Vu le pourvoi sommaire, le mémoire complémentaire et le nouveau mémoire, enregistrés les 6 novembre 2006, 6 février et 15 mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Aleksander A, demeurant à l... M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 11 juillet 2005 par laquelle la Commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2005 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant sa nouvelle demande d'asile ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 2 000 euros à verser à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Aleksander A et de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides,
- les conclusions de M. Julien Boucher, Rapporteur public ;
La parole ayant été à nouveau donnée à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. Aleksander A et de Me Foussard, avocat de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ;
Considérant que M. A, de nationalité biélorusse, s'est vu refuser la qualité de réfugié par une décision du 29 août 2003 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 13 septembre 2004 de la Commission des recours des réfugiés ; qu'après avoir présenté une demande de réexamen de son dossier, M. A se pourvoit en cassation contre la décision du 11 juillet 2005 par laquelle la Commission des recours des réfugiés a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 10 janvier 2005 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides lui refusant à nouveau le bénéfice du statut de réfugié ;
Considérant que dans le cas où la Commission des recours des réfugiés, devenue la Cour nationale du droit d'asile, a rejeté le recours d'une personne prétendant à la qualité de réfugié et où celle-ci, après le rejet d'une nouvelle demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, saisit de nouveau la commission, ce recours ne peut être examiné au fond par cette juridiction que si l'intéressé invoque des faits intervenus postérieurement à la première décision juridictionnelle ou dont il est établi qu'il n'a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision, et susceptibles, s'ils sont établis, de justifier les craintes de persécutions qu'il déclare éprouver ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la Commission des recours des réfugiés que, dans un mémoire complémentaire enregistré avant la clôture de l'instruction, M. A a présenté des conclusions tendant à l'octroi de la protection subsidiaire et soulevé un moyen tiré de l'intervention d'un jugement du 27 mai 2005 du tribunal administratif de Strasbourg qui, pour annuler un arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre en tant qu'il désignait la Biélorussie comme pays de destination, a jugé qu'il était établi que M. A serait exposé à des menaces graves de traitements inhumains en cas de retour dans son pays ; que la Commission des recours des réfugiés a omis de statuer sur ces conclusions et de répondre à ce moyen, alors qu'il lui appartenait de tenir compte de ce jugement ; que, par suite, M. A est fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'au soutien de sa nouvelle demande d'asile, M. A invoque un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 mai 2005 annulant, au motif d'une violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté préfectoral prononçant sa reconduite à la frontière en tant qu'il désignait la Biélorussie comme pays de destination ; que si cette décision du juge de la reconduite à la frontière ne s'impose pas avec l'autorité absolue de la chose jugée au juge de l'asile, eu égard à ses compétences propres et à son office, elle est de nature, dans les circonstances de l'espèce et eu égard aux faits sur lesquels s'est prononcé le tribunal administratif de Strasbourg, à rendre recevable la nouvelle demande de M. A ;
Considérant que lorsque le demandeur du statut de réfugié se prévaut d'un fait nouveau, le juge de l'asile, lorsqu'il estime que ce fait nouveau est pertinent et établi, doit se prononcer sur le droit de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des faits qu'il invoque dans sa nouvelle demande, y compris ceux déjà examinés par lui ; qu'en vertu du 2° du A de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951, la qualité de réfugié est notamment reconnue à toute personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut, ou du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (...) ; que le recours ouvert aux personnes prétendant à la qualité de réfugié a le caractère d'un recours de plein contentieux ; que, dès lors, il convient de se prononcer sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié d'après l'ensemble des circonstances de fait et de droit établies à la date de la présente décision ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction que les menaces de persécution dont M. A fait état soient fondées sur l'un des motifs énoncés à l'article 1er de la convention de Genève ; que, dès lors, c'est à bon droit que, par sa décision du 10 janvier 2005, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a refusé de reconnaître à M. A la qualité de réfugié ;
Mais considérant qu'il ressort de l'ensemble des éléments du dossier que M. A peut, à juste titre, craindre d'être exposé dans son pays d'origine à des menaces graves de traitements inhumains au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du b de l'article L. 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi d'ailleurs que l'a estimé le tribunal administratif de Strasbourg dans son jugement du 27 mai 2005 devenu définitif ; que, dès lors, M. A est fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire ;
Considérant que, devant le Conseil d'Etat, M. A a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le versement à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin de la somme de 2 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la Commission des recours des réfugiés du 11 juillet 2005 est annulée.
Article 2 : La décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 janvier 2005 est annulée en tant qu'elle rejette la demande de M. A tendant au bénéfice de la protection subsidiaire.
Article 3 : Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à M. A.
Article 4 : L'Office français de protection des réfugiés et apatrides versera à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. A, une somme de 2 000 euros en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 5 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Aleksander A et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Copie en sera adressée pour information au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.