Vu 1°), sous le n° 283273, le recours, enregistré le 1er août 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE ; le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 1er de l'arrêt n° 02NT00489 du 22 mars 2005 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 29 janvier 2002 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme A dirigées contre l'arrêté du 3 avril 1990 du préfet du Loir-et-Cher instituant l'association foncière de remembrement de Prénouvellon (Loir-et-Cher), et, d'autre part, annulé cet arrêté ;
2°) statuant au fond, de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme A ;
Vu, 2°), sous le n° 284057, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 août, et 8 décembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. et Mme Daniel A, demeurant ... ; M. et Mme A demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 2 de l'arrêt n° 02NT00489 de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 22 mars 2005 par lequel la cour rejette le surplus de leurs conclusions tendant à l'annulation partielle du jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 29 janvier 2002 ;
2°) statuant au fond, d'annuler ce jugement en tant qu'il prononce le rejet de leurs conclusions dirigées contre l'arrêté du 10 août 1992 par lequel le préfet du Loir-et-Cher a ordonné le dépôt en mairie du plan de remembrement de Prénouvellon avec extension sur les communes de Membrolles, Charsonville, Epieds-en-Beauce, Villamblain et Ozoir-le-Breuil, et d'annuler ce même arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
Vu le code rural ;
Vu le décret n° 86-1417 du 31 décembre 1986 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Damien Botteghi, Auditeur,
- les observations de Me Brouchot, avocat de M. et Mme A,
- les conclusions de M. Didier Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le recours enregistré sous le n° 283273 et la requête enregistrée sous le n° 284057 sont dirigés contre le même arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 284057 de M. et Mme A :
Considérant que M. et Mme A se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2005 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 25 janvier 2002 rejetant la demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 août 1992 par lequel le préfet du Loir-et-Cher a ordonné le dépôt en mairie du plan de remembrement de la commune de Prénouvellon ;
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme A, répondu au moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant, en deuxième lieu, que le commissaire du gouvernement devant les cours administratives d'appel participe à la fonction de juger dévolue à la juridiction dont il est membre ; que l'exercice de cette fonction n'est pas soumis au principe du contradictoire applicable à l'instruction ; que les parties ont la faculté de porter à la connaissance de la juridiction, par une note en délibéré, les observations qu'appellent de leur part les conclusions du commissaire du gouvernement ; que les requérants ont en l'espèce fait usage de cette faculté ; que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au motif que le commissaire du gouvernement avait dans ses conclusions fait état d'un arrêt de la cour rendu public le même jour doit, par suite, et en tout état de cause, être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, que le propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre d'une opération d'aménagement foncier peut contester les effets de cette opération sur ses biens en formant devant la juridiction administrative un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier statuant sur sa réclamation, et, le cas échéant, obtenir, même après la clôture de cette opération, la modification de ses attributions si celles-ci n'ont pas été déterminées conformément aux règles applicables à l'aménagement foncier ; que ledit propriétaire peut également demander l'annulation de l'acte ordonnant la réalisation de l'opération d'aménagement foncier, laquelle, si elle est prononcée par le juge, est, en principe, de nature à entraîner par voie de conséquence celle de tout acte pris sur le fondement de cet arrêté qui a été déféré au juge de l'excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que toutefois, eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au respect du droit de propriété des autres intéressés qui résulterait d'une remise en cause générale des opérations d'aménagement foncier à une date postérieure à celle du transfert de propriété, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler l'acte ordonnant les opérations ou suspendre son exécution que jusqu'à la date du transfert de propriété ; que, statuant après cette date sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à une exception tirée de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ;
Considérant que pour rejeter les conclusions de M. et Mme A, la cour administrative d'appel de Nantes a estimé que l'annulation de l'arrêté du 20 juin 1990 du préfet du Loir-et-Cher ordonnant les opérations de remembrement n'était en aucun cas susceptible d'entraîner celle de l'arrêté du 10 août 1992 ordonnant le dépôt en mairie du plan de remembrement ; que, ce faisant, elle a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
Mais considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté du 20 juin 1990 du préfet du Loir-et-Cher a été annulé le 29 janvier 2002, postérieurement à la date du dépôt en mairie du nouveau plan parcellaire ; que par suite l'exception tirée de l'illégalité de cet arrêté invoquée à l'appui du recours dirigé contre l'arrêté du 10 avril 1992 ordonnant le dépôt en mairie du plan définitif ne pouvait être accueillie ; que ce motif étant d'ordre public et ne comportant l'appréciation d'aucune circonstance de fait, il doit être substitué au motif erroné retenu par l'arrêt attaqué, dont il justifie légalement le dispositif ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
Sur le recours n° 283273 du MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE :
