Vu le jugement du 27 décembre 2007 par lequel le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la demande présentée par M. Philippe Rudyard A ;
Vu la demande et les mémoires complémentaires, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Paris les 11 mars 2002, l 8 mars 2003 et le 13 novembre 2006, présentés par M. Philippe Rudyard A, demeurant ... ; M. A demande au juge administratif :
1°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 152 450 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du délai excessif du jugement des instances disciplinaires de l'ordre des chirurgiens dentistes et de la faute lourde commise par cette juridiction ;
2°) d'ordonner la publication de la décision à intervenir, au plus tard dans le mois suivant sa notification, dans plusieurs périodiques aux frais de l'Etat sous astreinte de 153 euros par jour de retard et par titre ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 050 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Gaëlle Dumortier, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Yves Struillou, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A recherche la responsabilité de l'Etat en réparation de préjudices qu'il impute à des dysfonctionnements des instances disciplinaires de l'ordre des chirurgiens dentistes ;
Sur les conclusions relatives au préjudice résultant d'un délai excessif de jugement :
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant qu'il résulte des principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives que les justiciables ont droit à ce que leurs requêtes soient jugées dans un délai raisonnable ; que, si la méconnaissance de cette obligation est sans incidence sur la validité de la décision juridictionnelle prise à l'issue de la procédure, les justiciables doivent pouvoir en faire assurer le respect ; qu'ainsi, lorsque la méconnaissance du droit à un délai raisonnable de jugement leur a causé un préjudice direct et certain, ils peuvent obtenir la réparation du dommage ainsi causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la publication dans la revue information dentaire , le 21 mars 1996, d'un article de M. A critiquant les procédures ordinales, le conseil départemental de Seine-Saint-Denis de l'ordre des chirurgiens-dentistes a déposé plainte le 29 janvier 1997 auprès du conseil régional d'Ile-de-France ; que le conseil régional n'ayant pas statué dans le délai de six mois prévu au troisième alinéa de l'article L. 417 du code de la santé publique, le conseil national de l'ordre a décidé, le 20 septembre 1998, de transmettre cette plainte au conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Rhône-Alpes ; que, par une décision du 5 mars 2001, le conseil régional a déclaré irrecevable la plainte déposée par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis ; que la durée de plus de quatre ans ainsi mise pour statuer sur cette affaire, qui ne présentait aucune difficulté particulière, est excessive ; que, dès lors, M. A est fondé à soutenir que son droit à un délai raisonnable de jugement a été méconnu et à demander la réparation par l'Etat du préjudice qu'il estime avoir subi pour ce motif ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la période pendant laquelle M. A a attendu l'issue de son litige lui a occasionné un préjudice moral consistant en des désagréments qui vont au-delà des préoccupations habituellement causées par un procès et dont il sera fait une juste appréciation en lui allouant une indemnité de 4 000 euros tous intérêts compris à la date de la présente décision ;
Sur les conclusions tendant à la réparation de préjudices imputés par M. A aux conséquences dommageables d'une faute lourde :
Considérant que M. A demande, en outre, la réparation des conséquences dommageables qu'il impute à la faute lourde qu'aurait commise la juridiction ordinale à la suite de la plainte introduite par le conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis ; que de telles conclusions relèvent du tribunal administratif de Paris ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. A, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A une somme de 4 000 euros.
Article 2 : L'Etat versera à M. A une somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le jugement des conclusions présentées par M. A tendant à la réparation des conséquences dommageables de la faute lourde qu'aurait commise la juridiction ordinale est renvoyé au tribunal administratif de Paris.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe Rudyard A et à la garde des sceaux, ministre de la justice.
Copie en sera adressée pour information au conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes, au conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Seine-Saint-Denis, au conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes d'Ile-de-France, au conseil régional de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Rhône-Alpes et au tribunal administratif de Paris.