Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2006 et 12 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mohamed A, demeurant ... ; M. A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 11 septembre 2006 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté sa requête tendant, d'une part, à l'annulation du jugement du 17 mars 2005 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Corse du Sud à sa demande de titre de séjour du 19 mai 2004, d'autre part, à l'annulation de cette décision et à ce qu'il soit enjoint au préfet de Corse du Sud de lui délivrer le titre de séjour demandé ;
2°) statuant au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Richard Senghor, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de M. Mohamed A,
- les conclusions de M. Mattias Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2005, M. A soutenait notamment que la décision implicite de rejet opposée par le préfet de Corse du Sud à sa demande de titre de séjour méconnaissait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour administrative d'appel de Marseille s'est bornée, pour rejeter ce moyen, non inopérant, en même temps que ceux tirés de la violation des 3° et 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, à procéder à une adoption des motifs des premiers juges, alors que le jugement du tribunal administratif ne comporte aucune motivation se rapportant à l'article 8 de la convention européenne ; que, dès lors, M. A est fondé à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 11 septembre 2006, qui est entaché d'un défaut de motivation ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'aux termes de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 alors en vigueur : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 3° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans(...) » ;
Considérant, d'une part, que les périodes durant lesquelles un étranger se maintient en France en méconnaissance de peines d'interdiction du territoire prononcées contre lui par le juge pénal, fussent-elles non exécutées, ne sauraient, pour la durée de celles-ci, être prises en compte au titre de la condition de résidence habituelle énoncée par ces dispositions ; qu'en l'espèce, si M. A soutient qu'il vit en France depuis 1984, il ressort des pièces du dossier qu'il a fait l'objet de plusieurs condamnations à des peines d'interdiction du territoire français, échelonnées entre 1989 et 1997, dont la durée ne peut être imputée dans le décompte de sa durée de résidence pour l'octroi d'un titre de séjour de plein droit ; qu'ainsi M. A ne peut se prévaloir utilement du temps durant lequel il s'est soustrait à l'exécution de ces mesures ; que, par suite, c'est sans commettre d'erreur de droit que le tribunal administratif a soustrait des années de présence en France de l'intéressé, les interdictions de territoire prononcées par le tribunal de grande instance d'Ajaccio et la cour d'appel de Bastia ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A justifie avoir, ni à la date de la décision attaquée, ni avant sa condamnation à une peine d'interdiction du territoire de cinq ans prononcée par le tribunal de grande instance de Bastia le 18 avril 1997, résidé en France de façon habituelle et continue pendant plus de dix ans, hors des périodes couvertes par des interdictions du territoire ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Marseille aurait méconnu le 3° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ne peut qu'être écarté ;
Considérant, enfin, que si M. A soutient que, compte tenu de la durée de sa présence en France où résident sa soeur et son beau-frère, avec leurs enfants, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale, il ne ressort pas cependant des pièces du dossier que, dans les circonstances propres à l'espèce, M A, vivant seul, sans charge de famille et n'établissant pas qu'il est dépourvu d'attaches dans son pays d'origine, la décision attaquée ait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, alors applicable ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement en date du 17 mars 2005, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de rejet prise par le préfet de la Corse du Sud ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction, d'astreinte et de versement au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 11 septembre 2006 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.
Article 2 : L'appel présenté par M. A devant la cour administrative d'appel de Marseille contre le jugement du tribunal administratif de Bastia en date du 17 mars 2005 est rejeté.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Mohamed A, au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du co-développement.