Vu, 1°) sous le n° 285485, la requête, enregistrée le 26 septembre 2005 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, dont le siège est 5, boulevard du Roy René à Aix-en-Provence (13100) ; le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2005-1016 du 23 août 2005 pris pour l'application de l'article L. 162-1-14 du code de sécurité sociale ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu, 2°) sous le n° 286271, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 20 octobre 2005 et le 17 janvier 2006, présentés pour l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES, dont le siège est 18, voie Mehul à Vitry-sur-Seine (94400), pour M. Anh Tuan B, demeurant ... et pour M. Jean-Louis A, demeurant ... ; l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même décret du 23 août 2005 ;
2) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 6 ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Eric Berti, chargé des fonctions de Maître des requêtes,
- les observations de Me Blanc, avocat de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES et autres,
- les conclusions de M. Luc Derepas, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION et de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES et autres sont dirigées contre le même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant que l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction en vigueur à la date du décret attaqué, dispose : « L'inobservation des règles du présent code par les professionnels de santé, les établissements de santé, les employeurs ou les assurés, ayant abouti à une demande de remboursement ou de prise en charge indus ainsi que le refus par les professionnels de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation (...) peuvent faire l'objet d'une pénalité prononcée par le directeur de l'organisme local d'assurance maladie, après avis d'une commission composée et constituée au sein du conseil de cet organisme. (...)/ Les modalités d'application du présent article, notamment les règles mentionnées au premier alinéa et le barème des pénalités, sont fixées par décret en Conseil d'Etat » ;
Considérant que le décret attaqué du 23 août 2005, pris pour l'application de ces dispositions, a inséré à cette fin les articles R. 147-1 à R. 147-8 dans le code de la sécurité sociale ;
Sur la légalité de l'article R. 147-1 du code de la sécurité sociale :
Considérant que cet article, qui dispose que : « L'organisme local d'assurance maladie compétent pour prononcer la pénalité financière mentionnée à l'article L. 162-1-14 est celui qui a ou aurait supporté l'indu en cause », ne fait qu'appliquer les dispositions prévues par la loi ; que, par suite, et en tout état de cause, les requérants ne sauraient utilement soutenir que le principe d'impartialité ferait obstacle à ce que le prononcé de la pénalité soit attribué à la personne morale victime de l'infraction ; que ces dispositions ne sont pas contraires aux stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à la nature des sanctions en cause ;
Sur la légalité de l'article R. 147-2 :
Considérant que cet article dispose : « Lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles de faire l'objet de la pénalité financière mentionnée à l'article L. 162-1-14, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à la personne ou à l'établissement en cause une mise en garde lui indiquant que ces faits seraient de nature à justifier l'engagement d'une procédure de sanction s'ils devaient être à nouveau constatés après un délai minimum d'un mois. / Cette mise en garde n'est pas requise : / - lorsque la personne ou l'établissement en cause a déjà fait l'objet, durant les deux ans qui précèdent, d'une mise en garde ou d'une pénalité financière pour un même motif ; / - lorsque la demande présentée indûment au remboursement ou le montant mis indûment à la charge de l'assurance maladie dépasse la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale » ;
Considérant, d'une part, que la pénalité prévue à l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale étant une sanction administrative, le pouvoir réglementaire a pu, sans méconnaître sa compétence, prévoir une procédure de mise en garde pour certains contrevenants, comme il l'a fait à l'article R. 147-2, alors même que celle-ci n'est pas prévue par la loi ;
Considérant, d'autre part, que les personnes qui commettent une inobservation pour la première fois, ou qui commettent une inobservation génératrice d'un indu inférieur à la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale et qui, à ce titre, peuvent se voir adresser une mise en garde, ne se trouvent pas dans la même situation que les personnes qui ont déjà commis la même inobservation au cours des deux années précédentes ou qui sont à l'origine d'un indu de plus de la moitié du plafond mensuel de la sécurité sociale, et qui peuvent se voir infliger en conséquence directement la pénalité prévue par les textes ; que le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit donc être écarté ;
Sur la légalité de l'article R. 147-3 :
