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24/09/2007 | FRANCE | N°293630

France | France, Conseil d'État, 1ère et 6ème sous-sections réunies, 24 septembre 2007, 293630


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 mars 2006 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a, à la demande de M. Gabriel A, d'une part, annulé la décision du 7 juin 2005 de la commission départementale d'aide sociale des Pyrénées-Atlantiques rejetant sa

demande tendant à la réformation de la décision du 25 avril 2005 par laq...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 septembre 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES, représenté par le président du conseil général ; le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 mars 2006 par laquelle la commission centrale d'aide sociale a, à la demande de M. Gabriel A, d'une part, annulé la décision du 7 juin 2005 de la commission départementale d'aide sociale des Pyrénées-Atlantiques rejetant sa demande tendant à la réformation de la décision du 25 avril 2005 par laquelle le président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques lui a refusé le bénéfice du revenu minimum d'insertion et, d'autre part, renvoyé M. A devant l'administration pour qu'il soit statué, compte tenu de son droit au séjour, sur ses droits au revenu minimum d'insertion à compter du 1er avril 2005 ;

2°) statuant au fond, de rejeter la demande présentée par M. A devant la commission départementale d'aide sociale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 39 ;

Vu les décisions C-292/89 du 26 février 1991 et C-138/02 du 23 mars 2004 de la Cour de justice des Communautés européennes ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'action sociale et des familles, notamment ses articles L. 262-9-1 et L. 262-35 ;

Vu le décret n° 94-211 du 11 mars 1994 ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Lallet, Auditeur,

- les observations de la SCP Piwnica, Molinié, avocat du DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES,

- les conclusions de Mlle Anne Courrèges, Commissaire du gouvernement ;

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 alors en vigueur, ont un droit au séjour dans les conditions fixées par ce décret les personnes : « (...) c) « venant en France occuper un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d) et e) ci-après ; d) Occupant un emploi salarié en France tout en ayant leur résidence habituelle sur le territoire d'un autre Etat membre (...), où ils retournent chaque jour ou au moins une fois par semaine ; / e) Venant en France exercer une activité salariée à titre temporaire ou en qualité de travailleur saisonnier (...) » ; que le k) du même article prévoit que les personnes ne relevant pas d'autres dispositions de cet article bénéficient d'un droit au séjour s'ils disposent, pour eux-mêmes et leurs conjoints, leurs descendants et ascendants à charge, de ressources suffisantes et d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité ;

Considérant, d'autre part, que la libre circulation des travailleurs protégée par les stipulations de l'article 39 du traité instituant la Communauté européenne, interprétées par la Cour de justice des Communautés européennes dans ses décisions C-292/89 du 26 février 1991 et C-138/02 du 23 mars 2004, implique le droit pour les ressortissants des Etats membres, qu'ils aient ou non exercé antérieurement une activité professionnelle, de circuler librement sur le territoire des autres Etats membres et d'y séjourner aux fins d'y rechercher un emploi durant un délai raisonnable qui leur permette de prendre connaissance, sur le territoire de l'Etat membre concerné, des offres d'emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagés ; qu'il en résulte que les personnes venant en France pour rechercher un emploi salarié dans les conditions autres que celles qui sont prévues aux d) et e) de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 bénéficient, sur le fondement du c) du même article, d'un droit au séjour pendant un délai raisonnable leur permettant de prendre connaissance des offres d'emplois correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagées, sans avoir à justifier de ressources suffisantes et d'une assurance couvrant l'ensemble des risques maladie et maternité ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles, dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Pour le bénéfice du revenu minimum d'insertion, les ressortissants des Etats membres de l'Union européenne (...) doivent remplir les conditions exigées pour bénéficier d'un droit au séjour » ;

Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions rappelées ci-dessus, applicables à la date de la décision litigieuse, qu'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne venant en France pour rechercher un emploi a droit, s'il remplit les autres conditions posées par le code de l'action sociale et des familles, au revenu minimum d'insertion, dès lors, d'une part, qu'il est établi qu'il est effectivement à la recherche d'un emploi et, d'autre part, que la durée de ce séjour n'excède pas un délai raisonnable lui permettant de prendre connaissance des offres d'emplois correspondant à ses qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagé ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A et sa compagne, tous deux de nationalité italienne, sont entrés en France à la fin du mois de mars 2005 et se sont vu refuser le bénéfice du revenu minimum d'insertion par une décision du président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques en date du 25 avril 2005, au motif qu'ils ne remplissaient pas les conditions exigées pour bénéficier d'un droit au séjour ; que, pour annuler la décision du 25 avril 2005, la commission centrale d'aide sociale s'est fondée sur ce que M. A et sa compagne, dont le caractère sérieux de la recherche d'emploi n'était pas contesté, « entraient dans la catégorie visée par le c) de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 » au motif que « le droit au séjour des ressortissants d'Etats membres de la Communauté européenne en qualité de travailleur est reconnu aux personnes en recherche d'emploi, dès lors que la durée de celle-ci n'excède pas un délai raisonnable qui leur permet de prendre connaissance des offres d'emploi correspondant à leurs qualifications professionnelles et de prendre, le cas échéant, les mesures nécessaires aux fins d'être engagés » ; qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES n'est pas fondé à soutenir que la commission centrale d'aide sociale aurait, ce faisant, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles et de l'article 1er du décret du 11 mars 1994 ;

Considérant en deuxième lieu qu'aucune norme communautaire ne faisait obstacle à ce que M. A puisse, sur le fondement des dispositions nationales alors en vigueur, prétendre au bénéfice du revenu minimum d'insertion ;

Considérant, en troisième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles : « Le versement de l'allocation est subordonné à la condition que l'intéressé fasse valoir ses droits (...)/ aux créances d'aliments qui lui sont dues au titre des obligations instituées par l'article 203 du code civil » ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier soumis à la commission centrale d'aide sociale que le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, qui n'est pas d'ordre public, aurait été soulevé devant elle ; que, par suite, le DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES ne saurait, en tout état de cause, faire grief à la commission centrale d'aide sociale de ne pas avoir examiné si M. A remplissait la condition posée au versement de l'allocation par l'article L. 262-35 du code de l'action sociale et des familles ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête du DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES doit être rejetée ;

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête du DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée au DEPARTEMENT DES PYRENEES-ATLANTIQUES et à M. Gabriel A.

Copie en sera adressée pour information au ministre du logement et de la ville.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 24 sep. 2007, n° 293630
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Président : M. Stirn
Rapporteur ?: M. Alexandre Lallet
Rapporteur public ?: Mlle Courrèges
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE

Origine de la décision
Formation : 1ère et 6ème sous-sections réunies
Date de la décision : 24/09/2007
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 293630
Numéro NOR : CETATEXT000018007211 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2007-09-24;293630 ?
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