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02/05/2008 | FRANCE | N°315724

France | France, Conseil d'État, Juge des référés, 02 mai 2008, 315724


Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, dont le siège social est 65 rue de Gergovie à Paris (75014), représentée par son président M. Pierre-Louis A; l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension des effets du décret du 17 avril 2008, par lequel le Premier ministre a décidé de dissoudre l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULO

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Vu la requête, enregistrée le 28 avril 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, dont le siège social est 65 rue de Gergovie à Paris (75014), représentée par son président M. Pierre-Louis A; l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS demande au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension des effets du décret du 17 avril 2008, par lequel le Premier ministre a décidé de dissoudre l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, dans l'attente de la décision à intervenir sur le recours en annulation dudit décret ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de publier un communiqué informant la presse et les membres de l'association de la décision de suspension, dans l'attente de la décision à intervenir sur le recours en annulation dudit décret ;

3°) d'enjoindre à l'Etat de ne pas faire obstacle à la réunion des membres de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS en vue d'assister aux matches du Paris Saint-Germain dans l'attente de la décision à intervenir sur le recours en annulation dudit décret ;

4°) d'enjoindre à l'Etat de ne pas faire obstacle à la réunion et à la communication des membres de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS via un site internet dans l'attente de la décision à intervenir sur le recours en annulation dudit décret ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que l'urgence résulte du caractère radical et définitif de la mesure, qui entraîne la privation pour les membres de l'association du droit de se regrouper ou de se réunir en vue d'accomplir son objet social de soutien au Paris Saint Germain, alors que le championnat n'est pas terminé, ce qui préjudicie de manière suffisamment certaine et immédiate à l'association et à ses membres ; que le décret porte atteinte aux libertés d'association, de réunion et de communication, qui sont des libertés fondamentales ; que cette atteinte est grave, dans la mesure où la dissolution est définitive et irrévocable, empêchant les membres de cette association ancienne de se regrouper ; que cette atteinte est manifestement illégale, la procédure suivie devant la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives n'ayant pas respecté les droits de la défense, le délai imparti à l'association pour présenter ses observations étant trop court pour qu'elle soit en mesure de préparer sa défense, en méconnaissance des articles L. 332-18 du code du sport et 3 du décret n° 2006-1550 du 8 décembre 2006 ; que la procédure contradictoire n'a été suivie que pour respecter les formes, la décision étant déjà prise antérieurement ; que le décret de dissolution de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS ne repose sur aucun acte répété et commis en réunion dont la matérialité, l'imputabilité à plusieurs membres de l'association et le caractère condamnable seraient caractérisés avec certitude ; que la dissolution est disproportionnée, l'interdiction de stade étant une mesure plus adaptée à la sanction d'actes commis de manière individuelle ; que les griefs mentionnés dans le décret de dissolution ne portent que sur des enquêtes en cours, sans condamnation prononcée par l'autorité judiciaire et sur un amalgame entre supporteurs membres de l'association et supporteurs indépendants ; que la requête en annulation enregistrée le 28 avril 2008 justifie l'usage par le juge des référés du prononcé de la suspension et des mesures d'injonction sollicitées ;

Vu le décret du 17 avril 2008 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2008, présenté par la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, qui conclut au rejet de la requête, au motif que le délai dont disposait l'association pour présenter ses observations était suffisant, compte tenu de la nécessité de préserver l'ordre public ; que les membres de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives ont eu connaissance de ces observations avant la séance, et que les membres de l'association ont pu présenter leurs observations orales au cours de la séance ; que la matérialité et l'imputabilité des faits reprochés à l'association sont établies par des rapports de police, suite à des interpellations et à des suites administratives ou judiciaires ; que l'ensemble des agissements imputés aux membres de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS sont constitutifs de violences répétées contre les biens ou les personnes, d'incitation à la haine ou à la discrimination au sens de l'article L. 332-18 du code du sport ; que l'administration n'a pas commis d'erreur de droit, dans la mesure où la légalité du décret de dissolution n'est pas conditionnée par des condamnations pénales, dès lors que les faits reprochés correspondent à la qualification retenue par l'article L. 332-18 du code du sport ; que la dissolution n'est pas disproportionnée, cette mesure étant la seule de nature à mettre un terme à l'existence de cette association, qui porte en elle-même atteinte à l'ordre public ;

Vu le procès-verbal de l'audience du mercredi 30 avril 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du sport, notamment ses article L. 332-18, L. 332-19, R. 332-11 et R. 332-12 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS et, d'autre part, le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du mercredi 30 avril 2008 au cours de laquelle ont été entendus :

- Me Gatineau, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de l'association requérante ;

- M. Pierre-Louis Dupont, président de l'association requérante ;

- le représentant de la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures » ;

