Vu 1°/, sous le n° 302040, la requête, enregistrée le 27 février 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA), dont le siège est 7, rue de Jouy à Paris (75004) ; l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le II de l'article 7 du décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu 2°/, sous le n° 302137, la requête, enregistrée le 1er mars 2007 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (LDH), dont le siège est 138, rue Marcadet à Paris (75018), l'association AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), dont le siège est 2-4, rue de Harlay à Paris (75001), la CIMADE, dont le siège est 176, rue de Grenelle à Paris (75007), la FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITE AVEC LES TRAVAILLEURS IMMIGRES (FASTI), dont le siège est 58, rue des Amandiers à Paris (75020), le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), dont le siège est 3, Villa Marcès à Paris (75003) ; la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (LDH) et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le décret n° 2006-1708 du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros par association requérante, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution, notamment son article 34 ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée le 4 novembre 1950 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 2006-911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle » ;
Considérant que les stipulations précitées ne font pas obstacle à ce que le Conseil d'Etat, qui n'est pas l'auteur du décret attaqué, procède, dans l'exercice de ses fonctions consultatives, à l'examen d'un projet de décret et se prononce ultérieurement, dans l'exercice de ses fonctions contentieuses, sur la légalité de ce même décret ; qu'au surplus, aucun des membres de la commission permanente consultée pour avis sur le projet de décret ni aucun des membres du Conseil d'Etat participant au conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel également consulté sur ce projet, n'ont siégé dans la formation de jugement devant laquelle ont été portées les requêtes dirigées contre ce décret ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Sur l'article 1er :
Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article L. 512-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, l'étranger qui fait l'objet d'un refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour, de récépissé de demande de carte de séjour ou d'autorisation provisoire de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français mentionnant le pays de destination peut demander l'annulation de ces décisions au tribunal administratif dans un délai d'un mois à compter de la notification desdites décisions ; que l'article 1er du décret attaqué introduit dans le chapitre V du titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie réglementaire) un article R. 775-2 aux termes duquel : « Le délai de recours est d'un mois à compter de la notification de la décision attaquée. Il n'est pas prorogé par l'exercice d'un recours administratif » ;
Considérant qu'eu égard au délai de recours abrégé introduit par l'article L. 512-1 du code de justice administrative, le décret attaqué pouvait légalement prévoir que l'introduction d'un recours administratif préalable n'aurait pas pour effet de proroger ledit délai ; qu'eu égard à l'intérêt qui s'attache au règlement rapide de la situation des étrangers faisant l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français, ce délai d'un mois doit être regardé comme suffisant ; qu'aucune stipulation conventionnelle, aucune disposition législative ni aucun principe général du droit n'imposait de prévoir que le placement en rétention administrative d'un étranger faisant l'objet d'une décision de refus de séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français aurait une incidence sur le délai de recours contentieux au cours duquel il peut demander l'annulation de cette décision ;
Considérant, en deuxième lieu, que l'article 1er du décret attaqué introduit dans le chapitre V du titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie réglementaire) un article R. 775-3 aux termes duquel : « Lorsqu'une décision relative au séjour assortie d'une obligation de quitter le territoire français fait l'objet de deux ou plusieurs requêtes, celles-ci peuvent faire l'objet d'un enregistrement unique et d'une instruction commune » ;
Considérant que les dispositions de l'article R. 775-3 précité n'ont ni pour objet ni pour effet de priver les requérants de leur droit de contester séparément le refus de séjour, l'obligation de quitter le territoire français et la désignation du pays de renvoi ou d'empêcher les juridictions de se prononcer sur la légalité de chacune de ces décisions ; qu'en outre, contrairement à ce que font valoir les associations requérantes, les dispositions de l'article R. 775-3 précité sont dépourvues d'incidence sur la possibilité offerte aux intéressés de présenter une demande de suspension à l'encontre de la décision de refus de séjour dans les conditions énoncées aux articles L. 521-1 et L. 521-2 du code de justice administrative ;
Considérant, en troisième lieu, que l'article 1er du décret attaqué introduit dans le chapitre V du titre VII du livre VII du code de justice administrative (partie réglementaire) un article R. 775-8 aux termes duquel : « En cas de notification au tribunal administratif par le préfet ou, à Paris, par le préfet de police de sa décision de placement en rétention de l'étranger avant que le tribunal ait rendu sa décision, le président du tribunal ou le magistrat qu'il désigne transmet, s'il y a lieu, l'affaire dans les formes prévues au premier alinéa de l'article R. 351-6, au tribunal administratif dans le ressort duquel est situé le centre de rétention administrative dans lequel l'étranger est placé, sauf si elle est en état d'être jugée. Les actes de procédure accomplis régulièrement devant le tribunal administratif saisi en premier lieu restent valables devant le tribunal auquel est transmise l'affaire » ;
Considérant que les dispositions de l'article R. 775-8 précité du code de justice administrative n'ont ni pour objet ni pour effet, contrairement à ce que soutiennent les associations requérantes, de permettre aux préfets de déterminer eux-mêmes la juridiction compétente pour se prononcer sur le litige ;
Sur les articles 6 et 7 :
Considérant que les articles 6 et 7 du décret attaqué ont, en leur II, ajouté aux articles R. 122-12 et R. 222-1 du code de justice administrative un 7° permettant aux présidents de formations de jugement de rejeter par ordonnance, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que si les articles L. 3, L. 5, L. 6 et L. 7 du titre préliminaire du code de justice administrative disposent que les jugements sont rendus en formation collégiale après instruction contradictoire lors d'une audience publique comprenant l'audition des conclusions du commissaire du gouvernement, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 122-1 de ce code : « Le président de la section du contentieux et les présidents de sous-section peuvent, par ordonnance, régler les affaires dont la nature ne justifie pas l'intervention d'une formation collégiale » et aux termes du premier alinéa de l'article L. 222-1 du même code : « Les jugements des tribunaux administratifs et les arrêts des cours administratives d'appel sont rendus par des formations collégiales, sous réserve des exceptions tenant à l'objet du litige ou à la nature des questions à juger » ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer les catégories de litiges susceptibles de faire l'objet d'une ordonnance, c'est-à-dire d'une décision des présidents de juridiction ou de formation de jugement, qui peut être rendue sans instruction préalable, sans audience et sans conclusions d'un commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA), la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (LDH), l'association AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), la CIMADE, la FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITE AVEC LES TRAVAILLEURS IMMIGRES (FASTI) et le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret du 23 décembre 2006 modifiant la partie réglementaire du code de justice administrative ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA), la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (LDH), l'association AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), la CIMADE, la FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITE AVEC LES TRAVAILLEURS IMMIGRES (FASTI) et le GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI) demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes n° 302040 et 302137 sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION SYNDICALE DES MAGISTRATS ADMINISTRATIFS (USMA), à la LIGUE DES DROITS DE L'HOMME (LDH), à l'association AVOCATS POUR LA DEFENSE DU DROIT DES ETRANGERS (ADDE), à la CIMADE, à la FEDERATION DES ASSOCIATIONS DE SOLIDARITE AVEC LES TRAVAILLEURS IMMIGRES (FASTI), au GROUPE D'INFORMATION ET DE SOUTIEN DES IMMIGRES (GISTI), au Premier ministre et au garde des sceaux, ministre de la justice.