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21/03/2008 | FRANCE | N°291223

France | France, Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 21 mars 2008, 291223


Vu l'ordonnance du 7 mars 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 mars 2006, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour pour l'ASSOCIATION ESSOR 93 dont le siège social est situé 25, allée de l'Eglise au Raincy (93340) ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 28 février 2006 et le mémoire complémentaire enregistré au secrétaria

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Vu l'ordonnance du 7 mars 2006, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 13 mars 2006, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à cette cour pour l'ASSOCIATION ESSOR 93 dont le siège social est situé 25, allée de l'Eglise au Raincy (93340) ;

Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Versailles le 28 février 2006 et le mémoire complémentaire enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 19 septembre 2006, présentés pour l'ASSOCIATION ESSOR 93 ; l'ASSOCIATION ESSOR 93 demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement en date du 31 octobre 2005 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande qui tendait à la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 dans les rôles de la commune du Blanc-Mesnil ;

2°) réglant l'affaire au fond, de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jérôme Michel, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de l'ASSOCIATION ESSOR 93,

- les conclusions de Mme Nathalie Escaut, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'ASSOCIATION ESSOR 93, qui a pour objet statutaire de faciliter aux jeunes en difficultés âgés de 18 à 25 ans, aux pupilles de l'Etat, aux anciens pupilles de l'Etat, aux majeurs confiés ou ayant été confiés à l'aide sociale à l'enfance de la Seine-Saint-Denis, leur insertion scolaire, sociale, professionnelle, l'accès au logement, à leurs droits, à la santé et au statut de citoyen à part entière, a conclu une convention avec l'Etat le 28 juin 1996, sur le fondement des dispositions de l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale lui permettant de recevoir des aides publiques subordonnées, notamment, à son engagement d'accueillir à titre temporaire des personnes ou des familles défavorisées qui se trouvent sans domicile ou nécessitent un accueil temporaire dans les locaux dont elle dispose ou qu'elle mobilise auprès de bailleurs privés ou publics ou de gérants d'hôtels meublés ; que, dans ce cadre, l'ASSOCIATION ESSOR 93 a attribué à des personnes défavorisées avec lesquelles elle a conclu des contrats d'hébergement deux logements situés sur le territoire de la commune du Blanc-Mesnil ; que l'ASSOCIATION ESSOR 93 se pourvoit en cassation contre le jugement en date du 31 octobre 2006 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes qui tendaient à la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 dans les rôles de la commune du Blanc-Mesnil ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes des dispositions du II de l'article 1414 du code général des impôts : Sont dégrevés d'office... : 2°) les organismes ne se livrant pas à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif, lorsqu'ils sont agréés dans les conditions prévues à l'article 92 L. par le représentant de l'Etat dans le département ou lorsqu'ils ont conclu une convention avec l'Etat conformément à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale, à raison des logements qu'ils louent en vue de leur sous-location ou de leur attribution à titre temporaire aux personnes défavorisées mentionnées à l'article 1er de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 modifiée visant à la mise en oeuvre du droit au logement... ; que ces dispositions réservent le dégrèvement qu'elles prévoient aux personnes répondant aux critères tirés de la non-lucrativité, du conventionnement ou de l'agrément et du mode d'occupation des logements qu'elles doivent louer et mettre à disposition des personnes défavorisées par une sous-location ou attribution temporaire ; que pour l'application de ces dispositions, l'administration ne peut refuser le dégrèvement d'office qu'elles instituent en se fondant sur la seule durée effective d'occupation des logements par les personnes visées, laquelle peut être variable selon les modalités d'intervention des organismes concernés et les finalités qu'ils poursuivent ;

Considérant, en premier lieu, que pour écarter la demande de l'ASSOCIATION ESSOR 93, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'absence de la déclaration exigée par les dispositions de l'article 322 de l'annexe III au code général des impôts pour pouvoir bénéficier du dégrèvement d'office de la taxe d'habitation prévu à l'article 1414-II du même code, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et notamment des écritures de l'administration en défense, que l'ASSOCIATION ESSOR 93 avait souscrit lesdites déclarations ; qu'ainsi, l'un des motifs retenus par le tribunal est entaché d'inexactitude matérielle ;

Considérant, en second lieu, qu'en opposant à l'ASSOCIATION ESSOR 93 les énonciations de l'instruction 6-D-3-99 du 7 juillet 1999 prise pour l'application des dispositions précitées de l'article 1414-II du code général des impôts, au demeurant et en tout état de cause, non publiée au Journal officiel de la République française, par laquelle l'administration indique que le caractère temporaire de l'occupation d'un logement par une personne s'entend, à titre de règle pratique, d'une durée n'excédant pas une période consécutive de six mois, pour juger que l'occupation des logements litigieux pendant plus de six mois, par les mêmes personnes justifiait le refus de dégrèvement de la taxe d'habitation au titre des années 2003 et 2004, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; que, par suite, l'ASSOCIATION ESSOR 93 est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

