Vu la requête, enregistrée le 19 octobre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Yann A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 21 septembre 2006 par laquelle le président de la commission des recours des militaires a rejeté comme irrecevable son recours dirigé contre la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de la défense sur sa demande tendant à l'indemnisation des préjudices nés du retard mis par l'administration à faire droit à ses demandes successives d'admission à la retraite ;
2°) de lui allouer la somme de 145 643,66 euros, augmentée du montant des cotisations de retraite, cette somme étant assortie des intérêts légaux à compter du 16 septembre 2003 et d'ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis le 19 octobre 2006 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le code des pensions civiles et militaires ;
Vu la loi n° 2000-597 du 30 juin 2000 modifiée ;
Vu le décret n° 74-515 du 17 mai 1974 modifié, notamment son article 31 ;
Vu le décret n° 2001-407 du 7 mai 2001 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Christophe Guettier, chargé des fonctions de Maître des Requêtes,
- les observations Me Copper-Royer, avocat de M. A,
- les conclusions de M. Bertrand Dacosta, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, médecin en chef des armées, chef du service d'anesthésie-réanimation du centre hospitalier des armées de Cherbourg, est entré en service le 1er septembre 1975 ; qu'il a été nommé assistant le 11 septembre 1992 et a obtenu son diplôme d'études spécialisées en anesthésie le 30 octobre 1996 ; qu'ayant acquis ses droits à retraite à compter du 30 octobre 2000, il a sollicité à trois reprises son admission à la retraite par demandes datées des 14 février 2000, 23 octobre 2000 et 25 avril 2001 ; que ces demandes ont été rejetées par le ministre de la défense au motif que M. A « n'avait pas atteint le terme du délai pendant lequel il s'était engagé à rester en activité dans le cadre de sa formation spécialisée » ; que M. A a déposé le 16 janvier 2002 une quatrième demande d'admission à la retraite qui a été acceptée le 13 février 2002 ; qu'ainsi M. A a fait valoir ses droits à pension à compter du 6 mai 2002 ;
Considérant que M. A a déposé le 13 septembre 2003 auprès du ministre de la défense une requête tendant à la réparation des préjudices financiers et moraux occasionnés par son maintien en position d'activité entre le 30 octobre 2000 et le 6 mai 2002 ; qu'une décision implicite de refus est née le 16 novembre 2003 ;
Considérant que M. A a saisi le Conseil d'Etat le 16 janvier 2004 d'une requête demandant l'annulation de la décision implicite de rejet de sa requête ; que par une décision du 28 juin 2006, notifiée le 8 juillet 2006, le Conseil d'Etat a jugé que la requête de M. A était irrecevable faute d'avoir été préalablement examinée par la commission des recours des militaires ; que M. A a saisi la commission des recours des militaires le 5 septembre 2006 ; que celle-ci a déclaré son recours irrecevable par une décision du 21 septembre 2006 au double motif que le préjudice étant né de décisions prises avant le 1er septembre 2001, il n'entrait pas dans le champ de compétence de la commission et qu'en tout état de cause, il était frappé de forclusion en application de l'article 2 du décret du 7 mai 2001 modifié ;
Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 30 juin 2000 modifiée, « les recours contentieux formés par les agents soumis aux dispositions des lois n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et n° 72-662 du 13 juillet 1972 portant statut général des militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle sont, à l'exception de ceux concernant leur recrutement ou l'exercice du pouvoir disciplinaire, précédés d'un recours administratif préalable exercé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat » ; qu'aux termes de l'article 1er du décret du 7 mai 2001 dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n° 2005-1427 du 17 novembre 2005, « il est institué auprès du ministre de la défense une commission chargée d'examiner les recours formés par les militaires à l'encontre d'actes relatifs à leur situation personnelle, à l'exception de ceux mentionnés à l'article 23 de la loi du 30 juin 2000 susvisée. » ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions, que la commission des recours des militaires est compétente pour examiner le recours formulé par M. A contre la décision implicite de rejet de sa demande de réparation des conséquences dommageables des refus opposés à ses demandes d'admission à la retraite les 8 août 2000, 21 mars 2001 et 16 juillet 2001 ;
Considérant que l'article 2 du décret du 7 mai 2001 dans sa rédaction initiale disposait qu'« à compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission (...) » ; que dans sa version modifiée résultant du décret n° 2005-1427 du 17 novembre 2005, l'article 2 du décret du 7 mai 2001 dispose qu'« à compter de la notification ou de la publication de l'acte contesté, ou de l'intervention d'une décision implicite de rejet d'une demande, le militaire dispose d'un délai de deux mois pour saisir la commission (...) ; que la mention relative aux décisions implicites a ainsi été ajoutée par le décret du 17 novembre 2005, sans que celui-ci ne prévoit toutefois de dispositions particulières pour les décisions implicites nées antérieurement à son entrée en vigueur ; qu'en conséquence, la forclusion ainsi prévue pour les décisions implicites par les nouvelles dispositions de l'article 2 du décret modifié ne s'applique qu'aux décisions implicites intervenues postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 17 novembre 2005 ;
Considérant que la décision implicite de rejet de la demande de réparation formulée par M. A est intervenue le 16 novembre 2003, avant l'entrée en vigueur du décret du 17 novembre 2005 ; qu'il s'ensuit que le recours de M. A devant la commission des recours des militaires n'était pas frappé de forclusion ;
Considérant qu'il y a lieu d'annuler la décision du 21 septembre 2006 par laquelle la commission des recours des militaires a rejeté le recours de M. A du 5 septembre 2006 ; qu'il appartient à la commission d'examiner à nouveau le recours de M. A et de le transmettre avec son avis au ministre de la défense ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 21 septembre 2006 de la commission des recours des militaires rejetant le recours de M. A contre la décision implicite née le 16 novembre 2003 du rejet de sa demande de réparation des préjudices subis est annulée.
Article 2 : La commission des recours des militaires demeure saisie du recours de M. A contre la décision implicite de rejet par le ministre de la défense de sa demande du 16 septembre 2003.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. A est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. A la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Yann A et au ministre de la défense.