Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 31 mars et le 14 juin 2006 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Philippe A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 11 janvier 2006 par laquelle la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins a rejeté son recours tendant à l'annulation de la décision du 25 septembre 2005 du conseil régional de l'ordre des médecins du Centre rejetant sa demande d'inscription, à titre individuel, au tableau de l'ordre des médecins du Loiret ;
2°) d'enjoindre à la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins de statuer sur sa demande d'inscription au tableau dans un délai de trois mois à compter de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Bettina Laville, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Capron, Capron, avocat de M. A et de la SCP Vier, Barthélemy, Matuchansky, avocat du conseil national de l'ordre des médecins,
- les conclusions de M. Rémi Keller, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. A, médecin qualifié spécialiste en néphrologie, exerce son activité à l'hôpital privé de l'Ouest Parisien à Trappes, dans le cadre d'une société d'exercice libéral, et est inscrit, à ce titre, au tableau de l'ordre des médecins des Yvelines ; qu'il a sollicité son inscription simultanée au tableau de l'ordre du Loiret pour exercer à titre individuel au centre de dialyse de la clinique René Blanche à Orléans ; que la décision attaquée, se fondant sur les dispositions de l'article R. 4113-3 du code de la santé publique, a confirmé le rejet opposé à cette demande par le conseil régional de l'ordre des médecins de la région Centre ;
Considérant qu'aux termes de l'article 21 de la loi du 31 décembre 1990 relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales : Des décrets au Conseil d'Etat (...) déterminent en tant que de besoin les conditions d'application du présent titre (...) / Ils peuvent également prévoir qu'un associé n'exerce sa profession qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral et ne peut exercer la même profession à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle ; qu'aux termes de l'article R. 4113-3 du code de la santé publique : Un associé ne peut exercer la profession de médecin qu'au sein d'une seule société d'exercice libéral de médecins et ne peut cumuler cette forme d'exercice avec l'exercice à titre individuel ou au sein d'une société civile professionnelle, excepté dans le cas où l'exercice de sa profession est lié à des techniques médicales nécessitant un regroupement ou un travail en équipe ou à l'acquisition d'équipements ou de matériels soumis à autorisation en vertu de l'article L. 6122-1 ou qui justifient des utilisations multiples ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'un médecin, dès lors qu'il entre dans le champ de l'exception qu'elles prévoient, peut cumuler l'exercice de sa profession au sein d'une société d'exercice libéral avec un exercice à titre individuel ; qu'un tel cumul est, par conséquent, possible, aussi bien pour un médecin exerçant déjà au sein d'une société d'exercice libéral et demandant à exercer à titre individuel, que pour un médecin exerçant à titre individuel et demandant à exercer au sein d'une société d'exercice libéral ; que, dès lors, en fondant sa décision sur ce qu'en application des dispositions précitées, le cumul dont s'agit ne pouvait être autorisé que dans la seconde de ces deux hypothèses, la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins a entaché sa décision d'erreur de droit ; qu'il s'ensuit que M. A est fondé à en demander l'annulation ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant que l'exécution de la présente décision implique nécessairement que la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins statue à nouveau sur le recours formé devant elle par M. A ; qu'il est enjoint à cette section de statuer à nouveau, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sur le recours de M. A ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande, à ce titre, le conseil national de l'ordre des médecins ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du conseil national de l'ordre des médecins la somme de 3 000 euros que demande M. A au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins en date du 11 janvier 2006 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à la section disciplinaire du conseil national de l'ordre des médecins de statuer à nouveau, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, sur le recours de M. A.
Article 3 : Le conseil national de l'ordre des médecins versera à M. A une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du conseil national de l'ordre des médecins tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Philippe A, au conseil national de l'ordre des médecins et au conseil départemental de l'ordre des médecins du Loiret.
Copie en sera adressée pour information au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.