Vu la requête, enregistrée les 24 février et 12 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Pierre A, demeurant ...; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) de rectifier pour erreur matérielle la décision du 18 janvier 2006 par laquelle, après avoir annulé l'arrêt du 21 janvier 2004 de la cour administrative d'appel de Paris, il l'a déchargé de la seule différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1987 et le montant des droits et pénalités résultant de l'imposition de la plus-value litigieuse à l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues par l'article 150 A bis du code général des impôts ;
2°) d'annuler l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 21 janvier 2004, ensemble le jugement du 6 avril 1999 du tribunal administratif de Paris ;
3°) de prononcer la décharge de l'imposition litigieuse ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 juillet 2008, présentée pour M. A ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Daumas, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Haas, avocat de M. A,
- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A demande la rectification pour erreur matérielle de la décision du 18 janvier 2006 par laquelle le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 21 janvier 2004 et imposé la plus-value née de la cession, en 1987, de droits sociaux qu'il détenait dans une société à prépondérance immobilière sur le fondement des dispositions de l'article 150 A bis du code général des impôts ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 833-1 du code de justice administrative : Lorsqu'une décision d'une cour administrative d'appel ou du Conseil d'Etat est entachée d'une erreur matérielle susceptible d'avoir exercé une influence sur le jugement de l'affaire, la partie intéressée peut introduire devant la juridiction qui a rendu la décision un recours en rectification ;
Considérant, en premier lieu, que M. A soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le Conseil d'Etat, il n'avait pas contesté le droit, pour le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, de présenter, en cas de cassation, une demande de substitution de base légale dans le cadre du règlement au fond du litige ; qu'en revanche, il avait contesté le fait que le ministre puisse demander au juge de cassation de reprendre, par la voie de la substitution, une base légale que l'administration fiscale avait elle-même abandonnée au stade de la notification de redressement ; que le Conseil d'Etat ayant accueilli après cassation et en tant que juge d'appel la demande de substitution de base légale présentée par le ministre, l'erreur alléguée dans l'interprétation des écritures du requérant au stade de la cassation, à la supposer avérée, est sans influence sur le jugement de l'affaire ;
Considérant, en second lieu, qu'il ressort des termes mêmes -et sans qu'il y ait à procéder à cet égard à une appréciation d'ordre juridique- des mémoires produits pour M. A à l'appui de son pourvoi dirigé contre l'arrêt du 21 janvier 2004 de la cour administrative d'appel de Paris, que l'intéressé avait invoqué de manière distincte des autres moyens, en cas de cassation, un moyen tiré de ce que la substitution de base légale demandée ne pouvait justifier, après l'expiration du délai de reprise, le maintien de l'imposition contestée sur un fondement précédemment abandonné par l'administration fiscale ; qu'en omettant de répondre à ce moyen, le Conseil d'Etat a entaché sa décision d'une erreur matérielle au sens des dispositions de l'article R. 833-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, l'actuelle requête en rectification de M. A est recevable ; qu'il y a lieu, par suite, d'examiner le bien-fondé de ce moyen dans le cadre du règlement au fond du litige ;
Considérant que l'expiration du délai de reprise prévu par les dispositions des articles L. 169 et suivants du code général des impôts fait seulement obstacle à ce que de nouveaux droits soient établis à l'encontre du contribuable ; qu'en revanche, elle ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale, qui ne peut renoncer au bénéfice de la loi fiscale, puisse à tout moment de la procédure et sans attenter au principe de sécurité juridique, invoquer un nouveau motif de droit propre à justifier l'imposition, sous réserve qu'une telle substitution de base légale ne prive pas le contribuable d'une garantie de procédure attachée à la nouvelle base légale invoquée ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la substitution de base légale demandée par le ministre après cassation ne pouvait justifier, après l'expiration du délai du droit de reprise, le maintien d'une imposition sur un fondement auquel l'administration fiscale avait précédemment renoncé avant d'établir cette imposition doit être écarté ;
Considérant, enfin, que si M. A soutient que le Conseil d'Etat aurait dû constater que la substitution de base légale demandée ne pouvait être valablement accueillie dans la mesure où elle l'a privé de la garantie essentielle de la prescription du délai du droit de reprise en raison de l'irrégularité de la notification de redressement du 20 décembre 1990, ce moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté, dès lors que, contrairement à ce que soutient M. A, l'administration pouvait sans irrégularité se borner à mentionner dans cette notification les motifs de droit et de fait justifiant les redressements au regard de la nouvelle base légale retenue, sans exposer les raisons pour lesquelles elle estimait devoir abandonner la précédente base légale invoquée, et sans qu'ait d'incidence sur ce point la circonstance que celle-ci ait été confirmée par l'administration dans sa réponse aux observations du contribuable en date du 10 janvier 1989 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les motifs de la décision du Conseil d'Etat en date du 18 janvier 2006 sont modifiés comme suit : après cassation, le début de la première phrase du troisième considérant relatif au bien-fondé de l'imposition est remplacé, avant les mots : pour justifier, par les dispositions suivantes : Considérant, toutefois, que le ministre peut à tout moment de la procédure contentieuse, alors même que le délai de reprise aurait expiré, demander.
Article 2 : Le dispositif de la décision susvisée reste inchangé.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre A et au ministre du budget, des comptes et de la fonction publique.