Vu le pourvoi sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 juin et 17 septembre 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE, dont le siège est 1 rue Danton à Paris (75006), M. Roland A, demeurant ..., M. Marcel B, demeurant ..., Mme Hélène C, demeurant ..., M. Claude-Jean D, demeurant ... ; l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 12 avril 2007 portant agrément d'une machine à voter « ESF1 (HW 1.06/2.01-FW 4.02 ) » des sociétés NEDAP NV et France Election SARL ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code électoral ;
Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
Vu l'arrêté du 17 novembre 2003 approuvant un règlement technique fixant les modalités d'agrément des machines à voter ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Delion, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gaschignard, avocat de l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE et autres,
- les conclusions de M. Edouard Geffray, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE et autres demandent au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire du 12 avril 2007 portant agrément d'une machine à voter « ESF1 (HW 1.06/2.01-FW 4.02 ) » des sociétés NEDAP NV et France Election SARL ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57-1 du code électoral : Des machines à voter peuvent être utilisées dans les bureaux de vote des communes de plus de 3 500 habitants figurant sur une liste arrêtée dans chaque département par le représentant de l'Etat. Les machines à voter doivent être d'un modèle agréé par arrêté du ministre de l'intérieur et satisfaire aux conditions suivantes : / - comporter un dispositif qui soustrait l'électeur aux regards pendant le vote ; /- permettre aux électeurs handicapés de voter de façon autonome, quel que soit leur handicap ; / - permettre plusieurs élections de type différent le même jour à compter du 1er janvier 1991 ; / - permettre l'enregistrement d'un vote blanc ; /- ne pas permettre l'enregistrement de plus d'un seul suffrage par électeur et par scrutin ; / - totaliser le nombre des votants sur un compteur qui peut être lu pendant les opérations de vote ; / - totaliser les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, sur des compteurs qui ne peuvent être lus qu'après la clôture du scrutin ; / - ne pouvoir être utilisées qu'à l'aide de deux clefs différentes, de telle manière que, pendant la durée du scrutin, l'une reste entre les mains du président du bureau de vote et l'autre entre les mains de l'assesseur tiré au sort parmi l'ensemble des assesseurs. ; que, pour l'application de cet article, le ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire a, par un arrêté du 17 novembre 2003, approuvé le règlement technique fixant les modalités d'agrément des machines à voter ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 57-1 du code électoral que le législateur a permis l'agrément, par le ministre, de toutes les machines satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, y compris de celles qui utilisent des procédés informatiques ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ce ministre ne pouvait légalement agréer des dispositifs de vote informatique faute d'une habilitation expresse du législateur ne peut qu'être écarté ;
Considérant que les requérants soutiennent que la décision d'agrément attaquée méconnaît les articles L. 63 et L. 67 du code électoral, en faisant valoir que l'emploi d'une machine à voter rend impossibles les contrôles des opérations de vote qui sont prévus par ces articles du code afin de garantir le respect d'un principe de transparence des élections ; qu'un tel moyen, qui vise à mettre en cause le principe même de l'emploi de machines à voter prévu par les dispositions de l'article L. 57-1 du code électoral et les conditions d'agrément de ces machines, définies par ces dispositions législatives et précisées par l'arrêté précité du 17 novembre 2003 du ministre de l'intérieur fixant les modalités d'agrément des machines à voter, est en tout état de cause inopérant à l'encontre de l'arrêté attaqué ;
Considérant que la décision d'agrément d'une machine à voter n'ayant ni pour objet ni pour effet d'autoriser le traitement de données à caractère personnel, au sens des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, le moyen tiré du défaut de consultation préalable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés doit également être écarté ;
Considérant que les requérants soutiennent, enfin, que le dossier de demande d'agrément méconnaissait les prescriptions du règlement technique précité et notamment son article 2.1.1.1., qui impose que les pièces du dossier soient rédigées en français, l'article 4.2.1.2., qui prévoit la fourniture d'un dossier « qualité », d'une documentation technique, d'une notice technique, d'une notice d'installation et d'une notice d'utilisation, l'article 4.2.1.3, qui prévoit la fourniture d'un dossier « communes », l'article 2.1.1.2.2, qui prévoit une visite par l'opérateur agréé des installations du fournisseur et un rapport de visite et exige qu'il soit en possession de l'ensemble des pièces constitutives du dossier et des équipements, enfin l'article 2.1.2, qui prévoit la transmission à l'administration d'une attestation de conformité ; que, sur ces points, la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales se borne à faire valoir, dans son mémoire en défense, que ces moyens ont pour objet de faire échec à la décision du 29 octobre 2007 par laquelle la Commission d'accès aux documents administratifs a refusé de communiquer aux requérants le dossier de demande d'agrément au motif que cette communication porterait atteinte au secret en matière commerciale et industrielle et serait de nature à mettre en cause le déroulement régulier d'élections à venir ; que la ministre indique que l'administration est disposée à donner au juge accès à ce dossier de demande d'agrément mais qu'eu égard aux secrets qui le protègent, elle ne saurait le verser au dossier de la procédure contradictoire ;
Mais considérant qu'en l'état de l'instruction, le Conseil d'Etat ne dispose pas des éléments permettant de répondre aux moyens analysés ci-dessus ; que, dès lors que le litige ne porte pas, par lui-même, sur l'accès à un document administratif, les éléments nécessaires ne peuvent lui être apportés que dans le respect du débat contradictoire ; qu'en conséquence, il y a lieu avant dire droit d'ordonner à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de communiquer - pour versement au dossier de l'instruction écrite contradictoire - tous éléments utiles à la solution du litige et relatifs au contenu du dossier de demande d'agrément ; que, dans l'hypothèse où la ministre estimerait que ces informations, ou certaines d'entre elles, sont couvertes par un secret protégé par la loi et où elle estimerait, par suite, devoir refuser leur communication, il lui appartiendrait néanmoins de verser au dossier tous éléments d'information appropriés sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion, de façon à permettre au Conseil d'Etat de se prononcer en connaissance de cause sans porter, directement ou indirectement, atteinte aux secrets protégés par la loi ou imposés par des considérations relatives à la sûreté de l'Etat, à la défense et à la sécurité publique ; que, dans le cas où un refus serait opposé à cette demande d'information, il appartiendra au Conseil d'Etat, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de joindre, en vue du jugement à rendre, cet élément à l'ensemble des données fournies par le dossier ;
D E C I D E :
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Article 1er : Avant dire droit sur la requête n° 306563 de l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE et autres, tous droits et moyens des parties demeurant réservés, à l'exception de ceux sur lesquels il est statué par la présente décision, il est ordonné à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de communiquer au Conseil d'Etat, dans un délai de deux mois, les informations définies par les motifs de la présente décision.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION POUR LE CONTROLE CITOYEN DES MOYENS DE VOTE, à M. Roland , à M. Marcel , à Mme Hélène , à M. Claude-Jean , au Premier ministre et à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.