles d'accueil lui assurant une vie décente constitue un corollaire du droit constitutionnel d'asile ; qu'il s'ensuit que le préfet a l'obligation de proposer un hébergement à M. A pendant la durée d'examen de sa demande d'asile, ainsi que le prescrit la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ; que le préfet ne peut arguer de l'absence de places disponibles en CADA pour ne pas proposer un hébergement adapté à M. A ; qu'en outre, l'injonction faite au préfet de lui proposer un hébergement doit être assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard ; que doit être mise à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, enregistré le 10 novembre 2009, le mémoire en intervention présenté par la Cimade, représentée par son président en exercice ; elle soutient qu'elle a un intérêt à intervenir, dès lors qu'elle apporte son soutien aux demandeurs d'asile ; que l'urgence est caractérisée dès lors que M. A se trouve dans une situation de grande précarité ; que l'état de santé de ce dernier nécessite un hébergement durable et non seulement une allocation temporaire d'attente ; que les changements fréquents de lieu d'hébergement dans le cadre des dispositifs d'urgence sont incompatibles avec les besoins spécifiques de M. A ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 ;
Vu le code de l'action sociale et des familles ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE et, d'autre part, M. A ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 12 novembre 2009 à 14 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- la représentante du MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE ;
- Me Pinet, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de M. A ;
- le représentant de la Cimade, représentant de M. A ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ; qu'au sens de ces dispositions, la notion de liberté fondamentale englobe, s'agissant des ressortissants étrangers, qui sont soumis à des mesures spécifiques réglementant leur entrée et leur séjour en France et qui ne bénéficient donc pas, à la différence des nationaux, de la liberté d'entrée sur le territoire, le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, dont l'obtention est déterminante pour l'exercice par les personnes concernées des libertés reconnues de façon générale aux ressortissants étrangers ; que la privation du bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur demande est susceptible de constituer une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 relative à l'accueil des demandeurs d 'asile : Définitions. Aux fins de la présente directive, on entend par : ... conditions matérielles d'accueil : les conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournis en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière... ; qu'aux termes de son article 13 : ...2. Les Etats membres prennent des mesures relatives aux conditions matérielles d'accueil qui permettent de garantir un niveau de vie adéquat pour la santé et d'assurer la subsistance des demandeurs. ...5. Les conditions d'accueil matérielles peuvent être fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules. Lorsque les Etats membres remplissent les conditions matérielles d'accueil sous forme d'allocations financières ou de bons, l'importance de ces derniers est fixée conformément aux principes définis dans le présent article. ; qu'aux termes de l'article 14 : modalités des conditions matérielles d'accueil :... 8. Pour les conditions matérielles d'accueil, les Etats membres peuvent, à titre exceptionnel, fixer des modalités différentes de celles qui sont prévues dans le présent article, pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, lorsque : - une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise, - les conditions matérielles d'accueil prévues dans le présent article n'existent pas dans une certaine zone géographique, - les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, - le demandeur d'asile se trouve en rétention ou à un poste frontière, dans un local qu'il ne peut quitter. /Ces différentes conditions couvrent, en tout état de cause, les besoins fondamentaux. ;
Considérant qu'en application des dispositions des articles L. 348-1 et suivants et R. 348-1 et suivants du code de l'action sociale et des familles les demandeurs d'asile peuvent être admis à l'aide sociale pour être accueillis dans les centres pour demandeurs d'asile, et que ceux qui ne bénéficient pas d'un niveau de ressources suffisant bénéficient d'une allocation mensuelle de subsistance, dont le montant est fixé par l'article 3 de l'arrêté du 31 mars 2008 portant application de l'article R. 348-4 du code de l'action sociale et des familles ; qu'ils ont également vocation à bénéficier, outre du dispositif d'accueil d'urgence spécialisé pour demandeurs d'asile, qui a pour objet de les accueillir provisoirement dans des structures collectives ou dans des hôtels en attente d'un accueil en centre pour demandeurs d'asile, du dispositif général de veille sociale prévu par l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles, lequel peut conduire à leur admission dans un centre d'hébergement d'urgence ou un centre d'hébergement et de réinsertion sociale ; qu'enfin, en vertu des articles L. 5423-8-1° et L. 5423-9-2° du code du travail, les demandeurs d'asile qui ont demandé à bénéficier du statut de réfugié peuvent bénéficier, sous condition d'âge et de ressources, d'une allocation temporaire d'attente à condition de ne pas être bénéficiaires d'un séjour en centre d'hébergement pris en charge au titre de l'aide sociale ;
