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07/07/2008 | FRANCE | N°316300

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 07 juillet 2008, 316300


Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Marie-Chantal A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 septembre 2007 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant d'attribuer des visas de long

séjour à ses cinq enfants ;

elle soutient que l'urgence résult...

Vu la requête, enregistrée le 19 mai 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Marie-Chantal A, demeurant ... ; Mme A demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours dirigé contre la décision du 6 septembre 2007 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant d'attribuer des visas de long séjour à ses cinq enfants ;

elle soutient que l'urgence résulte de l'atteinte grave à son droit de mener une vie familiale normale, qui perdure depuis le 10 janvier 2005, date à laquelle il a été fait droit à sa demande de regroupement familial ; qu'il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; qu'en effet, elle est insuffisamment motivée au regard des dispositions de l'article L. 211-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté la demande de visas formulée après que les enfants de Mme A ont été autorisés à venir en France au titre du regroupement familial et alors que leur lien de filiation avec Mme A avait été établi par acte authentique ; qu'elle porte une atteinte disproportionnée au droit de Mme A de mener une vie familiale normale au regard des buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la copie du recours enregistré le 25 octobre 2007 devant la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et la copie de la requête à fin d'annulation ;

Vu, enregistré le 17 juin 2008, le mémoire présenté par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient qu'il n'est pas satisfait à la condition d'urgence dès lors que la séparation de la famille est due à l'initiative de la requérante, qui ne justifie pas avoir conservé la moindre relation avec les membres de sa famille ; que la décision n'est pas insuffisamment motivée, Mme A n'ayant pas sollicité de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France la communication des motifs du rejet implicite, tel que le requiert l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle n'est pas entachée d'erreur de droit, la production d'un acte d'état civil frauduleux ou apocryphe constituant un motif d'ordre public de nature, à lui seul, à justifier le refus du visa sollicité ; qu'elle ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les liens de filiation n'étant pas établis avec certitude, Mme A ne justifiant pas d'une participation à l'entretien ou à l'éducation des enfants, et en l'absence d'impossibilité pour elle de se rendre régulièrement au Congo ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part Mme Marie-Chantal A et d'autre part, le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du vendredi 20 juin 2008 à 15h30 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Odent, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de Mme A ;

- Mme Marie-Chantal A ;

- la représentante du ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire ;

et à l'issue de laquelle le juge des référés a décidé de prolonger l'instruction ;

Vu le mémoire et les pièces complémentaires, enregistrés le 25 juin 2008, présentés pour Mme A ;

Vu, enregistré le 2 juillet 2008, le nouveau mémoire produit par le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire, qui conclut au rejet de la requête ; il soutient que les éléments complémentaires produits ne suffisent pas à lever les incertitudes qui existent quant à l'état civil des enfants et quant aux liens que Mme A aurait conservés avec eux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision » ;

Considérant que Mme Marie-Chantal A, ressortissante de la République démocratique du Congo, est entrée en France en 2001 ; que, si le bénéfice du statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 18 février 2002, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 14 octobre 2002, elle est titulaire d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans ; qu'elle a formulé, le 9 juin 2004, une demande de regroupement familial en faveur de ses cinq enfants, nés entre 1990 et 2000 ; que le préfet du Loir-et-Cher a donné une réponse positive à cette demande ; que toutefois les autorités consulaires à Kinshasa ont refusé les visas sollicités ;

Considérant que, dans le cas où le préfet a fait droit à une demande de regroupement familial, seuls des motifs d'ordre public peuvent justifier que les autorités consulaires ne délivrent pas le visa sollicité en vue de ce regroupement ; qu'en l'espèce, le refus de visa litigieux se fonde sur les doutes éprouvés par les autorités consulaires quant à l'authenticité des documents produits pour justifier de l'état civil des enfants de Mme A ; que, si la production de documents apocryphes ou falsifiés constitue un motif d'ordre public susceptible d'être légalement opposé à une demande de visa, les explications présentées par la requérante au cours de l'instruction de la procédure de référé ainsi que les documents qu'elle a produits pour justifier des liens qu'elle entretient avec les enfants, d'une part, la difficulté de faire établir en République démocratique du Congo des documents d'état civil réguliers, d'autre part, font naître, en l'état de l'instruction et au regard de l'ensemble des circonstances de l'affaire, un doute sérieux quant à la pertinence du motif d'ordre public retenu par l'administration ; que l'atteinte portée à la vie familiale de la requérante, qui a justifié par de graves difficultés de santé des raisons pour lesquelles elle n'avait pas sollicité le regroupement familial dès son arrivée en France, est constitutive d'une situation d'urgence ; qu'il y a lieu dès lors de suspendre l'exécution des refus de visa contestés ; qu'il appartient en conséquence au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminer les demandes de visa au regard des motifs de la présente ordonnance ;

O R D O N N E :

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Article 1er : L'exécution de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours de Mme A contre la décision du 6 septembre 2007 de l'ambassadeur de France en République démocratique du Congo refusant d'attribuer des visas de long séjour à ses cinq enfants est suspendue. Le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire de réexaminera les demandes de visa au regard des motifs de la présente ordonnance.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 316300
Date de la décision : 07/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 07 jui. 2008, n° 316300
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Bernard Stirn
Avocat(s) : ODENT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:316300.20080707
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