Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 26 mai et 25 août 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE JONATHAN LOISIRS, dont le siège est Aérodrome du Chevalet à Aspres sur Buëch (05140) ; la SOCIETE JONATHAN LOISIRS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 mars 2008 de la cour administrative d'appel de Marseille en tant qu'après avoir condamné la communauté de communes du Haut Buëch à lui verser la somme de 6 860,21 euros en restitution de dépôt de garantie, il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2005 rejetant sa demande de réparation du préjudice causé par la résiliation de la convention de concession de locaux pour l'exploitation d'un fonds de commerce attenant à l'aérodrome du Chevalet ;
2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Haut Buëch la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Cécile Chaduteau-Monplaisir, Auditeur,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la communauté de communes du Haut Buëch,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS et à la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de la communauté de communes du Haut Buëch ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la communauté de communes du Haut-Buëch, affectataire de l'aéroport du Chevalet à Aspres sur Buëch, a conclu une convention portant autorisation d'occupation de locaux situés sur le domaine public aéroportuaire avec la SOCIETE JONATHAN LOISIRS pour une durée de 15 ans à compter du 1er janvier 1997 ; que par une décision du 7 juin 2002, la communauté de communes a mis fin unilatéralement à cette convention à compter du 1er janvier 2003, soit avant le terme contractuellement prévu ; que la SOCIETE JONATHAN LOISIRS a contesté cette décision de résiliation et demandé la réparation du préjudice subi devant le tribunal administratif de Marseille ; que, par un jugement du 13 octobre 2005, le tribunal a rejeté cette demande ; que par un arrêt du 19 mars 2008 contre lequel la SOCIETE JONATHAN LOISIRS a formé un pourvoi en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille n'a accordé à la société requérante que le remboursement du dépôt de garantie versé et a confirmé le rejet de sa demande de réparation du préjudice subi ;
Sur le pourvoi principal :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant que, si l'autorité domaniale peut mettre fin avant son terme à un contrat portant autorisation d'occupation du domaine public pour un motif d'intérêt général et en l'absence de toute faute de son cocontractant, ce dernier est toutefois en droit d'obtenir réparation du préjudice résultant de cette résiliation unilatérale dès lors qu'aucune stipulation contractuelle n'y fait obstacle ; qu'en jugeant ainsi que l'absence de clause prévoyant l'indemnisation de l'occupant au cas où il serait mis fin avant le terme contractuellement prévu à la convention d'occupation domaniale portant sur des locaux situés sur le domaine public aéroportuaire du Chevalet à Aspres sur Buëch, s'opposait à ce que la SOCIETE JONATHAN LOISIRS puisse demander réparation du préjudice qu'elle invoquait, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit ; que, par suite son arrêt doit être annulé en tant qu'il a rejeté la demande indemnitaire de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS hors remboursement du dépôt de garantie ;
Sur le pourvoi incident de la communauté de communes du Haut Buëch :
Considérant qu'au terme d'une interprétation souveraine et exempte de dénaturation des stipulations de la convention d'occupation domaniale, la cour a pu, sans commettre d'erreur de droit ni d'erreur de qualification juridique des faits, considérer que la dénonciation du contrat avant l'échéance qu'il prévoyait constituait une rupture due au non-respect du terme par le concédant, qui devait donc restituer la somme versée au titre de dépôt de garantie dans la mesure où elle n'établissait pas avoir restitué le dépôt effectué, ni se trouver dans une situation où elle aurait pu le conserver ; que les conclusions de la communauté de communes du Haut Buëch tendant à l'annulation de l'arrêt en tant qu'il l'a condamnée au remboursement du dépôt de garantie doivent par suite être rejetées ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative et de régler l'affaire au fond, dans les limites de l'annulation ci-dessus prononcée ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la communauté de communes du Haut Buëch a prononcé la résiliation avant son terme de la convention d'occupation domaniale qui la liait à la SOCIETE JONATHAN LOISIRS, non aux torts du cocontractant mais pour un motif d'intérêt général ; qu'en l'absence de clause contraire, la société requérante est en droit, par suite, d'obtenir réparation du préjudice direct et certain en résultant, tel que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ;
Considérant que la SOCIETE JONATHAN LOISIRS demande réparation des préjudices résultant de la perte d'éléments corporels et incorporels de son fonds de commerce, de la licence III acquise pour la vente de boissons, du remboursement de taxes foncières et du surloyer qu'elle soutient avoir payé en pure perte ; qu'eu égard au caractère révocable, pour un motif d'intérêt général, d'une convention portant autorisation d'occupation du domaine public, ainsi que du caractère personnel et non cessible de cette occupation, celle-ci ne peut donner lieu à la constitution d'un fonds de commerce dont l'occupant serait propriétaire ; que la SOCIETE JONATHAN LOISIRS ne peut donc demander la réparation de préjudices tenant en la perte du fonds de commerce allégué ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit, elle est en droit d'obtenir réparation du préjudice direct et certain résultant de la résiliation de la convention d'occupation domaniale avant son terme, tel que la perte des bénéfices découlant d'une occupation du domaine conforme aux prescriptions de la convention et des dépenses exposées pour l'occupation normale du domaine, qui auraient dû être couvertes au terme de cette occupation ; qu'elle est donc fondée à demander la réparation du préjudice tenant, d'une part, en la perte de la valeur de la licence acquise pour la vente de boissons pour un montant de 6 097,96 euros, laquelle ne pouvait être transférée hors de la commune et, d'autre part, en l'impossibilité d'amortir totalement les éléments d'ameublement de son patrimoine, constitués en vue d'un usage conforme aux prescriptions de la convention, pour un montant non contesté de 3 610 euros ; qu'en revanche, la SOCIETE JONATHAN LOISIRS, qui n'a pas demandé une indemnisation au titre d'une perte de bénéfice, n'établit pas l'existence d'un préjudice direct, matériel et certain, lié au non-remboursement des taxes foncières et au surloyer auquel elle avait contractuellement consenti pendant les premières années de l'occupation du domaine ; qu'il y a lieu par conséquent de faire droit à sa demande à hauteur de 9 707,96 euros ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par la communauté de communes du Haut Buëch au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche il y a lieu de faire application des mêmes dispositions et de mettre à la charge de la communauté de communes du Haut Buëch une somme de 4 000 euros au titre des frais exposés par la SOCIETE JONATHAN LOISIRS en appel et en cassation et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 19 mars 2008 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS hors remboursement du dépôt de garantie.
Article 2 : La communauté de communes du Haut Buëch est condamnée à verser à la SOCIETE JONATHAN LOISIRS la somme de 9 707,96 euros.
Article 3 : Le surplus de la requête d'appel de la SOCIETE JONATHAN LOISIRS et les conclusions de la communauté de communes du Haut Buëch sont rejetés.
Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 octobre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 5 : La communauté de communes du Haut Buëch versera une somme de 4 000 euros à la SOCIETE JONATHAN LOISIRS au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE JONATHAN LOISIRS et à la communauté de communes du Haut Buëch.