Considérant que le MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 22 mars 2005 de la cour administrative d'appel de Nantes en tant qu'il a accueilli l'appel de M. et Mme A dirigé contre le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 29 janvier 2002 en tant que ce dernier avait rejeté les conclusions dirigées contre l'arrêté du 3 avril 1990 du préfet de Loir-et-Cher instituant l'association foncière de remembrement de Prénouvellon et a annulé cet arrêté ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que le propriétaire de parcelles incluses dans le périmètre d'une opération d'aménagement foncier peut contester les effets de cette opération sur ses biens en formant devant la juridiction administrative un recours pour excès de pouvoir à l'encontre de la décision de la commission départementale d'aménagement foncier statuant sur sa réclamation, et, le cas échéant, obtenir, même après la clôture de cette opération, la modification de ses attributions si celles-ci n'ont pas été déterminées conformément aux règles applicables à l'aménagement foncier ; que ledit propriétaire peut également demander l'annulation de l'acte ordonnant la réalisation de l'opération d'aménagement foncier, laquelle, si elle est prononcée par le juge, est, en principe, de nature à entraîner par voie de conséquence celle de tout acte pris sur le fondement de cet arrêté qui a été déféré au juge de l'excès de pouvoir dans le délai de recours contentieux ; que toutefois, eu égard à l'atteinte excessive à l'intérêt général et au respect du droit de propriété des autres intéressés qui résulterait d'une remise en cause générale des opérations d'aménagement foncier à une date postérieure à celle du transfert de propriété, le juge de l'excès de pouvoir ne peut annuler l'acte ordonnant les opérations ou suspendre son exécution que jusqu'à la date du transfert de propriété ; que, statuant après cette date sur un recours dirigé contre un acte pris dans le cadre des opérations d'aménagement foncier, il ne peut faire droit à une exception tirée de l'illégalité de l'acte ordonnant ces opérations que si celui-ci a fait l'objet d'une annulation ou d'une suspension avant le transfert de propriété ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumises aux juges du fond que l'arrêté du préfet du Loir-et-Cher du 20 juin 1990 ordonnant un remembrement de propriété foncière dans la commune de Prénouvellon a été annulé le 29 janvier 2002, postérieurement à la date de dépôt en mairie du nouveau plan parcellaire ordonné par arrêté du 10 avril 1992 ; que par suite, en se fondant sur cette annulation pour prononcer celle de l'arrêté du 3 avril 1990 instituant l'association foncière, la cour a commis une erreur de droit justifiant l'annulation de son arrêt ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut « régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie » ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond dans les limites de la cassation prononcée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A soutiennent, sans être utilement contredits, que les mesures de publicité propres à faire courir le délai du recours contentieux contre l'arrêté du 3 avril 1990 n'ont pas été accomplies ; que le délai de recours contentieux à l'égard de cette décision n'a dès lors pas commencé à courir ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 avril 1990 comme tardives ; qu'il y a lieu d'annuler son jugement du 29 janvier 2002 en tant qu'il a rejeté ces conclusions, d'évoquer et de statuer immédiatement sur celles-ci ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la demande ;
Considérant qu'aux termes de l'article 27 de l'ancien code rural, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté litigieux : « Dès que la commission communale s'est prononcée en application de l'article 25, il est constitué entre les propriétaires des parcelles à remembrer une association foncière soumise au régime prévu par la loi du 21 juin 1865 précitée et dont les règles de constitution et de fonctionnement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. / La constitution de l'association est obligatoire sauf si, à la demande de la commission communale d'aménagement foncier et après avis de la commission départementale, le conseil municipal s'engage à réaliser l'ensemble des travaux décidés par la commission communale. / Cette association a pour objet la réalisation, l'entretien et la gestion des travaux ou ouvrages mentionnés aux articles 19-4, 25 et 25-1 du présent code (...) » ; qu'aux termes de l'article 30 du décret du 31 décembre 1986 pris pour l'application du code rural et relatif aux dispositions communes aux divers modes d'aménagement foncier, applicable à la date de l'arrêté litigieux : « Lorsqu'il y a lieu de créer une association foncière de remembrement, celle-ci est instituée, par un arrêté du préfet, entre les propriétaires des terrains inclus dans le périmètre de remembrement » ; qu'il résulte de ces dispositions que la création d'une association foncière ne peut légalement intervenir que lorsqu'un remembrement a été ordonné et son périmètre défini par arrêté ; que par suite l'arrêté du 3 avril 1990 créant une association foncière de remembrement à Prénouvellon entre les propriétaires des terrains inclus dans le périmètre de remembrement alors que celui-ci a été défini par un arrêté du 20 juin 1990 est dépourvu de base légale ; que M. et Mme A sont par suite fondés à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de cet article et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros demandée par M. et Mme A au titre des frais engagés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 1er de l'arrêt n° 02NT00489 de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 22 mars 2005 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans en date du 29 janvier 2002 en tant qu'il a rejeté les conclusions de M. et Mme A tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Loir-et-Cher en date du 3 avril 1990 instituant l'association foncière de remembrement de Prénouvellon et cet arrêté préfectoral sont annulés.
Article 3 : L'Etat versera à M. et Mme A 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La requête de M. et Mme A enregistrée sous le n° 284057 est rejetée.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au MINISTRE DE L'AGRICULTURE ET DE LA PECHE, à M. et Mme Daniel A, au département du Loir-et-Cher et à l'association foncière de remembrement de Prénouvellon.