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09/11/2007 | FRANCE | N°298911

France | France, Conseil d'État, 6ème et 1ère sous-sections réunies, 09 novembre 2007, 298911


Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A., dont le siège est 253, boulevard Pereire à Paris (75017) ; la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 5 octobre 2006 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers lui infligeant une sanction en ce qu'elle a ordonné la publication de cette sanction au « Bulletin des annonces légales obligatoires » ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés fi

nanciers ; elle soutient, en premier lieu, que la décision est ...

Vu la requête, enregistrée le 20 novembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A., dont le siège est 253, boulevard Pereire à Paris (75017) ; la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision en date du 5 octobre 2006 de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers lui infligeant une sanction en ce qu'elle a ordonné la publication de cette sanction au « Bulletin des annonces légales obligatoires » ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ; elle soutient, en premier lieu, que la décision est insuffisamment motivée ; en deuxième lieu, que la commission des sanctions a commis une erreur de droit en omettant de procéder à une mise en balance des intérêts en présence et en ne prenant pas en compte l'ancienneté des faits reprochés à la société ; en troisième lieu, que la publication méconnaît les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de son absence de proportionnalité et de son caractère tardif ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 octobre 2007, présentée pour la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché ;

Vu le code monétaire et financier ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Dacosta, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la SOCIÉTÉ BOURSE DIRECT SA et de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de l'Autorité des marchés financiers,

- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier, dans leur rédaction alors applicable, les pratiques mentionnées à l'article L. 621-14 du même code pouvaient faire l'objet d'une sanction pécuniaire plafonnée à 1 500 000 euros ou, si des profits avaient été réalisés, au décuple de leur montant ; qu'en outre, la Commission des opérations de bourse pouvait ordonner la publication de sa décision, aux frais de l'intéressé, dans les journaux et publications qu'elle désignait ; qu'une telle faculté a été maintenue par le même article, dans sa rédaction issue de la loi du 1er août 2003, s'agissant de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers, qui s'est substituée à la Commission des opérations de bourse ; qu'en application de ces dispositions, la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers à infligé à la SOCIÉTÉ BOURSE DIRECT S.A. une sanction pécuniaire de 5000 euros en raison des insuffisances de sa communication financière et pour avoir acheté ses propres titres alors qu'elle s'apprêtait à publier ses résultats ; qu'en outre, la commission des sanctions a ordonné la publication de sa décision au « Bulletin des annonces légales obligatoires » ainsi que sur le site internet et dans la revue de l'Autorité des marchés financiers ; que la société requérante ne sollicite l'annulation de la décision de la commission des sanctions qu'en tant qu'elle a ordonné cette publication ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'Autorité des marchés financiers tirée du caractère indivisible de la décision de la commission des sanctions :

Considérant que la décision par laquelle la commission des sanctions rend publique, aux frais de l'intéressé, la sanction qu'elle prononce constitue une sanction complémentaire ; qu'eu égard à son objet, qui, outre sa portée punitive, est de porter à la connaissance de toutes les personnes intéressées tant les irrégularités qui ont été commises que les sanctions que celles-ci ont appelées, afin de satisfaire aux exigences d'intérêt général relatives au bon fonctionnement du marché, à la transparence des opérations et à la protection des épargnants, cette sanction complémentaire, contrairement à ce qui est soutenu par l'Autorité des marchés financiers, est distincte de la sanction pécuniaire prononcée ; que, par suite, les conclusions de la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A., qui tendent à sa seule annulation, sont recevables ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

Considérant, en premier lieu, que si la décision par laquelle la commission des sanctions rend publique la sanction prononcée a le caractère, ainsi qu'il a été dit, d'une sanction complémentaire, elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, distincte de la motivation d'ensemble de la sanction principale ; que cette motivation d'ensemble ne saurait être regardée, dans la présente affaire, comme insuffisante, alors, d'ailleurs, qu'il est en outre relevé par la décision attaquée après un rappel des finalités propres de la publication qu'aucune circonstance de l'espèce n'y fait obstacle ;

Considérant, en deuxième lieu, que la décision par laquelle la commission des sanctions rend publique la sanction prononcée se trouve nécessairement soumise, en tant que sanction complémentaire, et alors même que la loi ne le prévoirait pas expressément, au respect du principe de proportionnalité ; que, par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'article L. 621-15 du code monétaire et financier serait incompatible avec l'article 14 de la directive 2003/6/CE du 28 janvier 2003 sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché, au seul motif qu'il ne reprendrait pas la mention, figurant dans la directive, selon laquelle les sanctions prononcées ne peuvent être rendues publiques lorsque cette publication causerait un préjudice disproportionné aux parties en cause ; que le moyen tiré de ce que la commission des sanctions aurait commis une erreur de droit en faisant application de l'article L. 621-15 du code monétaire et financier ne peut donc qu'être écarté ; que, par ailleurs, il résulte des termes mêmes de sa décision que, contrairement à ce qui est soutenu, la commission des sanctions ne s'est pas abstenue de mettre en balance les intérêts en présence ;

Considérant, en dernier lieu, que si la société requérante fait valoir que les irrégularités reprochées à la société sont anciennes, ayant été commises durant la période 2001-2003, que la nouvelle direction de la société y a mis fin et que, par suite, la publication de la sanction, en portant atteinte à sa réputation, lui cause un préjudice excessif, il résulte des termes mêmes de la sanction attaquée que son montant a été fixé à un niveau symbolique pour tenir compte des dispositions prises par la nouvelle direction afin d'assurer une bonne application de la réglementation ; que, dans ces conditions, la publication de la sanction infligée à la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. ne saurait être regardée comme lui ayant causé un préjudice excessif au regard des exigences d'intérêt général qui la justifiaient ; qu'enfin, le moyen tiré de ce que la procédure suivie aurait excédé un délai raisonnable au sens de l'article 6, § 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne saurait, en tout état de cause, être utilement invoqué à l'appui d'un recours tendant à l'annulation d'une décision administrative ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision attaquée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. le versement à l'Autorité des marchés financiers d'une somme de 3000 euros au titre des dispositions de cet article ;

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. est rejetée.

Article 2 : La SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. versera à l'Autorité des marchés financiers une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE BOURSE DIRECT S.A. et à l'Autorité des marchés financiers.


Synthèse
Formation : 6ème et 1ère sous-sections réunies
Numéro d'arrêt : 298911
Date de la décision : 09/11/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 09 nov. 2007, n° 298911
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Daël
Rapporteur ?: M. Bertrand Dacosta
Rapporteur public ?: M. Guyomar Mattias
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP LYON-CAEN, FABIANI, THIRIEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2007:298911.20071109
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