Considérant que, pour une application aux demandeurs d'asile des dispositions précitées du droit interne conforme aux objectifs sus rappelés de la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003, l'autorité compétente, qui sur sa demande d'admission au bénéfice du statut de réfugié doit, au plus tard dans le délai de quinze jours prescrit à l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mettre le demandeur d'asile en possession d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce qu'il ait été statué sur cette demande, sans préjudice, le cas échéant, de la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, doit également, aussi longtemps qu'il est admis à se maintenir sur le territoire en qualité de demandeur d'asile et quelle que soit la procédure d'examen de sa demande, lui assurer, selon ses besoins et ses ressources, des conditions d'accueil comprenant le logement, la nourriture et l'habillement, fournies en nature ou sous la forme d'allocations financières ou de bons ou en combinant ces formules ; que si, notamment lorsqu'une première évaluation des besoins spécifiques du demandeur est requise ou lorsque les capacités de logement normalement disponibles sont temporairement épuisées, l'autorité administrative peut recourir à des modalités différentes de celles qui sont normalement prévues, c'est pendant une période raisonnable, aussi courte que possible, et en couvrant les besoins fondamentaux du demandeur d'asile ; qu'une privation du bénéfice de ces dispositions peut conduire le juge des référés à faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 521-2 précité du code de justice administrative, lorsqu'elle est manifestement illégale et qu'elle comporte en outre des conséquences graves pour le demandeur d'asile ;
Considérant que, par l'ordonnance attaquée du 19 octobre 2009, dont le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE fait appel, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand, après avoir estimé que la condition d'urgence était satisfaite, a jugé qu'en raison de leur multiplicité et de leur relatif éloignement, imposant parfois des déplacements à pied, les lieux d'hébergement proposés à M. A, demandeur d'asile, qui invoque des problèmes de santé, n'étaient pas propres à lui assurer le bénéfice des mesures prévues par la loi afin de garantir aux demandeurs d'asile des conditions matérielles d'accueil décentes jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur leur demande et qu'il en résultait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; qu'il a enjoint au préfet d'indiquer à M. A, dans le délai de 20 jours à compter de la notification de l'ordonnance, un lieu d'hébergement permanent dans un secteur géographique compatible avec son état de santé, au titre du dispositif spécifique aux demandeurs d'asile ou, à défaut, dans le cadre du dispositif de veille sociale prévu à l'article L. 345-2 du code de l'action sociale et des familles ;
Considérant qu'après avoir mis les intéressés en possession d'un document provisoire de séjour, le préfet du Puy-de-Dôme a proposé à M. A, qui a accepté, un accueil en centre d'accueil pour demandeurs d'asile et l'a orienté vers l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et vers le Service d'accueil et d'orientation de Clermont-Ferrand ; que dans l'attente d'une place disponible dans un tel centre, attribuée selon l'ordre des priorités relatives, l'intéressé a été admis au bénéfice de l'allocation temporaire d'attente et, sauf refus de sa part, effectivement hébergé dans des foyers d'urgence ; qu'il a bénéficié d'un suivi médical, de bons de transport pour se rendre dans les centres d'hébergement et dans la plupart des cas d'une prise en charge de ses repas ; qu'il ne résulte pas des certificats médicaux qu'il produit que les affections dont il est atteint soient manifestement incompatibles avec les hébergements mis à sa disposition ; que, dans ces conditions, le requérant ne justifie pas d'une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;
Considérant que le droit au logement, également invoqué par M. A, n'est pas au nombre des libertés fondamentales au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, alors même qu'il constitue un objectif à valeur constitutionnelle ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand s'est fondé sur l'inadaptation des hébergements proposés pour retenir une atteinte grave et immédiate au droit de M. A de bénéficier, en sa qualité de demandeur d'asile, d'un hébergement décent pendant l'examen de sa demande ; qu'il est par suite fondé à en demander l'annulation ainsi que le rejet de la demande et des conclusions d'appel de l'intéressé y compris celles présentées tant devant le tribunal administratif que devant le Conseil d'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
O R D O N N E :
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Article 1er : L'ordonnance susvisée no 0901907 en date du 19 octobre 2009 du juge des référés du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. Tarkhan A devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ainsi que ses conclusions devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée au MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DE L'INTEGRATION, DE L'IDENTITE NATIONALE ET DU DEVELOPPEMENT SOLIDAIRE, ainsi qu'à M. A.