Considérant, en premier lieu, que l'article R. 147-3 dispose : « Si, malgré la mise en garde mentionnée à l'article R. 147-2, des faits de même nature sont constatés à l'issue du délai d'un mois imparti, le directeur de l'organisme local d'assurance maladie adresse à la personne ou à l'établissement en cause la notification prévue à l'article L. 162-1-14. Cette notification précise les faits reprochés et le montant de la pénalité encourue et indique à la personne ou l'établissement en cause qu'il dispose d'un délai d'un mois à compter de sa réception pour demander à être entendu, s'il le souhaite, ou pour présenter des observations écrites./ (...) Si, après réception des observations écrites ou après audition de la personne ou de l'établissement, ou à l'issue du délai d'un mois à compter de la notification, le directeur décide de poursuivre la procédure, il saisit la commission mentionnée à l'article L. 162-1-14 (...)/ ... après avoir entendu le rapporteur et, s'il le souhaite, la personne ou l'établissement en cause, la commission rend un avis motivé, portant notamment sur la matérialité et la gravité des faits reprochés, sur la responsabilité de la personne ou de l'établissement et sur le montant de la pénalité susceptible d'être appliquée./ La commission doit émettre son avis dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. Elle peut, si un complément d'information est nécessaire, demander au directeur un délai supplémentaire d'un mois. Toutefois, si la commission ne s'est pas prononcée au terme du délai qui lui est imparti, l'avis est réputé rendu... » ; qu'en prévoyant que l'intéressé pouvait être entendu par le directeur de l'organisme et la commission consultative, tout en admettant que l'avis de la commission soit réputé donné après un certain délai, le pouvoir réglementaire, auquel il appartient de préciser la procédure de mise en oeuvre de la pénalité prévue par la loi, a concilié les exigences du caractère contradictoire de la procédure et la nécessaire effectivité de l'action de l'administration, sans contrevenir aux droits de la défense ; que le moyen doit donc être écarté ;
Considérant, en second lieu, que le décret attaqué n'a pas méconnu l'article L. 162-1-14 en ne prévoyant pas que l'avis de la commission s'impose au directeur de l'organisme local d'assurance maladie ;
Sur la légalité de l'article R. 147-4 :
Considérant, en premier lieu, que cet article prévoit à son premier alinéa que la commission consultative comprend cinq membres issus du conseil de l'organisme local d'assurance maladie ; qu'il ressort de l'article L. 211-2 du code de la sécurité sociale que le conseil des caisses primaires d'assurance maladie est composé de représentants des assurés sociaux, des employeurs, de la Fédération nationale de la mutualité française et de représentants d'institutions désignées par l'Etat intervenant dans le domaine de l'assurance maladie ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'impartialité des membres de la commission pourrait être affectée du fait de leur subordination au directeur de l'organisme ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que si les requérants soutiennent que l'article R. 147-4 attaqué introduit un déséquilibre dans la composition de la commission consultative en faveur des organismes d'assurance maladie en disposant que : « La commission mentionnée à l'article R. 147-3 est composée de cinq membres issus du conseil de l'organisme local d'assurance maladie compétent pour prononcer la pénalité et désignés par lui en tenant compte de la répartition des sièges entre les différentes catégories représentées en son sein. / Le conseil de l'organisme local nomme cinq représentants de chaque profession de santé, sur proposition de l'instance paritaire prévue par la convention nationale mentionnée à l'article L. 162-14-1 au niveau départemental, ou à défaut au niveau régional », il ressort de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale que participent à la commission consultative prévue par ce texte, « Lorsque la pénalité envisagée concerne un professionnel de santé, des représentants de la même profession (...). Lorsqu'elle concerne un établissement de santé, des représentants au niveau régional des organisations nationales représentatives des établissements (...). » ; qu'il ressort de la combinaison de ces dispositions que, d'une part, le législateur n'a pas imposé à cette commission un caractère paritaire et que, d'autre part, les dispositions de l'article R. 147-4 qui prévoient que lorsque la commission se réunit pour examiner le cas d'un professionnel de santé, elle est composée de cinq membres issus du conseil de l'organisme local d'assurance maladie et de cinq représentants de la profession de santé concernée, ces derniers étant choisis sur proposition de l'instance paritaire conventionnelle, ne contreviennent pas à la loi, dès lors que l'article L. 162-1-14 a entendu réserver aux professionnels de santé libéraux, et non aux médecins conseils siégeant dans la section sociale de la commission paritaire locale, la représentation de cette profession au sein de la commission consultative ; que ce moyen doit donc être écarté ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il appartenait au Gouvernement de préciser les règles de quorum applicables, sans être tenu de respecter une règle de parité qui ne résulte ni des dispositions de la loi, ni d'aucun autre texte ; que, par suite, en fixant le quorum applicable aux réunions de la commission consultative à trois membres sur les cinq lorsque la commission est chargée des cas des assurés sociaux et des employeurs, et de six membres sur les dix lorsque la commission examine les cas des professionnels et des établissements de santé, l'auteur du décret n'a commis aucune illégalité ;
Sur la légalité de l'article R. 147-5 :
Considérant que cet article entend adapter la composition de la commission consultative lorsque les faits reprochés sont relatifs à l'assurance maladie des personnes non salariées des professions agricoles, non affiliées à la mutualité sociale agricole ou à l'assurance contre les accidents du travail de l'ensemble de ces personnes, en disposant que les représentants des professionnels de santé et des représentants des établissements de santé devant participer à cette commission sont nommés par le directeur du groupement prévu à l'article L. 752-14 du code rural ;