Considérant que, par décret du 17 avril 2008, le Premier ministre a, sur le fondement de l'article L. 332-18 du code du sport, prononcé la dissolution de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, qui a pour objet social de « soutenir pacifiquement le Paris-Saint-Germain par des animations dans les tribunes des stades où l'équipe est appelée à disputer une rencontre » ; qu'eu égard aux conséquences qui sont attachées à sa nature cette mesure porte une atteinte grave au moins à la liberté d'association qui constitue une liberté fondamentale et crée pour l'association dissoute une situation qui justifie l'urgence de sa demande ;

Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 2 de ses statuts, l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS a pour objet de soutenir le « Paris-Saint-Germain » ; qu'en estimant implicitement mais nécessairement qu'elle avait pour objet le soutien à l'association Paris Saint Germain Football Club, qui a constitué, en application de l'article L. 122-1 du code du sport, une société anonyme sportive professionnelle dénommée « Paris-Saint-Germain Football », pour gérer ses manifestations sportives payantes et donnant lieu à versement de rémunération ainsi que pour gérer et animer son secteur professionnel, les auteurs du décret du 17 avril 2008 n'ont, alors même que l'association requérante a conclu une convention avec la société anonyme sportive professionnelle le 3 novembre 2005 ni manifestement méconnu le champ d'application de l'article L. 332-18 du code du sport ni, en tout état de cause, manifestement méconnu le principe de l'interprétation restrictive des incriminations ;

Considérant, en second lieu, que le délai imparti à l'association requérante par la commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives pour présenter sa défense en application de l'article R. 332-12 du code du sport expirait le 15 avril à 12 heures, la notification des griefs ayant été effectuée, selon ses propres affirmations, le 9 avril ; que dans ce délai l'association a présenté des observations écrites le 14 avril ; qu'elle a pu présenter ses observations orales lors de la séance du 16 avril ; qu'en outre l'association ne fait état devant le Conseil d'Etat d'aucun élément précis qu'elle n'aurait pas été en mesure de faire valoir avant que la commission n'ait rendu son avis ; qu'il ne résulte ni des pièces du dossier, ni des débats oraux, que la décision était prise avant même que n'ait été suivie la procédure contradictoire ; que dès lors, le décret attaqué n'est pas manifestement illégal en raison d'une méconnaissance des droits de la défense ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 332-18 du code du sport : « Peut-être dissous par décret, après avis de la Commission nationale consultative de prévention des violences lors des manifestations sportives, toute association ou groupement de fait ayant pour objet le soutien à une association sportive mentionnée à l'article L. 122-1, dont des membres ont commis en réunion, en relation ou à l'occasion d'une manifestation sportive, des actes répétés constitutifs de dégradations de biens, de violence sur des personnes ou d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes, à raison de leur origine, de leur orientation sexuelle, de leur sexe ou de leur appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée » ; que la mesure de dissolution ainsi prévue est indépendante des poursuites pénales ; que si les griefs qui sont retenus par le décret du 17 avril 2008 reposent sur des faits auxquels ont parfois aussi participé des supporteurs n'appartenant pas à l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, ils sont établis dans leur matérialité et dans leur imputabilité à des membres de cette association par le rapport de police figurant en annexe de la proposition de dissolution de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS formulée le 3 avril 2008 par le préfet de police ; qu'ainsi c'est sans illégalité manifeste que le décret attaqué retient comme établie, imputable à des membres des Boulogne Boys et répondant aux conditions posées par le premier alinéa de l'article L. 332-18 du code du sport, la participation répétée, commise en réunion, de membres de l'association à des actes de violences à l'occasion des matches PSG-Tel Aviv (23 novembre 2006), Nice-PSG (24-25 novembre 2007), Marseille-PSG (17 février 2008 au cours du déplacement), ainsi qu'à « des actes d'incitation à la haine ou à la discrimination contre des personnes à raison de leur origine(29 mars 2008 PSG-Lens) ou de leur appartenance vraie ou supposé à une ethnie, une nation, une race... déterminée(17 février 2008 transport à Marseille) » ; qu'en l'état de l'instruction, il apparaît que les auteurs du décret auraient pris la même décision s'ils n'avaient retenus que ces seuls griefs ;

Considérant, enfin, qu'eu égard à l'accumulation des faits et à leur gravité, la mesure de dissolution n'est pas manifestement disproportionnée à l'objectif de protection de l'ordre public sur les stades en vue duquel elle a été édictée ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête en l'absence d'atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut, y compris la demande de remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens, qu'être rejetée ;

O R D O N N E :

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Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'ASSOCIATION NOUVELLE DES BOULOGNE BOYS, au Premier ministre, ainsi qu'à la ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.


Synthèse
Formation : Juge des référés
Numéro d'arrêt : 315724
Date de la décision : 02/05/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 mai. 2008, n° 315724
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Serge Daël
Avocat(s) : SCP GATINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:315724.20080502
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