Considérant qu'il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1407 du code général des impôts : I. La taxe d'habitation est due : 1° Pour tous les locaux meublés affectés à l'habitation ; et qu'aux termes de l'article 1408 du même code : I. La taxe est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que ce soit, la disposition ou la jouissance des locaux imposables... ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et, notamment, des contrats d'hébergement conclus entre l'ASSOCIATION ESSOR 93 et les personnes défavorisées à qui elle attribue à titre temporaire des logements, que ces personnes ne tiennent des stipulations contractuelles aucun droit au maintien dans les locaux ; que lesdits contrats sont résiliables sans délai ni préavis pour les personnes qui ne se seraient pas présentées à trois rendez-vous successifs d'accompagnement social ; que le préavis n'est que d'un mois pour toute autre violation des clauses du contrat hébergement ; que les nuisances au voisinage, les actes de vandalisme, de dégradation, les manquements constatés à l'hygiène, à la propreté ou à l'entretien du local ou des biens sont sanctionnés par l'expulsion immédiate des occupants des logements ; qu'enfin, il est interdit aux personnes hébergées de domicilier un tiers dans le logement qui leur a été attribué ; que, compte tenu de l'ensemble de ces restrictions ainsi mises à la libre occupation des logements par les personnes concernées, celles-ci ne peuvent être regardées comme en ayant eu la libre disposition ou jouissance au sens des dispositions précitées de l'article 1408 du code général des impôts ; que, par suite, l'ASSOCIATION ESSOR 93 n'est pas fondée à soutenir qu'eu égard aux modalités d'occupation des logements qu'elle attribue aux personnes défavorisées, elle n'aurait pas la qualité de redevable de la taxe d'habitation ;

Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'administration ne pouvait se fonder sur la seule durée effective d'occupation des deux logements, situés respectivement 6, allée Eole et 23, allée Arc-en-Ciel au Blanc-Mesnil, par les personnes à qui l'ASSOCIATION ESSOR 93 les avait attribués pour refuser le dégrèvement d'office de la cotisation de taxe d'habitation à laquelle elle avait le droit sur le fondement du 2° du II de l'article 1414 précité du code général des impôts, dès lors que ces logements mis à disposition pour une durée d'un mois renouvelable avec une durée maximale de deux ans sont attribués à titre temporaire à des personnes en difficulté afin de leur permettre de retrouver des conditions d'emploi et de ressources leur permettant d'accéder ultérieurement au marché locatif dans les conditions du droit commun ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION ESSOR 93 est fondée à demander la décharge des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais engagés dans l'instance par l'ASSOCIATION ESSOR 93 et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 31 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : L'ASSOCIATION ESSOR 93 est déchargée des cotisations de taxe d'habitation auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2003 et 2004 dans les rôles de la commune du Blanc-Mesnil.

Article 3 : L'Etat versera à l'ASSOCIATION ESSOR 93 une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION ESSOR 93 et au ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique.


Synthèse
Formation : 8ème et 3ème sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 291223
Date de la décision : 21/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-031 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPOSITIONS LOCALES AINSI QUE TAXES ASSIMILÉES ET REDEVANCES. TAXE D'HABITATION. - A) DÉGRÈVEMENT D'OFFICE - ORGANISMES NON LUCRATIFS CONVENTIONNÉS OU AGRÉÉS, LOUANT OU METTANT À DISPOSITION DES PERSONNES DÉFAVORISÉES DES LOGEMENTS À TITRE TEMPORAIRE (2° DU II DE L'ARTICLE 1414 DU CGI) - CONDITION - DURÉE EFFECTIVE D'OCCUPATION - ABSENCE - B) PERSONNES QUI ONT, À QUELQUE TITRE QUE CE SOIT, LA DISPOSITION OU LA JOUISSANCE DES LOCAUX IMPOSABLES (ARTICLE 1408 DU CGI) - CHAMP D'APPLICATION - EXCLUSION - PERSONNES DÉFAVORISÉES BÉNÉFICIANT, À DES CONDITIONS RESTRICTIVES, D'UN LOGEMENT À TITRE TEMPORAIRE MIS À DISPOSITION PAR UN ORGANISME ENTRANT DANS LE CHAMP DU 2° DU II DE L'ARTICLE 1414 DU CGI - INCLUSION - ORGANISME CONVENTIONNÉ ENTRANT DANS LE CHAMP DU 2° DU II DE L'ARTICLE 1414 DU CGI.

19-03-031 a) Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui, dans l'application des dispositions du 2° du II de l'article 1414 du code général des impôts prévoyant le dégrèvement d'office de la taxe d'habitation au profit des organismes non lucratifs, conventionnés ou agréés, sous-louant ou attribuant aux personnes défavorisées des logements à titre temporaire, s'attache pour l'appréciation du caractère temporaire à la seule durée effective d'occupation, sans prendre en compte les conditions dans lesquelles ces logements sont attribués et sans examiner si les critères de non-lucrativité, de conventionnement ou d'agrément de l'organisme et de mode d'occupation des logements sont remplis.,,b) Compte tenu de l'ensemble des restrictions mises à l'occupation de logements attribués aux personnes défavorisées par l'association conventionnée, ces dernières ne peuvent être regardées comme en ayant la libre disposition ou la jouissance au sens des dispositions de l'article 1408 du code général des impôts et l'association conventionnée n'est par suite pas fondée à soutenir qu'eu égard aux modalités d'occupation de ces logements, elle n'aurait pas la qualité de redevable de la taxe d'habitation.


Publications
Proposition de citation : CE, 21 mar. 2008, n° 291223
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Jérôme Michel
Rapporteur public ?: Mme Escaut Nathalie
Avocat(s) : SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2008:291223.20080321
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