Vu l'arrêt du 24 mai 2007 par lequel la cour administrative d'appel de Paris, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif de Paris rejetant la demande de M. Pierre-Yves A tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 080,42 euros en réparation de la perte de ses biens personnels lors d'émeutes survenues en mai et juin 1996 à Bangui (République Centrafricaine) et celle de 7 622,45 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence, a transmis cette demande au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative ;
Vu la demande, enregistrée le 28 mai 1998 au greffe du tribunal administratif de Paris, présentée par M. Pierre-Yves A, demeurant ..., tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 50 080,42 euros en réparation de la perte de ses biens personnels lors d'émeutes survenues en mai et juin 1996 à Bangui (République Centrafricaine) et celle de 7 622,45 euros en réparation de son préjudice moral et de ses troubles dans les conditions d'existence ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 72-662 du 13 juillet 1972 ;
Vu le décret n°67-290 du 28 mars 1967 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Philippe Mettoux, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Nicolas Boulouis, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, médecin en chef du service de santé des armées, a servi à compter de juin 1993, au titre de la coopération en qualité de conseiller technique dans le cadre du programme national de lutte contre la tripanosomiase et le sida au ministère de la santé publique et de la population à Bangui (République centrafricaine) ; qu'une mutinerie d'une partie de l'armée centrafricaine réclamant des impayés de solde a éclaté au mois de mai 1996, au cours de laquelle les mutins ont manifesté une vive hostilité à l'égard des autorités locales, comme de l'ensemble des ressortissants étrangers et se sont livrés à d'importants saccages et pillages des logements et des biens de ces derniers ; que le logement de M. A ayant été totalement pillé et dévasté, ce dernier a, au mois d'octobre 1996, saisi le ministre de la coopération d'une demande d'indemnisation de ses biens personnels endommagés ou disparus, à laquelle le ministre n'a satisfait que partiellement ; qu'il a formé un recours gracieux en vue d'obtenir l'indemnisation intégrale de la perte de ses biens matériels, portant sur un complément de 50 080,42 euros, outre 7 622,45 euros pour l'indemnisation de son préjudice moral ; que, par jugement en date du 9 janvier 2003, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ; que par un arrêt en date du 24 mai 2007, la cour administrative d'appel de Paris a annulé ce jugement et transmis la demande de M. A au Conseil d'Etat au motif que le litige entrait au nombre de ceux qui, en vertu du 3° de l'article R. 311-1 du code de justice administrative, relèvent de la compétence en premier et dernier ressort du Conseil d'Etat ;
Considérant qu'il n'est pas contesté qu'à raison des troubles graves et des risques encourus alors par les ressortissants étrangers présents sur le territoire centrafricain, le commandement français, pour assurer la sauvegarde personnelle de M. A, l'a maintenu sur place et placé sous commandement et protection militaires, tandis qu'il était procédé au rapatriement de sa famille ; que les biens constituant leur patrimoine ont été pillés ou détruits ; que les risques auxquels cette situation a exposé le requérant étaient sans commune mesure avec ceux qu'il avait librement consentis en se portant volontaire pour servir en République centrafricaine au titre de la coopération ; que le préjudice qu'il a subi est en rapport direct avec l'activité de service public à laquelle il participait ; que dès lors M. A est fondé à soutenir que la responsabilité de l'Etat est engagée à son égard du fait des risques exceptionnels auxquels il a été exposé ; que le ministre de la coopération et de la francophonie n'est pas fondé à lui opposer la force majeure, dès lors que les événements susmentionnés n'ont pas revêtu un caractère d'imprévisibilité, ainsi que le démontrent les mesures préventives prises par les autorités, notamment pour rapatrier les familles des agents présentes en République centrafricaine ;
Considérant qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices qu'il a subis en allouant à M. A une somme globale de 20 000 euros ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'Etat est condamné à verser à M. A la somme de 20 000 euros.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Pierre-Yves A et au ministre des affaires étrangères et européennes.
Une copie sera adressée au ministre de la défense et au secrétaire d'Etat auprès du ministre des affaires étrangères, chargé de la coopération.