Vu la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'État le 9 mai 2007, présentée pour l'EXPLOITATION AGRICOLE A RESPONSABILITE LIMITEE DU VIEUX CHATEAU, dont le siège social est à Pernant (02200), ferme du Vieux-Château, représentée par ses gérants en exercice M. Dominique A et Mme Marie-Jeanne B, épouse A ; elle demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler le décret du 8 mars 2007 portant classement du château de Pernant (Aisne) comme monument historique ;
2°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3597,84 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré déposée le 5 juin 2009 par l'EARL du Vieux Château ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Dominique Guihal, chargée des fonctions de Maître des requêtes,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, rapporteur public ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-6 du code du patrimoine : L'immeuble appartenant à toute personne autre que celles énumérées aux articles L. 621-4 et L. 621-5 est classé au titre des monuments historiques par décision de l'autorité administrative, s'il y a consentement du propriétaire. La décision détermine les conditions du classement. / A défaut du consentement du propriétaire, le classement d'office est prononcé par décret en Conseil d'Etat, pris après avis de la Commission nationale des monuments historiques, qui détermine les conditions de classement et notamment les servitudes et obligations qui en découlent. ;
Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient la requérante, le décret attaqué, portant classement d'office du château de Pernant parmi les monuments historiques, après avoir été soumis à la section de l'intérieur du Conseil d'Etat, a été signé par le Premier ministre et contresigné par le ministre de la culture et de la communication ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission nationale des monuments historiques, a examiné à deux reprises le dossier de classement du château de Pernant le 22 mai 2006 et le 20 novembre 2006, postérieurement au désaccord exprimé par le propriétaire dans une lettre du 8 mai 2002 ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte des dispositions combinées des articles 1er de la loi du 11 juillet 1979 et 24 de la loi du 12 avril 2000, que les décisions de classement parmi les monuments historiques, qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, ne sont pas au nombre de celles qui doivent être motivées et qui ne peuvent intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ; que dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué aurait été pris en violation de ces textes ; qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de motiver la décision de classement, ni d'inviter le propriétaire à présenter des observations préalablement à l'intervention d'une telle décision ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 621-1 du code du patrimoine : Les immeubles dont la conservation présente, au point de vue de l'histoire ou de l'art, un intérêt public sont classés comme monuments historiques en totalité ou en partie par les soins de l'autorité administrative ; qu'il résulte de l'alinéa 2 de l'article L. 621-6 du même code que le classement d'office détermine les conditions de classement et notamment les servitudes et les obligations qui en découlent ; qu'aux termes de l'alinéa 3 du même article : le classement d'office peut donner droit à indemnité au profit du propriétaire s'il résulte des servitudes et des obligations dont il s'agit, une modification à l'état ou à l'utilisation des lieux déterminant un préjudice direct, matériel et certain... ; qu'aux termes de l'article L. 621-12 du même code : lorsque la conservation d'un immeuble classé au titre des monuments historiques est gravement compromise par l'inexécution de travaux de réparation ou d'entretien, l'autorité administrative peut, après avis de la Commission nationale des monuments historiques, mettre en demeure le propriétaire de faire procéder auxdits travaux, en lui indiquant le délai dans lequel ceux-ci devront être entrepris et la part des dépenses qui sera supportée par l'Etat, laquelle ne pourra être inférieure à 50 % ; qu'il résulte enfin de l'article L. 621-13 du même code que si les travaux sont exécutés d'office : le propriétaire peut solliciter l'Etat d'engager la procédure d'expropriation ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier que le château de Pernant, situé entre Soissons et Compiègne, consiste en un quadrilatère fortifié, flanqué de tourelles, édifié au XIVème siècle, auquel ont été adjoints au XVIème siècle un corps de logis et une terrasse ; que si le logis a été détruit par un bombardement en 1918, le donjon reste un témoin important de l'architecture castrale au XIVème siècle en Picardie ; que sa conservation présente, au point de vue de l'histoire, un intérêt public justifiant son classement ; que, par suite, la requérante ne saurait, sans mettre en cause la conformité de la loi à la Constitution, dont il n'appartient pas au Conseil d'Etat, statuant au contentieux de connaître, soutenir que le décret attaqué, qui se borne à mettre en oeuvre les dispositions législatives précitées du code du patrimoine, méconnaîtrait le droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen ;
Considérant, que le décret du 8 mars 2007 classe le château, son fossé, ses murs de soutènement et son accès ouvragé, situés sur la commune de Pernant : figurant sur la parcelle ZK 75 du cadastre d'une contenance de 2 Ha 55 a 80 ca ; qu'il résulte du dossier que les éléments de la parcelle ZK 75 ainsi décrits correspondent, à la suite d'une division cadastrale, opérée le 20 janvier 2007 à l'initiative du propriétaire, à une nouvelle parcelle ZK 182 d'une contenance de 16 a 82 ca ; que dans ces conditions cette référence affectée d'une erreur matérielle n'a pas pour effet d'entacher d'illégalité le décret attaqué ;
Considérant, enfin, que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'EXPLOITATION AGRICOLE A RESPONSABILITE LIMITEE DU VIEUX CHATEAU n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ; que ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : La requête de l'EXPLOITATION AGRICOLE A RESPONSABILITE LIMITEE DU VIEUX CHATEAU est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'EXPLOITATION AGRICOLE A RESPONSABILITE LIMITEE DU VIEUX CHATEAU, au Premier ministre et au ministre de la culture et de la communication.