Considérant, en premier lieu, qu'en prévoyant, d'une part, au deuxième alinéa de l'article R. 147-5 du code de la sécurité sociale, que « Lorsqu'une pénalité est susceptible d'être prononcée à l'encontre d'un professionnel de santé, cinq représentants de la même profession participent à la commission. Ils sont nommés par le directeur du groupement parmi des représentants, pour chaque profession, des organisations syndicales les plus représentatives » et, d'autre part, au troisième alinéa du même article, que « Lorsqu'une pénalité est susceptible d'être prononcée à l'encontre d'un établissement de santé, cinq représentants des établissements de santé participent à la commission. Ils sont nommés par le directeur du groupement parmi les organisations nationales représentatives des établissements publics de santé et des établissements de santé privés mentionnés aux b, c, et d de l'article 162-22-6, sur proposition de ces organisations. », le pouvoir réglementaire, auquel il appartenait de déterminer les conditions de nomination des membres de cette commission en fonction de leur origine et de leurs spécificités, a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, prévoir pour les seuls établissements de santé que la désignation de ses membres se ferait sur proposition des organisations nationales représentatives de ces établissements ;
Considérant, en deuxième lieu, que la loi ne prévoyant que la représentation des établissements de santé dans la commission consultative, lorsque la pénalité concerne l'un de ces établissements, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le décret aurait dû prévoir que, dans le cas où un établissement de santé est poursuivi pour des actes réalisés par un professionnel de santé, des représentants de la même profession doivent siéger au sein de la commission ;
Sur la légalité de l'article R. 147-6 :
Considérant que l'article R. 147-6, après avoir, à son 3°, énuméré les faits pour lesquels les professionnels de santé libéraux et les praticiens statutaires à temps plein des établissements publics de santé dans le cadre de leur activité libérale peuvent faire l'objet d'une pénalité, énonce à son 4° que les établissements de santé peuvent faire l'objet d'une pénalité pour les faits mentionnés au 3° au titre de leurs salariés ; que, l'article L. 162-1-14 prévoyant lui-même que les pénalités qu'il institue peuvent être prononcées à l'encontre des établissements de santé, les dispositions du 4° de l'article R. 147-6 ne sont pas entachées d'illégalité en ce qu'elles permettent l'infliction de pénalités à l'encontre des établissements de santé du fait de leurs salariés ; que les requérants ne sont pas davantage fondés à soutenir que l'article R. 147-6 porterait atteinte au principe d'égalité ;
Sur la légalité de l'article R. 147-7 :
Considérant, en premier lieu, que l'article R. 147-7 énonce que la pénalité est fixée en fonction de la gravité des faits reprochés et du montant de l'indu présenté au remboursement ; que ces dispositions ne sont pas contraires à celles de l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale qui dispose que : « Le montant de la pénalité est fixé en fonction de la gravité des faits, dans la limite de deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale », dès lors que le montant de l'indu est l'un des éléments permettant d'apprécier la gravité de l'infraction ; que ce moyen doit donc être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, que la pénalité instituée par l'article L. 162-1-14 du code de la sécurité sociale n'ayant pas le caractère juridictionnel, le moyen tiré de ce que le pouvoir réglementaire aurait dû assortir la procédure d'adoption de cette pénalité des garanties prévues par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment de la publicité des audiences, est inopérant ;
Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 162-1-14, « la mesure prononcée est motivée et peut être contestée devant le tribunal administratif » ; qu'il est loisible à la personne ou l'établissement en cause d'introduire devant la juridiction administrative une procédure de référé afin d'obtenir la suspension de la mesure en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative ; que le requérant ne peut en conséquence utilement se plaindre de ce qu'aucune disposition de la loi ni du décret attaqué ne prévoit que la contestation de la pénalité suspend l'application de cette sanction ;
Sur le défaut d'adoption, par le pouvoir réglementaire, de certaines mesures d'application de la loi :
Considérant que si l'exercice du pouvoir réglementaire comporte l'obligation de prendre dans un délai raisonnable les mesures qu'implique nécessairement l'application de la loi, il n'épuise pas cette compétence par l'adoption d'une mesure d'application partielle de celle-ci ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que le Gouvernement aurait méconnu ses obligations en ne prévoyant, par le décret attaqué, que la mise en oeuvre des pénalités relatives aux indus et non celles s'attachant au refus par les professionnels de santé de reporter dans le dossier médical personnel les éléments issus de chaque acte ou consultation, lesquelles sont relatives à des obligations distinctes ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre, que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du décret attaqué ; que doivent, par voie de conséquence, être rejetées leurs conclusions tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION et de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES et autres sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DE LA DEONTOLOGIE ET DES DROITS DES MALADES, à M. Anh Tuan B, à M. Jean-Louis A, au Premier ministre et au ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.